Robbin Deyo / Mark Mullin : Lumières de la ville
La Galerie McClure du Centre des arts visuels expose les tableaux de cire de Robbin Deyo et les peintures à l’huile de Mark Mullin. Des oeuvres qui constituent un piège pour l’oeil.
Dans une conférence donnée à la fin de 1997 au Musée d’art contemporain (dans le cadre du colloque Art et philosophie), l’historien d’art Georges Didi-Huberman discutait d’un sujet finalement peu connu: la cire. Ce matériau qui fut souvent utilisé en art (entre autres dans la fabrication des sculptures) a fasciné une grande quantité de créateurs tels que Jasper Johns ou Kiki Smith. Au Québec, on peut citer le travail à l’encaustique de Marie-Claude Bouthillier.
Les tableaux de cire que Robbin Deyo expose à la Galerie McClure du Centre des arts visuels sont, avec les peintures à l’huile de Mark Mullin, un piège pour l’oeil. Devant certaines pièces de cire, le spectateur ne saura plus tout à fait ce qu’il voit. Regarde-t-on la surface (légèrement texturée), l’épaisseur – la profondeur, devrait-on dire – de la cire translucide ou bien le rayonnement des couleurs pures qui donnent un sentiment de champs colorés comme jadis le permettaient avec élégance certaines toiles de peintres américains post-expressionnistes-abstraits?
On appréciera donc beaucoup la simplicité formelle de Hoola Hoop. Une ligne jaune se détachant sur un fond blanc évoque le zip si caractéristique de Barnett Newman. Cet élément formel qui, comme un rayon de lumière, énoncerait la présence du divin (et pour d’autres une certaine masculinité dressée) se trouve ramené à un banal jeu d’enfants. On pourrait alors simplement voir le travail de Deyo comme une réappropriation de la grande peinture masculine. Lorsqu’on sait que l’artiste travaille sa cire à l’aide de moules à gâteaux, le critique pourrait même s’emballer pour un discours féministe. Certes, il y a de cette attitude-là chez Deyo. Mais elle est incorporée, mélangée avec doigté, à une expérience sur la luminosité, à une réflexion sur la fascination que certains matériaux peuvent exercer sur l’oeil.
Parmi ces pièces, on aimera cependant un peu moins Simple Charms, composée de quarante-deux formes de lunes, de trèfles et de coeurs qui font penser aux céréales LuckyCharms. C’est trop simplement et uniquement dans l’esprit de l’esthétique kitsch et enfantine que l’on rencontre beaucoup trop souvent ces temps-ci (par exemple, dans certaines pièces de Sylvie Laliberté).
Dans cette expo, il faut aussi voir les toiles exceptionnelles de Mark Mullin. Celles-ci créent également des effets iridescents, des rayonnements de couleurs qui s’inscrivent bien dans une tradition nord-américaine dont on a pu voir les derniers développements dans la production de Ross Bleckner. De loin, les réseaux de grosses taches floues cachent de plus petites éclaboussures colorées visibles que de près. Dans Honalee, le vert et le bleu dévorent les éléments de rose qui, lorsqu’on s’approche, vibrent chromatiquement avec force comme de petites étoiles perdues dans des galaxies. Proche de l’expérience d’un oeil regardant la lumière du ciel. En effet, comme le titre de l’expo le dit: Light Matters.
Jusqu’au 26 février
Au Centre des arts visuels
Débordements picturaux
L’Association des galeries d’art contemporain de Montréal (AGAC) est bien active ces temps-ci. Elle nous prépare une expo d’envergure pour ce printemps qui mettra en dialogue des artistes québécois et ontariens. Les commissaires Francine Paul et Herb Sigman sont sur le point d’arrêter leur choix d’artistes pour un événement qui – dit-on- sera majeur. L’Association aura pignon sur rue dans le quartier de la finance à Toronto (du 15 au 29 avril) et auparavant dans un grand building montréalais (du 23 mars au 9 avril).
En attendant de pouvoir accéder à ces hauteurs artistiques, l’amateur d’art pourra profiter d’un échange plus humble (quantitativement) mais néanmoins d’un grand intérêt (qualitatif). L’AGAC a organisé un échange entre la Galerie Graff et la Galerie Olga Korper de Toronto. Si Robert Wolfe expose ces jours-ci en Ontario (avant son retour à Montréal en mars), nous pouvons admirer ici les tableaux de Ron Shuebrook. Ce peintre y décline des variations chromatiques sédusantes. On aimera surtout la manière avec laquelle il fait déborder la matière picturale des limites du tableau. Beaucoup d’artistes ont tenté de faire comprendre aux spectateurs la matérialité du médium pictural. Peu ont réussi à le faire avec l’habileté de Shuebrook. La peinture devient une pâte épaisse et pas seulement un effet de lumière colorée. C’est particulièrement évident dans le petit format Untitled (red), où l’huile et l’acrylique se métamorphosent en une texture qui semble tout droit sortie d’un bâton de rouge à lèvres.
Jusqu’au 4 mars
À la Galerie Graff
À signaler
C’est à une histoire du Québec montée par le Musée canadien de la photographie d’Ottawa que le Musée McCord nous convie ces jours-ci. Cela s’intitule Regards échangés: le Québec 1939-1970, et on nous y propose une vision des changements survenus dans notre société, de la Seconde Guerre mondiale à la Crise d’octobre, par le biais de la photographie. Une occasion de voir 59 images réalisées par 26 photographes importants dont Armour Landry, John Max, George A. Driscoll, et Gabor Szilasi (duquel on peut admirer encore une fois et pour toujours la célèbre madame Alexis Tremblay à l’île aux Coudres, de 1970)… Jusqu’au 19 mars.