Friction : Maître en lumière
Arts visuels

Friction : Maître en lumière

DIETER KUNZ, actuellement à La Chambre blanche, présente son travail pour la première fois au Canada. L’artiste allemand a réalisé une installation à la fois simple et sophistiquée où on a l’étrange impression de se retrouver à l’intérieur d’un ordinateur. Voyage dans l’espace numérique.

Dieter Kunz

réalise toujours ses interventions artistiques en fonction des lieux. La Chambre blanche était donc toute désignée pour recevoir cet artiste chez qui la perception de l’espace et la lumière sont au centre des préoccupations. Kunz a ponctué la galerie d’une série de fines cordes tendues horizontalement d’un mur à l’autre à moins de deux mètres du sol sur lesquelles sont collés de petits morceaux de ruban adhésif. Certains sont noircis, d’autres non. Cette intervention absolument minimale et très simple crée un second plafond presque immatériel et modifie radicalement notre perception de l’espace. Au sol, histoire de rendre notre circulation plus calculée, Kunz a déposé des pièces de bois au rythme des lignes constituant le plancher. S’ajoutent à cette délimitation d’un nouvel environnement deux projections sur les murs du fond. Il s’agit d’images captées dans la ville depuis son arrivée, d’images prises sur les chantiers de construction et des vues des glaces en mouvement sur le fleuve.
Ces images numérisées, il les a ensuite modifiées et n’a retenu qu’une seule information: la lumière. On perçoit vaguement le profil d’une ville, une lune ou un soleil composés de points bleus sur fond blanc. Certains points sont en mouvement, ce sont les reflets des lumières de la ville sur les glaces. Mais la référence aux paysages a une importance toute relative. C’est davantage dans le dialogue entre l’espace et l’image que se situe l’intérêt de l’installation. Les morceaux de ruban fixés aux fils traversant la galerie font écho aux pixels de la projection. C’est là que réside tout l’effet de l’installation. La projection vidéo dans laquelle certaines parties bougent et d’autres non constitue une sorte d’équivalent numérique de notre position mouvante dans l’espace statique de la galerie.
L’attitude de cet artiste munichois face aux technologies nous semble des plus pertinentes. En 1993, Dieter Kunz a réalisé une installation vidéo dans le métro de Hambourg où on pouvait voir et entrendre une aguille perçant la feuille de papier. Ces petits trous formés par le geste répétif ne sont pas sans rappeler l’image numérique où l’alternance de nombres binaires compose l’image. Dans l’actuelle proposition de Kunz, l’environnement artisanal qu’il a créé constraste avec la production technologique industrielle. L’utilisation de matériaux et de procédés rudimentaires, ne demandant aucune connaissance spécifique (tel le bois qu’il a assemblé, la corde tendue et les rubans adhésifs collés), confronte la projection plus sophistiquée. Son installation participe davantage à un regard poétique sur la technologie qu’à une démonstration ou à une apologie des possiblités de la performance de l’ordinateur. Par la facture presque picturale de l’image numérique et sa résonnance plastique et temporelle dans l’espace, Kunz parvient à dégager les qualités spécifiques de l’image numérique.

Jusqu’au 16 avril
À La Chambre blanche
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Bloc-notes
Conférence
La conservatrice, historienne et critique d’art Chantal Boulanger présente une conférence sur la sculpture du XXe siècle. Elle traitera à la fois de ce qui la distingue de la sculpture du passé et comment elle négocie avec «l’héritage intellectuel et les apports esthétiques et théoriques des décennies précédentes». Le vendredi 31 mars et le samedi 1er avril à 14h au Musée du Québec. Entrée: 7 $. Alors que pour l’exposition de James Tissot, le Musée avait suspendu temporairement les mercredis gratuits, voilà que les conférences sur l’art sont à leur tour payantes. À quand une conférence sur l’accessibilité du savoir et de la culture?

Vernissages
Plusieurs expositions attendues débutent ces jours-ci. Ce jeudi 30 mars à 17h, on inaugure celle du sculpteur Daniel Corbeil au Lieu. Cet artiste d’origine abitibienne construit de faux avions, de faux ballons (Balénoptère) qu’il documente de photographies elle-mêmes totalement fictives. Pour Le Moyen-Nord: fragmentsd’un survol, il propose de grandes maquettes verticales, impressionnantes et drôles. A lieu également ce jeudi le vernissage de l’exposition de peinture de Tanya Morand à la Galerie Rouje. L’inauguration de l’installation de Dieter Kunz, dont nous parlions plus haut, débute ce vendredi 31 mars dès 20h à La Chambre blanche. À l’Oil de poisson commencent aussi deux expositions. Celle de l’artiste torontois Edward Pien et celle de Nancy Couture de Québec. Le vernissage des photographies du Montréalais Thomas Corriveau a également lieu ce vendredi chez Vu.