L’art qui fait boum : Bombe à retardement
Depuis quelques mois, nous avons beaucoup entendu parler de l’organisation de la triennale L’Art qui fait boum, dédiée à la relève québécoise en arts visuels. La voici enfin dans sa première édition. Avec un résultat mitigé.
Il n’est pas toujours facile de promettre la nouveauté en art et de l’offrir. C’est souvent le problème avec les biennales, ou dans ce cas-ci avec une triennale, qui tentent de présenter l’art le plus actuel qui soit.
Depuis quelques mois, nous avons beaucoup entendu parler de la triennale L’Art qui fait boum, dédiée à la relève québécoise en arts visuels. La voici enfin dans sa première édition. Le résultat? Pétard mouillé ou feu d’artifice? Disons plutôt feu de Bbengale.
L’organisateur de l’événement, Xuân-Huy Nguyen, s’est lancé avec hardiesse dans un projet d’envergure qui, malgré ses défauts, tient tout de même la route. Même s’il s’est fixé un mandat plus qu’ambitieux et large au possible, c’est-à-dire de rendre les arts visuels plus accessibles auprès du grand public… La commissaire Véronique Bellemare Brière, avec son jury, a choisi 17 artistes (qui – détail ayant son importance – ont reçu chacun un cachet de 400 dollars), parmi les 276 propositions qui lui furent soumises à la suite d’un appel d’offres largement publicisé.
Parmi les tendances qui se dessinent dans toutes ces réalisations, on notera, certes, un grand intérêt pour l’idée de laboratoire avec des pièces où la technologie et l’imaginaire du monde médical se rencontrent. Cependant, c’est plutôt (et encore) la critique de la société de consommation et de notre monde des images qui vole la vedette. Les pièces les plus fortes visuellement, même si elles sont redondantes intellectuellement, s’y réfèrent.
Nous devons avouer notre lassitude croissante envers les artistes qui entourent leur démarche plastique d’un discours, plus ou moins profond et nouveau, sur notre société moderne. Certes, on préférera cette attitude à l’apologie du système capitaliste du narcissique Jeff Koons et de ses disciples, qui, à défaut de produire une oeuvre, vendent leur image de vedettes médiatiques basée sur une ou deux pièces ayant défrayé la chronique.
BGL, le trio de gars de Québec (Jasmin Bilodeau, Sébastin Giguère et Nicolas Laverdière), a bâti un Buffet froid, sorte de machine distributrice recréée majoritairement en bois. À l’intérieur de cette construction, une série de contenants de plastique, sur lesquels on peut voir le logo de McDonald ou de Burger King, évoquent un monde de formes aseptisées et une aliénation américaine… Mais heureusement, BGL s’interroge aussi sur d’autres questions. Un peu comme le Nouveau Réalisme (chez Arman, par exemple) BGL nous présente le réel dans sa banalité, dans sa quotidienneté, dans son aspect brut. Avec BGL, dans la froideur de leur dispositif de présentation, les objets de monde (américanisé ou pas) apparaissent, sans vie, comme des artefacts archéologiques présentés dans des vitrines qui nous diraient un monde disparu. On ressent alors un effet de distanciation étrange, celui de voir notre propre civilisation déjà morte et exposée.
Marie Claude Pratte – qui avait fait une présentation remarquée lors de l’expo Compulsion au Centre Bronfman l’été dernier – nous propose quant à elle une série de portraits d’individus, de Consommateurs consommés, placés dans une immense forme d’assiette autour de laquelle trônent un couteau et une fourchette immenses. La peinture de Pratte, entre le graffiti, le dessin d’enfant et une gestuelle proche de certains tableaux de Dubuffet, compose un répertoire amusant et stupéfiant de stéréotypes sociaux. Cependant, la mise en scène de ses panneaux peints ne nous convainc pas totalement.
La sculpture de Claude Perrault est aussi dans cet esprit de remise en question de notre société et «met en parallèle l’hégémonie du catholicisme et du consumérisme». Sigles de McDonald (encore!!) et fragments d’images pornos composent comme un nouveau veau d’or. Perrault nous rappelle que ce n’est pas par un retour aux valeurs anciennes comme la religion (qui mettait à l’Index une certaine culture et certains livres) que le monde pourra être meilleur. On aime surtout beaucoup le fait que de loin, sa sculpture ressemble à l’auteld’une église, et que de proche on se rende compte des éléments disparates et parfois sexuels qui la composent.
Dans cette expo, on notera aussi le travail Michel Patry, qui avec Portrait-robot interroge la notion d’identité; les photos d’Isabelle Hayeur qui, avec leur esthétique postindustrielle, fonctionnent très bien même si elles nous rappellent un peu d’autres photographes; ainsi que les tableaux d’Henri Venne qui, au premier regard, ont l’air purement abstraits, mais se révèlent être un travail très senti sur le réel et la mémoire.
Malgré ces réserves, il est à souhaiter que cet événement revienne dans trois ans avec un peu plus d’éclat cependant.
Jusqu’au 23 avril
Au Marché Bonsecours
Entreprises artistiques
L’Association des galeries d’art contemporain de Montréal a eu une bien bonne idée. Avec Intersections Montréal-Toronto, on a droit à une rencontre entre 25 galeries et 50 artistes des deux centres artistiques du pays, qui sert en même temps à intéresser un peu plus le monde des affaires au marché de l’art. Francine Paul, responsable de la collection de la Banque Nationale du Canada, et Herb Sigman, en charge de celle de la Sun Life, ont effectué un choix d’artistes qui est présenté à Montréal (au vingtième de la Place Ville-Marie) avant de se rendre à Toronto.
Malheureusement, malgré la présence d’oeuvres d’artistes réputés, la présentation pauvre ne met pas du tout en valeur les pièces exposées. Malgré le lieu (on surplomble la ville), l’ensemble manque de panache. Par exemple, un extraordinaire Betty Goodwin, que nous avions pu admirer dernièrement à la Galerie René Blouin, risque ici de passer presque inaperçu!
Néanmoins, en plus de ce Goodwin, on s’approchera avec attention des photos de Suzy Lake, de Serge Clément et de John Massey, d’un tableau de Jean McEwen (de la Galerie Simon Blais), ainsi que des sculptures de Sarah Stevenson.
On sera cependant moins nterpellé par une ou deux oeuvres décevantes qui se retrouvent là on se demande bien pourquoi, comme les deux pièces de Sandra Meigs, et ce tableau peu convaincant (trop année quatre-vingt) de Wanda Koop.
Jusqu’au 8 avril.
À la Place Ville-Marie, 20e étage
À signaler
Il ne faut pas rater, à la Galerie Graff, la présentation des tableaux de Robert Wolfe qui se révèle être une mini-rétrospective de son oeuvre. Vous y verrez des peintures réalisées entre 1966 et 1999. On ne sait trop comment l’artiste a fait, mais certaines anciennes oeuvres sont très actuelles. Est-ce parce que les années 60 et 70 hantent avec force notre imaginaire (à l’opposé des années 80, avec le retour des valeurs de droite que nous préférerions oublier)? L’accrochage très serré dans la deuxième salle est particulièrement réussi.
Jusqu’au 8 avril
À la Galerie Graff
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