André Martin : Suivre les traces
Arts visuels

André Martin : Suivre les traces

Pour sa toute première expo présentée au Musée d’art contemporain, le photographe André Martin évoque les liens souterrains qui unissent les êtres, les uns aux autres, et à l’univers tout entier.

Dans une de ses nouvelles, Hervé Guibert raconte comment, ayant tellement aimé une photo d’un jeune homme, il l’a collée contre sa peau jusqu’à ce que celle-ci s’imprime, par quelque miracle de transfert chimique, à l’envers sur son torse pour finalement se dissoudre dans ses pores. L’image de l’autre s’est-elle alors infiltrée jusqu’à un niveau moléculaire dans son corps? L’a-t-il ainsi un peu mangé, digéré, déconstruit et reconstruit à travers tous ses organes?
André Martin, pour sa toute première expo présentée au Musée d’art contemporain et intitulée Mes modèles – autoportrait, souhaite nous parler lui aussi de photos, de corps et surtout des liens souterrains qui unissent les êtres les uns aux autres et à l’univers tout entier, dans un va-et-vient entre le microcosme et le macrocosme. Le corps s’y fait le signe de traces du monde qui l’entoure et qu’il faudrait peut-être savoir lire, décoder. Mais ici, il ne s’agit pas d’un corps marqué d’une blessure, d’une douleur comme chez Geneviève Cadieux à travers la figure de la cicatrice. C’est plus dans l’esprit du Pillow Book (de Greenaway), où la peau servait de support à une poésie presque magique et envoûtante. Martin nous convie en fait à un univers proche de celui de l’alchimie.
Et c’est d’ailleurs presque un laboratoire, une salle d’expérience qu’il a créée au MAC. Dans une pénombre inquiétante sont suspendues au plafond trois grandes structures de métal. Des porte-voix ou des microscopes monumentaux, des périscopes ou des longues-vues? À l’intérieur de ces tubes, le spectateur pourra voir des images de corps se détachant sur des fonds de phosphore, des représentations de mots (arte, amore, morte) comme des incantations, des pierres appelées citrines, un bas-relief romain… Le tout a quelque chose de mystérieux. Les nus rayonnent de faisceaux lumineux, les citrines (provenant de chez Cartier!?!) vibrent d’une couleur jaune qui pour Martin (et, nous dit-il, pour les anciens Égyptiens) est celle de la mort. Quant à la bouche de la sculptre appelée La Bocca della verità, elle servait à dévorer la main des menteurs qui osaient y introduire. Un texte extrait du prochain livre de Martin, diffusé par des haut-parleurs, et traitant des relations de fascination de Martin avec ses modèles, complète cette atmosphère de caverne-laboratoire.
De Martin, nous avions beaucoup aimé l’an dernier le livre L’impasse d’A.S. racontant les aventures du directeur d’une galerie parallèle à la poursuite d’un modèle posant dans une photo de Pierre et Gilles. Mais nous avions été peu captivés par son expo chez Occurrence en mars dernier. Nous sommes très intrigués par l’intelligence et la sophistication du dispositif présent dans cette installation au MAC tout en n’étant pas totalement convaincus de son efficacité formelle. On aime sa recherche intellectuelle (que l’on comprend vraiment en lisant le catalogue) sans pour autant apprécier sa structure formelle. Le désir d’érudition a pris ici le dessus sur la recherche plastique?
Jusqu’au 13 août
Au MAC

Le trio BGL
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le trio BGL ne chôme pas. En 99, Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière (lauréats de la bourse Duchamp-Villon l’an dernier) nous ont offert plusieurs expos d’envergure. On se souviendra de Se réunir seul présentée à la maison de la culture Côte-des-Neiges, Se perdre n’est pas si triste à la Galerie Clark, plus une ou deux participations à des expos collectives (par exemple, durant l’été, à Saint-Jean-Port-Joli lors de l’événement La Cueillette organisé par le centre de sculpture Est-nord-est). Plus récemment, ils nous ont encore bien intéressés lors de la première triennale L’art qui fait boum, au Marché Bonsecours.
Avec Entretenir le tangible, réalisée au Centre d’exposition Plein Sud, BGL poursuit sa critique de la société moderne.
Après un passage qui ressemble à un labyrinthe, le spectateur aboutit dans une salle entourée de la représentation d’un paysage de camagne traité comme avec des pixels d’un écran de télé. Cela fait penser à ces panoramas comme on en faisait beaucoup au XIXe siècle. C’est aussi très proche de ces papiers peints que l’on retrouvait il n’y a pas si longtemps encore dans certains sous-sols de banlieue. Parfois ces décors muraux donnaient à voir une forêt, une plage avec un coucher de soleil…
Les pixels qui constituent ces images nous disent que notre vision du paysage et du monde est médiatisée par l’univers des images? Mais n’en fut-il pas toujours ainsi, pour tout paysage? Les nobles, autrefois, n’installaient-ils pas leurs jardins d’une manière pittoresque pour qu’ils ressemblent à des tableaux? Existe-t-il vraiment une nature naturelle?
Un texte (signé Alain Star) très drôle et méchant sur la vie petite-bourgeoise nous sauve en partie de l’éternelle critique du virtuel que beaucoup d’artistes (et BGL) utilisent souvent. On y ironise sur notre émerveillement devant la technologie qui rendrait nos vies nécessairement plus agréables et plus faciles…
Jusqu’au 21 mai
Au Centre Plein Sud, à Longueuil

À signaler
Le prix Graff pour l’an 2000 a été décerné à Sylvie Readman. C’est un jury composé de Jocelyn Jean, Peter Krausz, Jacques Perron, Chantal Boulanger et Mona Hakim qui a choisi cette artiste qui, depuis près de vingt ans, a su travailler avec intelligence le médium photographique. Rappelons que le prix Graff fut institué en 95 à la mémoire de Pierre Ayot.
L’événement Nuit blanche sur tableau noir, dont la 5e édition aura lieu du 15 au 18 juin prochain sur l’avenue Mont-Royal, est à la recherche de bénévoles. Pour l’amour de l’art, contactez Alain Bolduc au 522-3797.