Chantal Gilbert : Lames de fond
La coutelière d’art CHANTAL GILBERT expose une quinzaine de pièces récentes à la Galerie Madeleine Lacerte. Une occasion rare de s’initier à cet art méconnu et d’apprécier un travail exceptionnel.
Dans le monde des guildes internationales de couteliers, Chantal Gilbert est une figure à part. Non seulement parce qu’elle oeuvre dans un univers traditionnellement réservé aux hommes, mais surtout grâce à l’inventivité et à l’originalité des couteaux qu’elle fabrique. Ce sont des objets qui transgressent les normes et qui explorent les limites du genre. Sa réputation internationale est chose connue, quoique son travail demeure moins diffusé au Québec, les collectionneurs y étant plus rares; et aussi parce que notre sensibilité aux qualités esthétiques de ces outils tranchants est encore à développer: ils évoquent davantage l’arme que l’objet utilitaire. Cependant, cela n’empêche pas Chantal Gilbert de soutenir depuis le milieu des années 1990, à la suite de 10 ans de travail en joaillerie, une production en coutellerie d’art qui attire toujours l’intérêt des grands collectionneurs, européens et américains. Cette exposition s’avère donc une occasion exceptionnelle d’apprécier plusieurs réalisations de sa production.
La quinzaine de pièces présentées à la galerie est le résultat de recherches sur les différentes utilisations des couteaux à travers les âges et sur leurs significations symboliques; une investigation que Chantal Gilbert a menée pendant ses études de maîtrise à l’Université Laval. Ajoutez à cela 20 ans de métier et vous avez des couteaux qui transcendent la fonctionnalité commune qu’on leur attribue: «Pour moi, dit-elle, c’est important de démontrer que l’objet utilitaire peut avoir plusieurs niveaux de sens.» Ainsi, avec l’anti-couteau Épines ou Mignonne et le rose, la garde, partie supposée protéger la main, est déconstruite. À la place, la coutelière a minutieusement soudé de petits piques d’argent sterling. Cette pièce est une de celles qui se rapprochent le plus de la sculpture, refusant toute possibilité utilitaire en explorant les qualités propres de l’objet. Un couple de couteaux, nommé Circoncision/Excision, s’inspire des deux rituels. Malgré ces références, on ne peut qu’aprécier ces formes aux détails révélateurs, comme ce rubis incrusté au sommet d’un arc d’argent. Ces fins assemblages, aux soudures imperceptibles, prennent la figure de bestioles ou s’inspirent des formes provenant de cultures diverses. Les matières précieuses ou très anciennes, comme des détails d’or, d’argent et d’ébène; les fragments de météorites et d’ivoire fossilisé, fascinent. La plupart des couteaux de Chantal Gilbert demeurent fonctionnels. En plus de faire appel à différents registres d’appréciation, leur dimension esthétique, la qualité des matériaux ou bien leurs diverses utilités, chacune des pièces exposées raconte, à sa facon, l’histoire de l’objet.
Jusqu’au 4 juin
À la Galerie Madeleine Lacerte
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Bloc-notes
Bouchard, Chrétien et cie
Il faut absolument voir l’exposition L’Art devenir des finissantes et des finissants en arts plastiques de l’Université Laval. Évidemment, sur la quarantaine d’exposants, certaines productions se démarquent. Un des noms à retenir est celui de Valérie Chrétien, dont l’installation rayonne à travers les nombreuses oeuvres exposées. Recouvrement de plancher multicolore, lamelles de peluche rouge et bois d’orignaux dessinent des formes sensibles à l’espace, où la rencontre de différents matériaux provoque l’inattendu, comme l’écrit la jeune artiste. D’autres pièces ont aussi retenu notre attention: celles de Véronique Bouchard, des sculptures d’acier et de céramique, ainsi que les photographies de Marie-Eve Tourigny. Sans oublier les sculptures machines de Richard Lemoine, des oeuvres sonores où la cohabitation de matériaux divers est aussi heureuse qu’étonnante. Jusqu’au 9 juin à la Galerie des arts visuels.
Salon d’Éric Burman
De la peinture, on en a probablement jamais vue autant réunie à l’Oil de poisson. Inspiré par la présentation des salons annuels parisiens de la fin du XIXe siècle, Éric Burman a envahi les murs de la galerie avec plusieurs dizaines detableaux. Un bestiaire composé d’animaux de ferme et exotiques quadrille le mur du fond de dizaines de toiles de même format. Un des murs est recouvert de portraits aux couleurs pastel. Sur un autre, ce sont les fragments d’une même image qui envahissent la surface. Cette production picturale est nourrie, comme le précise le peintre, d’un questionnement sur la profusion d’images rapides, télévisuelles ou publicitaires, une accumulation qui les rendrait «a-signifiantes». Cela donne une peinture qui semble hésiter à «faire sens», autant qu’elle oscille entre l’image et sa déconstruction.
À voir, jusqu’au 4 juin à l’Oil de poisson.