Lynne Marsh : Arrêt sur image
Dans son plus récent vidéo Venus. I See Blue, à la Galerie Oboro, LYNNE MARSH poursuit son analyse des codes de pouvoir par le biais d’une oeuvre à la fois vide de sens et symbolique d’un désir de puissance.
Les héros de jeux vidéo ne sont plus ce qu’ils étaient. Et pour cause, puisque, de plus en plus, ce sont des héroïnes. Il y a, par exemple, Lara Croft dans Tomb Raider, et plusieurs guerrières dans Mortal Kombat. Il serait d’ailleurs passionnant de comprendre pourquoi ces jeux, encore majoritairement utilisés par des garçons, mettent en scène davantage des femmes. Nouvelle structure d’identification ou de possession? Système de fantasme ou simple tentative, par le commerce de ces jeux, pour conquérir le marché des filles?
Quoi qu’il en soit, Lynne Marsh, dans son plus récent vidéo Venus. I See Blue, a, elle aussi, créé sa combattante vidéo, sur grand écran, à la Galerie Oboro.
Sur une image de fond donnant à voir la planète Vénus, teintée d’un bleu électrique, une femme habillée d’un costume de soie, d’un rouge vibrant, répète des gestuelles (parfois un peu saccadées) qui évoquent les arts martiaux. Nous pouvons y sentir une tentative de déconstruire et récupérer l’imaginaire masculin. Cette héroïne, qui exécute des gestes (plus ou moins agressifs) sans opposant, sans finalité narrative, sans but évident, devient un simple système de représentation étrange très enfantin.
Lynne Marsh n’en est pas à ses débuts dans son analyse des codes du pouvoir. Avec sa série de photos composant Annie Get Your Gun (1994), elle avait déjà travaillé cet aspect des choses. Des femmes artistes s’étaient costumées et avaient alors posé, pour elle, pour la première fois, avec un pistolet dans les mains.
Sa Vénus moderne apparaît cependant un peu plus insidieuse. Copiant à l’extrême ces jeux, elle nous fait comprendre l’effet de fascination qu’un tel imaginaire engendre sans le malaise que l’utilisation d’une arme à feu présuppose. Sur grand écran, les poses et les couleurs séduisent. Même si l’ensemble est plutôt simple et très répétitif. Dans cette répétition (propre aux jeux en général) toute une structure du désir s’énonce.
Mais on se méfiera tout de même grandement du propos qui entoure ce système visuel. Le texte de présentation nous permet d’en souligner les limites. On peut y lire: «À quel moment, pour le spectateur, un espace fictif devient-il un espace réel?» On a envie de tout simplement répondre: jamais. Les enfants même en bas âge arrivant à établir une telle différence. C’est un cliché que de dire le contraire. S’il fallait croire que la fiction est, dans notre société, prise pour la réalité, il faudrait alors interdire jusqu’à la littérature et même bannir toute métaphore.
Jusqu’au 13 février
À la Galerie Oboro
Raoul Servais
Voici une expo dont le sujet ne manque pas d’intérêt mais qui pose des problèmes. Il faut dire qu’il n’est jamais très facile de faire une présentation sur le cinéma, même d’animation (qui présuppose toute une série de dessins), avec des images fixes. Même dans le cas du Belge Raoul Servais, qui s’est beaucoup inspiré de la peinture, cela est toujours un peu gênant. Que veut-on démontrer? Que son travail a toutes les qualités du grand art pictural? Certes le film d’animation souffre peut-être d’être considéré comme le parent pauvre du cinéma. Mais l’arrêt sur image qu’une telle présentation exhibe est un peu ennuyant, frôlant même l’académisme.
Néanmoins, il est louable de la part de la Cinémathèque québécoise d’avoir voulu souligner la production d’un artiste original. Depuis les années cinquante celui-ci a continuellement renouvelé son style et a fait preuve d’une grande inventivité autant du point de vue technique qu’artistique. On notera en particulier Papillons de nuit (1998), qui s’inspire du peintre Delvaux. On regrettera donc d’autant plus que la Cinémathèque n’ait pas prévu de projeter plus d’une fois (au tout début du mois de décembre) les films de Servais.
Jusqu’au 30 avril
À la Cinémathèque québécoise