Resig/nation : Réfléchir la mémoire
Le Lieu reçoit actuellement EDWARD POITRAS, un des artistes contemporains les plus connus de la Saskatchewan. Premier artiste autochtone à représenter le Canada à la prestigieuse Biennale de Venise en 1995, son oeuvre est engagée, minimale et d’une grande portée poétique.
Lors de son passage au Lieu en 1989, Edward Poitras proposait une installation intitulée Nation sauvage. Avec les oeuvres actuellement regroupées sur la rue du Pont sous le titre de Resig/nation, Poitras persiste à proposer une réécriture de l’histoire à travers un art sensible et toujours fascinant. S’il y a résignation, comme le suppose le titre, ce n’est sûrement pas du côté de son art qu’elle se trouve. Dans la continuité de son travail antérieur, Edward Poitras développe un langage puisant dans l’art contemporain auquel s’entremêle ceux de l’art et de la culture autochtones. Il utilise différents matériaux, roches, laine de bison, aiguilles, papiers ou tissus, et autant de procédés: de l’impression à jets d’encre à l’assemblage. Apparemment, tout ce qu’il touche devient de l’art!
Pour ce métis de Régina, à la fois porteur des cultures euro-canadienne et autochtone, la question de l’identité a toujours été centrale. Dans Resig/nation, il rend notamment hommage à huit combattants autochtones pendus au XIXe siècle. De grandes images de l’instrument du supplice, en bas desquelles on retrouve les noms de chacun des combattants, témoignent de l’événement. Plus loin, il fait la nomenclature des virus amenés par les Européens pendant la colonisation. Chaque nom de virus est tissé de fil blanc sur un tissu tout aussi blanc, histoire de rappeler comment les Européens les ont transmis en donnant aux Autochtones des couvertures contaminées. Ailleurs, une succession de lettres composent un carré gris sur un grand papier blanc: c’est la séquence de l’A.D.N. de la petite vérole. Plusieurs des oeuvres de Poitras réfèrent à des faits historiques précis qu’il se fait un devoir de nous rappeler.
L’oeuvre la plus troublante trône au centre de la pièce. Un chien de laine de bison, la corde au cou, mais sans tête et sans os, est peut-être l’effigie la plus criante de Resig/nation. L’animal est entouré d’un bol de nourriture et d’un dessin représentant un coyote: «C’est l’esprit du coyote qu’n retrouve ici», nous rappelle Edward Poitras. Dans son travail, Poitras a souvent utilisé des ossements de coyote pour reconstituer cet animal considéré comme son alter ego. Il a aussi employé des tas d’ossements de bison (matière sacrée pour les Autochtones) afin de rappeler que leur surchasse par les Blancs à la fin du XIXe siècle a provoqué leur disparition et transformé le mode de vie traditionnel des Indiens de l’Ouest. En outre, le travail d’Edward Poitras n’est pas dénué d’humour. En guise de complément à la sculpture composée d’une hache et d’une longue mèche de cheveux, Edward Poitras nous invite à consulter la toile, à l’adresse www.warmblanket.com, où on peut voir notamment l’artiste coupant les cheveux du directeur du Lieu, Richard Martel.
Quoique la plupart des oeuvres évoquent des actions violentes (pendaison ou… scalp) elles ne sont pas spectaculaires pour autant. Sobres, minimales, elles ont aussi le mérite de référer à un contenu historique engagé (ce qui est rare) sans jamais asservir la forme. La matière n’est pas soumise au discours, mais participe dans son essence même à l’engagement.
Jusqu’au 19 mars
Au Lieu
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Bloc-notes
Dernier week-end du mois Multi
On a pu voir pendant le mois Multi des propositions extrêmement diversifiées. De toutes les prestations, on retiendra la plus antispectaculaire: l’excellente création de P.M.E., En français comme en anglais, It’s Easy to Criticize dont les propos transcendaient les disciplines. Mais ce n’est pas encore terminé. Il faut absolument profiter du dernier week-end pour voir The Appearance Machine de Willy Le Maitre et d’Erik Rosenzveig, une installation qui mettra Québec et New York en contact virtuel. Et, en guise de party soulignant la fin de ce premier mois Multi, deux soirées d’improvisations sonores et visuelles, MétaCut Vidéo Frag, où musique, son et vidéo promettent de nous transporter «vers de nouvelles aenues perceptuelles».
Répertoire d’horizons
Plus que quelques jours pour apprécier les photographies d’Yvan Binet à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval. De longues bandes étroites épousant l’horizon constituent des paysages à la fois connus et fictifs. On peut aussi voir le travail d’Yvan Binet jusqu’au 19 mars au Musée régional de Rimouski. Ces photographies côtoient celles de Bill Vazan et de Roberto Pellegrinuzzi.
Vernissages
L’Oil de poisson inaugure deux expositions, le vendredi 25 février dès 20h: celle de Sylvie Bussières et Joan Fontcuberta ainsi que celle de Shelley Ouellet. Une rencontre est prévue avec les artistes à 19h. Le vernissage des expositions de Paul Lacroix et de Pedro Isztin débute également dès 20h au centre de photographie Vu.
Conférence
Jean-Yves Vigneau occupe jusqu’au 27 février l’espace de La Chambre blanche avec l’installation Le Dernier Poisson. Composée de constructions de bois et d’une projection vidéo, l’installation évoque la fragilité de la vie marine. À ne pas manquer, Vigneau prononcera une conférence sur son travail le dimanche 27 février à 14h à La Chambre blanche.