Arts visuels

11e Rencontre internationale d’art performance : Corps de métier

Provocation, activisme, détournement, réflexion sur l’identité, interventions poétiques, la 11e édition de la Rencontre internationale d’art performance de Québec, c’est un peu tout cela à la fois. Quand le corps devient matériau.

L’engagement du Lieu pour la performance dépasse depuis longtemps nos frontières. Ce rayonnement favorise d’ailleurs la participation de certains artistes internationaux, dont la venue à Québec prend l’allure d’événement. Pour cette 11e édition de la Rencontre internationale d’art performance, l’organisation a réuni 24 artistes de 11 pays, certes des habitués des festivals et autres biennales internationales, mais aussi et surtout plusieurs artistes dont le travail apparaît incontournable. La formule de la Rencontre est simple: chaque soir, dès 20h, depuis le mercredi 18 octobre et jusqu’au dimanche 22 octobre, quatre performances sont présentées à l’Autre Caserne de Limoilou.

En plus de ces soirées de performance, deux artistes interviendront dans la galerie du Lieu. L’Américain Skip Arnold fera chaque jour des interventions dans les vitrines du centre d’art actuel. Cet artiste intègre son corps à l’architecture comme un élément sculpturale. Il devient tantôt une gargouille, tantôt le prolongement d’une borne fontaine. Cette approche de la performance rejoint celle de Roi Vaara, un artiste multidisciplinaire norvégien également présent à la Rencontre, dont la pratique est aussi alimentée par les rapports du corps à l’espace.

Le projet du jeune artiste québécois Christian Messier ne laissera personne indifférent. Messier passera en effet cinq jours littéralement enfermé dans une caisse de bois installée au Lieu. Voilà une performance "exemplaire". Typique même. Outre l’isolement imposé, le sacrifice de ne pas voir ses pairs à l’oeuvre n’est pas sans… intérêt. Cette 11e édition de la Rencontre s’avère aussi "éclectique et de grande densité", comme l’écrit Richard Martel du Lieu. Des approches plus formelles et réflexives, en côtoient d’autres plus narratives, voire presque théâtrales. La preuve en est notamment la présence de Guillermo Gomez-Pena, un artiste mexicain vivant à San Francisco, dont le travail proche du "spectacle" est volontiers provocateur. Kitsch, exubérant, ce dernier définit ainsi sa production: "Ethno-porno, tex-mex shamanisme, mexican Butho…"

Des artistes ayant participé aux premières heures de la performance dans les années 1960 et 1970 seront aussi de la partie. Des trois artistes d’australiens invités, il ne faudra pas manquer le passage de Stelarc, connu depuis plusieurs décennies pour ses performances utilisant la technologie. Chez lui, la machine est plus qu’un appendice du corps, elle s’y incruste. D’autres figures émérites de cette brochette de "sommités"? Soulignons la présence de Ben Patterson, un artiste ayant participé aux premières activités du groupe Fluxus, de Stuart Brisley, un des artistes importants du Royaume-Uni; sans oublier le travail de la Torontoise Rebecca Belmore et la poésie des deux Français, Serge Pey et Jean Dupuy. Difficile de tous les nommer. Soulignons tout de même la participation de trois artistes thaïlandais, dont Chumpon Apisuk. Du Québec, nous pourrons voir notamment les performances de Sylvette Babin et de James Partaik. Certains artistes se déplaceront aussi pendant le mois d’octobre vers Alma, Granby, Victoriaville, Trois-Rivières et Montréal.

Bien sûr, on peut se demander si la performance possède encore la dimension subversive qu’elle avait dans les 1960 et 1970. Une chose est sûre, elle continue de questionner les rapports du corps au public, au social et au politique et demeure un lieu réflexif pour l’art, un lieu de critique de ses institutions aussi. Mais encore, cette pratique artistique interpelle peut-être plus que jamais les actuelles mutations du statut du corps transformé par les technologies. Enfin, les réponses, on les aura surtout en en faisant l’"expérience"…

Du 18 au 22 octobre
À l’Autre Caserne et au Lieu
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Bloc-notes

L’art actuel au Musée du Québec
On voudrait parler plus longuement de l’exposition de la collection Prêt d’oeuvres d’art. Acquisitions 2000 au Musée du Québec. C’est probablement une année exceptionnelle, avec une sélection d’oeuvres presque irréprochable. Si la présentation n’est pas parfaite (les pièces manquant d’espace), cette exposition donne surtout une bonne idée de l’art qui se fait actuellement. Plusieurs jeunes artistes sont représentés, notamment Cynthia Girard (peintre et poétesse), Marc Séguin, Fabienne Lasserre, Sylvain Bouthillette, Mathieu Beauséjour, Martin Bureau, Carl Bouchard, Martin Dufrasne et BGL; en plus des artistes plus chevronnés, tels Sylvie Readman, Guy Pellerin, Roberto Pelligrinuzzi, Robert Racine et Paul Lacroix. Depuis 1982, le Musée acquière des oeuvres d’artistes québécois. Cette collection compte maintenant quelque 1 600 oeuvres que le Musée met à la disposition des institutions. À voir, jusqu’au 11 février 2001.