Lèvres de velours et d'autres qui le sont moins : Couleurs primaires
Arts visuels

Lèvres de velours et d’autres qui le sont moins : Couleurs primaires

PAUL LACROIX, dont on pouvait voir une importante exposition au Musée du Québec l’an dernier, poursuit une oeuvre hors normes, à l’écart des modes, avec une ardeur peu commune. Il présente actuellement de grandes photographies réalisées dans les laboratoires de Vu. Un retour aux sources de l’image photographique. Exceptionnel.

Dans l’exploration que fait Paul Lacroix du médium photographique, on est à mille lieues de l’illusion, aux antipodes des images industrielles et sophistiquées. Ici, pas de prise de vue ou si peu, mais plutôt une expérimentation sensible et originale du photogramme. Cette technique consiste à déposer l’objet (dans ce cas-ci ce sont des dessins réalisés par l’artiste) directement sur le papier photosensible. Pas de négatifs, ni de caméra. Toujours à la recherche d’une simplicité dans les procédés – une attitude qu’on peut vérifier dans toute son oeuvre – Paul Lacroix a été séduit par cette technique: «Je n’ai pas les moyens de la haute technologie. J’ai demandé à André Barette, technicien de laboratoire chez Vu, quelle était la façon la plus primaire de faire de la photographie. À moins que ça, m’a-t-il dit, il n’y a plus de photographie…» En effet, le photogramme est une technique qui rappelle les sources mêmes de l’image photographique, étant essentiellement une trace de lumière sur du papier photosensible.

Paul Lacroix a utilisé une série de dessins réalisés en 1978. Des dessins retouchés régulièrement jusqu’à aujourd’hui, auxquels il donne une autre vie en les transférant sur le papier photographique. Les fruits de cette exploration sont de grandes photographies dont l’effet saisissant est indissociable du parti pris de l’artiste pour la simplicité des moyens techniques. Bordés de larges bandes noires ou blanches, les dessins radiographiés apparaissent au centre: les zones d’ocre, d’orange brûlé et les gris surgissent du papier photographique. Traversés par la lumière, les deux faces des dessins de l’artiste sont visibles: toutes les interventions accumulées au fil des ans, les notes prises au recto des papiers Arches, la signature de l’artiste au verso. En plus, les grandes photographies de Paul Lacroix dérogent absolument des normes de présentation conventionnelle. Elles ne sont ni bien coupées, ni encadrées et sont suspendues quasi nonchalamment, presque sorties directement du laboratoire.

Les résultats sont lumineux et colorés. Ces photographies ont des qualités qu’on retrouve dans la grande peinture abstraite. Cette rare exploration du médium photographique nous convainc encore une fois de l’attitude exemplaire de cet artiste aguerri, toujours à l’affût de nouvelles expériences. Non seulement la technique du photogramme met en valeur le caractère indiciel du signe photographique comme trace et empreinte, mais en retournant aux sources du médium photographique, Paul Lacroix nous semble y dégager de nouvelles voix d’exploration. Étant donné la présence de plus en plus importante des images numériques résultant du calcul informatique, la photographie comme trace du réel ne sera-t-elle pas bientôt détrônée, si ce n’est pas déjà fait, de sa faculté de représenter le monde, comme l’a été la peinture avant elle? Si tel est le cas, ce sont des oeuvres comme celles de Paul Lacroix qui la rendront encore possible.
Jusqu’au 19 mars
Chez Vu
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Bloc-notes
Échange Québec-Mexique: mars 2001

Avis à tous les artistes en arts visuels de la région de Québec, Le Lieu, en collaboration avec les centres d’artistes de Québec, organise un échange entre la ville de Québec et celle de Mexico. Histoire de montrer la diversité de ce qui se fait ici, une délégation d’une trentaine d’artistes sera sélectionnée et exposera au Mexique en mars 2001. Le Museo del Chopo à Mexico, le centre Ex-Teresa et le M.U.C.A. accueilleront les oeuvres des artistes québécois. Puis, en septembre 2001, un groupe d’artistes mexicains exposera à Québec. Les commissaires de l’événement, Claude Bélanger, Yves Doyon et Richard Martel invitent les artistes intéressés à faire parvenir leurs dossiers avant le 31 mars prochain. Pour plus d’informations, contactez Le Lieu ou tout autre centre d’artistes de Québec.

Mars de la Maîtrise
Comme à chaque année, les étudiantes et les étudiants du deuxième cycle en arts visuels de l’Université Laval proposent une exposition collective de leurs travaux. Même si le montage des oeuvres des neuf finissants n’est pas des plus heureux, on peut quand même apprécier le sympathique bestiaire d’Éric Burman: des tableaux de petits formats où se côtoient notamment vache, oiseau, girafe et chevreuil. La joaillière Chantal Gilbert, qui exposera au printemps à la Galerie Madeleine Lacerte, y présente aussi trois couteaux. Objets précieux, raffinés et mystérieux, ne serait-ce qu’à l’égard des matériaux utilisés pour leur fabrication, tels des fragments de météorite ou de l’ivoire fossile de mammouth. À voir jusqu’au 26 mars à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval.