Bio-fictions : Recherche appliquée
Manipulations du vivant et manipulations de l’image, le travail d’IRENE F. WHITTOME est lié de près ou de loin au monde biologique. L’exposition Bio-fictions actuellement présentée au Musée du Québec regroupe 27 oeuvres réalisées des années 1960 à aujourd’hui dont l’actualité du propos a de quoi donner des frissons…
La production récente d’Irene F. Whittome soulève à plusieurs égards la question de la manipulation génétique, à la fois par les emprunts que l’artiste a effectués dans des collections d’images scientifiques et par le traitement par ordinateur qu’elle leur a réservé. Autant dans l’iconographie que dans le procédé. Depuis quatre décennies, le travail de cette artiste montréalaise, originaire de Vancouver et récipiendaire du prix Borduas en 1997, s’est construit autour de l’idée de collection, dont les oeuvres les plus connues sont le Musée blanc de 1975 et le Musée des traces de 1989. À la suite de l’invitation du Musée du Québec, Whittome et la commissaire de l’exposition, Johanne Lamoureux, se sont intéressées aux multiples liens entre le travail de l’artiste et l’histoire du musée. Hasard ou nécessité, dans les années 1960 les salles où se déroule Bio-fictions étaient consacrées aux expositions de sciences naturelles, sans compter que la porte de l’ancienne entrée du musée est un bestiaire de 1930 sculpté par Émile Brunet. Ces renseignements ont orienté l’élaboration de Bio-fictions.
En plus des dizaines de dessins, encres de Chine, gouaches et quelques sculptures, l’exposition regroupe des oeuvres récentes. Ce sont surtout celles-là qui ont retenu notre attention. Une première série de trois images a été réalisée à partir d’illustrations d’un bestiaire du XVIIe siècle où monstres et bêtes fantastiques se côtoient. Ces images se présentent comme un exemplaire d’anciennes «bio-fictions», des images où s’affiche la construction. Elles s’opposent aux bio-fictions contemporaines, les Conjonctio, où la manipulation demeure dissimulée. Dans cette importante série, 18 très grandes impressions à jets d’encre ont été réalisées d’après la numérisation des dessins scientifiques de Germaine Bernier, illustratrice au Département de biologie de l’Université de Montréal dans les années 1930. L’artiste leur a ajouté un fond brun-noir prélevé dans un manuscrit tantrique du XVIIe siècle et a fait un travail important sur la couleur.
Vers d’eau douce, nautile, calmars, mollusques numérisés peuplent les grandes planches de Whittome. Quant aux magnifiques illustrations de Germaine Bernier, elles sont également présentées. En les intégrant à Bio-fictions, Whittome lui rend hommage tout en affichant ses sources et surtout en rendant visibles les modifications subies par le traitement numérique. Sans la présence des planches d’origine, les traces des altérations seraient, à l’instar des manipulations génétiques actuelles de la biotechnologie, imperceptibles. «Ce qui arrive à la biologie aujourd’hui est déjà arrivé depuis longtemps à l’image», rappelle la commissaire de l’exposition et historienne de l’art, Johanne Lamoureux.
Pour cette première expérience de travail numérique, Whittome a voulu donner à l’impression à jets d’encre une qualité matérielle proche de la gravure traditionnelle. Ces grandes estampes se distinguent de l’esthétique développée depuis les années 1980 par les artistes qui ont travaillé surtout à partir de photographies et d’images créées par ordinateur. Ici, la présence du pixel se fait discrète. Le résultat est à mi-chemin entre la richesse artisanale de l’estampe traditionnelle et l’immatérialité et la luminosité propres à l’image numérique. Un très beau catalogue accompagne l’exposition, dans lequel un essai de Johanne Lamoureux aborde l’oeuvre de Whittome avec esprit et perspicacité.
Jusqu’au 4 septembre
Musée du Québec
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«Rafraîchir la mémoire» à la Maison Hamel-Bruneau
Pour le 20e anniversaire du Centre de conservation du Québec (C.C.Q), la Maison Hamel-Bruneau présente une exposition soulignant les 20 ans de travail de restauration du centre. L’historien d’art Louis Gagnon et l’archéologue Marc Lavoie, commissaires de l’exposition, proposent d’apprécier des objets restaurés et de découvrir cette profession méconnue, mais combien essentielle. Depuis 20 ans, quelque 4 000 «dossiers» ont été traités au C.C.Q. Rafraîchir la mémoire en regroupe une vingtaine, illustrant la diversité de l’intervention du centre: des huiles sur cuivre du XVIIe siècle provenant de la collection des Ursulines, le tableau Portes ouvertes de Borduas, un bijou trouvé dans l’épave du navire de Phips échoué il y 300 ans à Baie-Trinité, une poterie iroquoise, un marbre d’Alfred Laliberté, du mobilier, des oeuvres sur papier, etc. Autant d’objets et d’oeuvres remis sur pied, repeints en partie ou nettoyés qui nous informent à la fois sur les recherches historiques et les savoirs techniques, parfois même sur les enjeux, qu’ont suscité leur restauration.
On ne saurait toutefois passer sous silence la situation économique regrettable dans laquelle se retrouve actuellement le C.C.Q. Si le gouvernement n’a pas encore appliqué les coupes prévues, le budget du centre demeure quant à lui inchangé et de plus en plus insuffisant: «On est en droit de s’inquiéter de la survie du C.C.Q.», souligne l’historien de l’art, Louis Gagnon. Si le gouvernement décide d’appliquer sa médecine habituelle au C.C.Q., ce qui était jadis gratuit devra dorénavant se payer. Et cela sans toutefois que les musées d’État, qui sont ses principaux «clients», ne voient leurs crédits augmenter pour autant. En présentant Rafraîchir la mémoire, le Centre de conservation du Québec veut surtout faire rayonner le travail de ses restaurateurs et la Maison Hamel-Bruneau, «souligner l’épanouissement en maière de conservation patrimoniale que connaît le Québec depuis deux décennies». Mais, avouons-le, Rafraîchir la mémoire arrive tout de même à point. L’exposition se poursuit jusqu’au 28 avril prochain.
Jacques Samson à la Galerie Rouje
Les sculptures de Jacques Samson occupent actuellement l’espace de la Galerie Rouje. L’utilisation de matériaux tels que le caoutchouc coloré donne une envergure particulière et une qualité plastique aux oeuvres du sculpteur. Même si ses propositions éparses ne semblent pas faire partie d’un ensemble articulé, elles rendent compte avec justesse de l’état actuel du travail de Samson et des changements en train de s’opérer. Jusqu’au 25 février, au 550, Marie-de-l’Incarnation.
Vernissage au Lieu
Le vernissage de l’installation Resig/nation d’Edward Poitras se déroule ce jeudi 17 février à compter de 17h sur la rue du Pont. L’artiste originaire de Régina a été le premier autochtone à représenter le Canada à la Biennale de Venise (il a fait partie de la XLVIe édition en 1995). Poitras est un artiste multidisciplinaire explorant autant le pictural que le sculptural, l’interactivité que l’art réseau. On en reparlera. L’exposition se poursuit jusqu’au 19 mars prochain.