Le groupe Udo : Passez au salon
À la croisée des soirées dadaïstes et des happenings des années soixante-dix, le groupe UDO organise des événements qui ressemblent à des mini-partys au cours desquels on règle ses comptes avec les excès de la société de consommation.
Qu’est-ce que le groupe Udo? Non, il ne s’agit pas d’un collectif japonais, petit-cousin du Gutai, mouvement rebelle de l’avant-garde nippone, qui serait de passage à Montréal. Mais plutôt d’un rassemblement d’artistes (différents d’une fois à l’autre) qui organisent, de temps à autre, des événements à la croisée de la soirée dadaïste et des happenings des années soixante, soixante-dix. C’est tout une promesse. Et elle est tenue.
Certes, leurs activités ont un petit côté adolescents fêtards. Mais on aime beaucoup. Cela allège le propos qui, autrement, pourrait en rebuter plus d’un: une critique de la société actuelle qui promet le bonheur à tout à chacun. Ce jugement sur notre monde passe mieux par l’humour, l’ironie, la parodie, la dérision_ Pas barbant pour deux sous, et parfois très intelligent.
Valérie Blass, Karim Blanc, Sébastien Cliche, Massimo Guerrera, Chloé Lefebvre, Corine Lemieux, Luc Vassort – accompagnés de quelques compères – présentent la plus récente intervention d’Udo à la Galerie Clark. Cet événement qui vaut le détour s’intitule Le Salon de l’agglomérat.
Parodiant des Salons comme celui de l’auto, de l’habitation, de la jeunesse ou de la femme, leur Salon nous promet, lui aussi, beaucoup pour résoudre nos problèmes. Leurs (faux) slogans, qui tentent de nous inciter à y aller, sont troublants de vérité: «Vous en avez rêvé_ nous l’avons fait!» ou encore «Venez essayer nos derniers produits anti-stress à base de liant social actif». Mais ici, point question de se transformer par la possession d’une chose ou par l’apprentissage d’une habileté ou d’un savoir. Rien ne viendra nous combler. Pas d’objets à convoiter, pas de buts supérieurs à atteindre. C’est plutôt la prise en charge de nos êtres par les systèmes commerciaux et l’abandon de nos identités à ces structures mercantiles qui sont énoncés. L’autoréférentialité des petits plaisirs du système de consommation est ainsi étalée à travers une série de kiosques. On pourra s’y procurer des suçons en forme de petites têtes (qui nous ramèneront à une forme – amicale – de cannibalisme), ou d’objets plus ou moins identifiables (des vertèbres?). Dans un autre kiosque, on vous demandera de devenir acteur et de mimer des actions, comme une étreinte_ Vous pourrez même rapporter un petit souvenir de la galerie puisque certains des éléments du mobilier \«installatif» sont systématiquement découpés à la scie pour offrir un petit cadeau au visiteur. Ce ne sont pas toutes les galeries ou les musées qui s’offrent ainsi corps et âme_ Des performances accompagnent le tout. C’est comme un mini-party tous les soirs. Sourires, bonheur et grincements de dents sans supplément.
Jusqu’au 31 octobre
Au Centre d’arts et de diffusion Clark
Contact photographique
Le photodocumentaire a donné à quelques-unes des plus belles images de l’histoire de la photographie. On a juste à penser, par exemple, au travail de Dorothea Lange qui, à la fin des années trente et au début des années quarante, a capté la détresse de la population américaine subissant la Grande Dépression. Sa Migrant Mother, réalisée pour un organisme gouvernemental en 1936, est la preuve la plus éclatante que le documentaire est une forme d’art à part entière.
Alerte Centre-Sud a depuis deux ans demandé à plusieurs photographes (Benoît Aquin, Normand Blouin, Jean-François Leblanc, Normand Rajotte et Michel Tremblay) de suivre la réhabilitation de ce quartier. Le résultat? Très positif, parfois même impressionnant autant photographiquement que du point de vue humain.
On appréciera, en particulier, les images de Tremblay montrant des cours intérieures de coopératives qui, de quasi-dépotoirs, se sont transformées en jardins. Cet artiste a une grande capacité à rendre compte de l’espace et de l’atmosphère d’un environnement. Les juxtapositions d’images de Leblanc (proches par leur structure du travail de David Hockney, mais à l’opposé de son bel esthétisme) montrent l’étendue de la dévastation de ce quartier, des travaux entrepris et à entreprendre.
Bien qu’une ou deux photos (comme cette jeune fille habillée en clown) parmi la vingtaine de pièces présentées par Benoît Aquin fassent un peu trop penser à Diane Arbus (à sa série de personnes handicapées mentalement, costumées pour l’Halloween), il n’en reste pas moins que son travail est souvent remarquable. Parmi ces polaroïds retirés en grands formats, on appréciera particulièrement l’intensité de la photo de la petite Alexandra Richer, les bras en croix, la tête tournée vers le ciel. L’image Mur aveugle est aussi une belle surprise. Une rue déserte, traversée par un homme noir tirant par la main son fils, est fermée par un mur sur lequel on peut lire: «Maïakovskij» (sic) et «Sindbad»_ L’évocation d’une rencontre entre l’écrivain révolutionnaire russe, qui s’est suicidé après son rejet du système soviétique, et du personnage fantastique des Mille et Une Nuits, a de quoi surprendre… Travail engagé sans être littéral.
Jusqu’au 28 novembre
À l’Écomusée du fier monde
Le collectionneur magicien
Voici une oeuvre que l’on connaissait mal et qui est d’une grande valeur. Grâce à cette rétrospective posthume de Robert Pelletier (mort en 1991), qui a lieu à la Galerie Vox, on a l’occasion de voir l’intelligence de la démarche créatrice de cet artiste mort bien trop jeune.
L’originalité de certaines des photos de Pelletier est indéniable. Surtout dans les dernières oeuvres. Dans le corpus du Chercheur de trésors, la série que constituent les Curiosités est absolument magique. Elle nous propose des images de fragments d’objets abîmés, méconnaissables, dont la beauté réside dans l’étrangeté de leurs formes ou de leurs textures. Ces divers éléments, parfois presque des déchets, usés par le temps, ont démontré leurs beautés grâce au regard que l’artiste a posé sur eux. Il y a dans ce choix de l’artiste-collectionneur comme une résurrection, qui fait passer ces poussières de monde (comme un morceau de carton d’allumettes) au niveau de précieuses reliques de notre vie quotidienne. Avec les Gants, accompagnés d’une photo de montre abîmée, les Curiosités font penser à une archéologie de notre monde contemporain telle qu’on la recomposera un jour. On adorera aussi la série Le Gantothrope où des gants semblent s’attaquer à Pelletier. Très drôle et énigmatique à la fois. On aimera aussi beaucoup les Autoportraits au réveil où l’on peut voir Pelletier dans son lit, et qui, dans ce contexte de présentation, semblent nous montrer l’artiste en train de souligner le caractère intime de son univers créatif.
Jusqu’au 7 novembre
À la Galerie Vox