Martin Bureau : Jeu de déconstruction
La peinture peut encore être le lieu d’une réflexion sur l’image et sur la peinture elle-même. Le peintre MARTIN BUREAU y parvient en explorant à la fois le dispositif des images et les possibilités du médium.
On constate depuis quelques années chez les jeunes artistes un nouvel intérêt pour la peinture. Certains n’hésitent pas à revisiter la figuration et les techniques académiques. Chez eux, les catégories abstraction/figuration ne s’affrontent plus d’une manière dogmatique. De toutes ces productions, les plus convaincantes nous semblent celles qui envisagent la peinture avec un regard critique ou ironique, des oeuvres qui n’excluent pas la narration, mais qui sont toujours conscientes de leur propre matérialité. Des oeuvres qui tiennent compte des acquis de la modernité. La peinture de Martin Bureau fait partie de celles-là. Ce peintre interroge constamment la peinture, et en questionne sans relâche les dispositifs. Il y a aussi chez lui la quête d’un métier à maîtriser, avec pour modèle des peintres tels Diego Velàzquez, Francis Bacon ou Mark Tansey. Cette «virtuosité», tant décriée par les peintres modernes, Martin Bureau veut la reconquérir. Autant pour le plaisir de peindre que pour mieux remettre en cause l’image et faire voir la peinture.
Des tableaux comme Retour à la terre (réalisé d’après l’édifice Lafayette sur le boulevard Charest) ou La Parade des élus témoignent à la fois d’une sensibilité aux significations des images et de la maîtrise de plus en plus grande de l’artiste: «Cette dernière année, écrit-il, j’ai mis une certaine emphase sur la matière. J’ai voulu m’éloigner d’un rendu fignolé. En altérant l’image. Comme pour provoquer un accident, un "contrôlage" dérapé. Un risque enfin.» D’abord peints avec précision, Martin Bureau intervient sur ces tableaux avant que la pâte ne sèche. Il en défait et en brouille certaines parties: «[…] j’arrive à me libérer de la bonne construction de l’image», renchérit-il. Réalisés à partir de ses propres photographies, ces tableaux sont des condensations de différents lieux, autoroutes, carrières, champs ou salles d’expositions, qui interpellent notamment le spectateur sur sa recherche de sens, mais en laissant toujours l’interprétation ouvrte. Dans cette peinture, le choix des images est aussi important que le traitement. Ne l’est-il pas nécessairement dès qu’il s’agit de figuration? «Aucune image n’est gratuite», précise Martin Bureau.
Ses dernières productions sont intimement liées aux différents traitements de l’image que l’artiste expérimente dans d’autres médiums, telles la vidéo et la manipulation d’images par ordinateur. Ainsi, dans plusieurs tableaux récents, on retrouve des amoncellements de carrés scintillants à la surface, des pans de peinture brisant la transparence du récit. «J’ai eu l’idée, écrit-il, d’inverser l’environnement technologique: faire des pixels à la main. Des artisanales. Croiser la technologie et l’ancestral. Mélanger les époques, l’influence des différents médiums. Pour réapprendre. Ça devient ironique de prendre tout ce temps à le faire en peinture.» Les tableaux de Martin Bureau donnent la réjouissante impression que la peinture, dont on a annoncé si souvent la mort, est encore pleine de potentiel.
Jusqu’au 10 mai
Galerie Madeleine Lacerte
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Bloc-notes
Rythmes arborescents de Lili Richard
Depuis les années 1980, Lili Richard poursuit une recherche picturale dont les qualités sont liées à son intérêt pour l’humain et la nature, pour les rites autochtones, les animaux sauvages, de même que pour la matière, les variations de surface et la richesse de la couleur. «Je voudrais faire des tableaux qu’on puisse sentir, comme on sent l’odeur du miel.» Tel est le désir de cette artiste. Si les tableaux qu’elle présente actuellement à la Galerie Estampe-Plus sont, pour la plupart, des huiles et des pastels de formats moyens, on peut apprécier aussi de grandes peintures sur bâches, ces grandes toiles d’armée que Lili Richard récupère puis décolore. Quoique tous ces tableaux soient convaincants, elle réalise probablement ses oeuvres les plus audacieuses sur ces supports accidentés que sont les bâches. Lili Richard sait s’approprie ces surfaces où est déjà inscrit le passage du temps, où les coutures et déchirures de la toile tracent une composition incontournable. À voir jusqu’au 27 avril, à la Galerie Estampe-plus.
Installation vidéo de François Chevalier
L’inauguration de l’installation vidéo de François Chevalier au collège François-Xavier-Garneau a lieu le mercredi 26 avril à 20h. En proposant cette résidence d’artiste, le collège, en partenariat avec La Chambre blanche, veut ainsi initier le milieu étudiant aux pratiques artistiques actuelles. L’installation de Chevalier restera en permanence dans un des escaliers principaux de l’établissement. À voir.