David Blatherwick / Alexandre David : Sens dessus dessous
Arts visuels

David Blatherwick / Alexandre David : Sens dessus dessous

Chez Optica, l’artiste multidisciplinaire David Blatherwick nous fait tourner la tête avec sa quatrième installation vidéo. Et le photographe Alexandre David a produit des images qui sont des pièges pour le regard.

L’artiste multidisciplinaire David Blatherwick (dont le public a pu voir les peintures à plusieurs reprises – entre autres lors des expos Peinture peinture et Artifice en 1998) nous fait tourner la tête avec sa quatrième installation vidéo intitulée The Interior of a Minute.

Il réussit à nous faire ressentir avec intensité l’écoulement du temps. C’est à vous couper le souffle. Il a demandé à toute une série d’individus de se placer le tête en bas en se tenant sur les mains pendant une minute. Sur leurs bouches, on peut d’ailleurs lire le décompte de cet exercice. Les écrans vidéo, qui diffusent cette expérience, sont accrochés au plafond à l’envers et achèvent de nous déstabiliser, nous montrant des visages déformés et boursouflés comme ceux des noyés. Le spectateur devra prendre son temps pour se retrouver dans cette mise en scène, sens dessus dessous…

Décidément, la notion de temps devient une préoccupation majeure dans le milieu de l’art. Récemment, une expo au Musée Beaubourg à Paris et une autre à Londres faisaient l’histoire de ses représentations. En octobre dernier, toujours chez Optica, l’Anglais Douglas Gordon nous offrait sur le sujet une de ses rares bonnes pièces. Une ampoule s’éteignant au bout de trente secondes mimait le temps (supposé) du passage de vie à trépas d’un guillotiné… Quoique ce sujet ait été souvent interprété, Blatherwick arrive à nous surprendre.

Dans la petite salle de la galerie, le photographe Alexandre David (qui a déjà à son actif plusieurs solos, dans les centres d’artistes Obscure et Vu à Québec, à la Galerie Rochefort de Montréal ainsi qu’à la Hales Gallery à Londres) a constitué ce que nous pourrions appeler un miroir aux alouettes. David produit des images qui sont des pièges pour le regard. On pourrait se laisser bercer par ses photos de plans d’eau. L’éclairage intense (qui dégage une certaine chaleur) sur le blanc étincelant des murs avec les bleus et les verts des photos, évoque une journée d’été à contempler l’étendue d’un lac… Que tombent dans le panneau ceux qui n’y prêteront pas assez attention. Ces images cachent une intelligente réflexion sur l’art et les images. Créées de toutes pièces dans des petits bacs photographiques avec des encres de couleurs, ces eaux réfléchissent la faculté de tromperie de l’art. Comme le remarque David, beaucoup d’artistes furent fascinés par la surface miroitante de l’eau. David Hockney, par exemple, à travers ses peintures ou ses photos de piscines (dans lesquelles nagent librement de beaux gars sans maillot), a énoncé son intérêt intellectuel pour l’eau qui permet de réfléchir à la nature de l’art. Quels impacts ont sur les spectateurs les images comme la peinture ou la photo? Sont-elles de belles surfaces aux couleurs attrayantes, ou une séduction cachant un sens plus profond? Nous aimons beaucoup la trompeuse facilité de ces constructions visuelles.

Jusqu’au 20 mai
Au Centre d’art contemporain Optica

L’art comme expérience
À l’Université Concordia, Signes de vie – qui montre l’art comme un expérience du quotidien – n’emballe pas vraiment. Plusieurs artistes nous ont laissé sur notre faim, même Kevin Ei-ichi deForest dont nous avions pourtant particulièrement apprécié la production lors des événements Les Peintures et Compulsion. Ses pièces sur la culture japonaise ne nous ont pas procuré ce sentiment de maligne et originale provocation que nous avions perçu auparavant. Ce n’est certainement que partie remise.

On retiendra surtout de cette expo l’immense Mur de marmelade de Naomi London. La nourriture devient à la mode en art. Sophie Calle a réalisé des repas chromatiques; Janine Antoni a mastiqué les coins de gros cubes de 300 kg de chocolat et de graisse; Vik Muniz a dessiné avec du chocolat et de la confiture des portraits de Jackson Pollock, d’Yves Klein, de la Mona Lisa… La délectation artistique ne fut jamais aussi savoureuse. London interroge la culture des femmes et le travail domestique qu’elles réalisent. L’art culinaire de la confiture fait un clin d’oeil à la grandiloquence des giclées all over de Pollock, étalées à l’horizontale et montrées avec fierté à la verticale… Les tessons de verre (de pinte de bière?) de Sandra Rechico sur lesquels le spectateur peut marcher nous ont agréablement désorientés. Bien sûr, c’est un peu simple, mais c’est très efficace. Nos pas peu assurés sur ces éclats de verre mimeront ceux qu’on a parfois après avoir bu quelques bières… Attention à la chute! À voir principalement pour ces deux pièces.

Jusqu’au 20 mai
Galerie Leonard & Bina Ellen Art Gallery

Jeunes artistes
Des étudiants en arts de l’Université Concordia nous présentent leurs plus récentes créations au local 522 de l’Édifice Belgo. Nous aimons beaucoup la boîte créée par Annie Descoteaux. Par un petit trou rond, le visiteur verra une forme organique rose, au premier regard, indéterminée (c’est en fait un petit lapin), qui a un côté vaginal… On notera L’Exquisite Corpse de Daphné Karras, autoportrait modulaire interactif. Comme dans les jeux pour enfants, le spectateur est invité à permuter les différents vêtements d’un modèle (l’artiste dans ce cas-ci) et à transformer son corps. On peut lui rajouter plus de morceaux de jambe ou plus de bras, lui allonger ou lui raccourcir le tronc… Orlan n’est pas loin. Nos identités sont-elles à ce point dépendantes du regard des autres? Shannon Pawliw, quant à elle, a tenu un journal de ses rêves en utilisant une «punch clock» d’usine, les notant ainsi. Il faut dire que depuis la psychanalyse, on ne rêve plus juste pour le plaisir…

Jusqu’à samedi 13 mai
Au local 522 de l’édifice Belgo

Sous les pavés
Le Centre des arts contemporains (4247, rue Saint-Dominique) renoue avec l’esprit de l’agora grecque en présentant le projet Sous les pavés. Il s’agit d’une installation de l’artiste socialement engagé, André Fournelle, qui servira de lieu d’échange entre le public et plusieurs personnalités du milieu de l’art. Trois soirées sont à venir: le 17 mai, on pourra aller dialoguer avec Jean Dumont, Denise Desautels, Alain-Arthur Painchaud, Michelle Allen, Armand Vaillancourt; le 24 mai, se feront entendre Pierre Dansereau, John K. Grande, Louise Letocha, Laurier Lacroix, José Acquelin et Stéphane Aquin; le 31 mai suivront Jean-Paul Daoust, Rose-Marie Arbour… Ces rencontres auront lieu entre 18 h et 20 h. Mais les autres jours de la semaine, une bande sonore diffusera les propos entendus ces mercredis soir du mois de mai, en plus de ceux de divers autres penseurs qui s’ajouteront au fur et à mesure. Information: 842-4300.

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