Albedo : Réflexion faite
PIERRE RINGUETTE est en résidence à La Chambre blanche depuis le 12 octobre. Cet artiste de Québec, peintre, dessinateur et aussi psychanalyste, réalise pour la première fois une oeuvre monumentale in situ. Rencontre d’un artiste et d’un lieu.
Il n’y a presque rien dans l’espace de La Chambre blanche: un mur en demi-cercle recouvert d’un plâtre gris, un autre aussi courbé et d’un blanc immaculé prolongent les murs originaux. Au centre, travaillée avec un soin particulier, la colonne de soutien trône. Sur le sol, le sablage de certaines planches de bois font voir les ombres des murs et des poutres. Les pans de mur minces et courbés en spirale autour du pilier central confèrent à l’espace la forme d’un coquillage. Mais ce parcours de nautile existait déjà. Pierre Ringuette n’a fait que le mettre en valeur. «Quand j’ai commencé ce travail, j’ai décidé de m’interroger sur le site, le lieu, sur sa nature profonde et son caractère propre, explique-t-il. Normalement, on amène ses choses avec soi; j’ai plutôt utilisé l’espace et le lieu comme support.» Pierre Ringuette a réalisé une oeuvre presque monumentale et minimale, «sans être minimaliste», comme il le dit. Son installation met en valeur avec une rigueur remarquable l’espace physique et formel de ce lieu qui a été plusieurs fois transformé par différents artistes. Pierre Ringuette s’est confronté aux problèmes du travail d’installation. «La théâtralité des installations m’a toujours agacé… Je ne veux pas faire illusion. Ce n’est pas un discours figuratif, mais une mise à jour du caractère propre du lieu.» Ce pari semble réussi puisque l’oeuvre de Pierre Ringuette transforme l’espace en une grande peinture abstraite où s’exerce un jeu subtil de la lumière sur les surfaces.
Le titre de l’oeuvre, Albedo, renvoie à la capacité qu’a un corps de réfléchir la lumière. Albedo, c’est aussi l’oeuvre au blanc, la seconde phase du processus de l’alchimie caractérisée par la reconstruction, la renaissance et la lumière. La première étape étant ce qu’on appelle l’oeuvre au noir est définie comme une étape de déconstruction. Quant à la troisième et dernière phase, l’oeuvre au rouge, c’est celle de la sublimation. Cela dit, l’installation traite plus concrètement des effets de la lumière sur les corps et précisément sur les murs et les planchers. Cette lumière, c’est celle du soleil au zénith pendant le solstice d’été éclairant l’espace comme si la galerie était à ciel ouvert. Mais ce n’est pas tout. L’installation réfère aussi schématiquement au dispositif des Annonciations de la Renaissance où l’on retrouve d’un côté l’ange annonciateur et de l’autre la vierge immaculée. Cette référence n’a rien d’explicite, au point où on pourrait totalement l’ignorer. Mais elle demeure pertinente, puisque le problème d’«incarnation» stimule toute la réflexion de l’artiste sur le désir et la difficulté toute humaine d’être à la fois chair et esprit. C’est dans la fabrication, notamment dans le traitement subtil des surfaces, que Pierre Ringuette essaie de résoudre cette dualité, «sans devenir un pur esprit, ni sombrer dans la banalité de la matière…», comme il le dit avec éloquence. Outre toutes ces références savantes parfois, presque ésotériques quoique fort intéressantes, le résultat de ce premier travail monumental s’avère surtout révélateur des possibilités et des qualités de cet artiste. À voir.
Jusqu’au 14 novembre
À La Chambre blanche
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Bloc-notes
Vernissages, lancement et performance
Le lancement du sixième cahier de Folie/Culture sur l’instabilité a lieu ce jeudi 28 octobre à 17 heures à la galerie Rouje. Folie/Culture et la galerie organisent conjointement cet événement où on inaugurera aussi l’installation du sculpteur Pierre Hamelin, en plus de présenter, à 18 heures, une performance de l’historienne de l’art et psychanalyste torontoise Jeanne Randolph.
Le vendredi 29 octobre a lieu, dès 20 heures, le vernissage à La Chambre blanche de l’installation de Pierre Ringuette dont nous parlions plus haut. Suivra, le dimanche 31 octobre à 14 heures, un vernissage au centre d’artistes REGART de Lévis où les amateurs d’art pourront voir une exposition collective de créateurs de Saint-Jean-sur-Richelieu. On leur a demandé d’incorporer l’écriture à leurs oeuvres. L’exposition Interaction se poursuivra jusqu’au 21 novembre.
Conférence
Si la question du rôle des femmes dans l’art contemporain vous intéresse, Thérèse Saint-Gelais, historienne de l’art et adjointe à la rédaction de la revue Parachute, se prononcera sur ce sujet lors de conférences les vendredi 29 et samedi 30 octobre prochains. À 14 heures, au Musée du Québec.