Claire Savoie : Maître cube
Arts visuels

Claire Savoie : Maître cube

Avec son installation qui a séduit notre critique, l’artiste Claire Savoie nous invite à une expérience intelligente des sens. À voir absolument.

L’artiste Claire Savoie nous propose toute une énigme chez Skol. Elle a créé une atmosphère semblable à celle du film Cube, qui raconte l’histoire d’individus enfermés dans un labyrinthe de salles carrées (souvent munies de dispositifs meurtriers) en continuelle mouvance les unes par rapport aux autres. Le tout formant une structure digne du cube Rubick. Comment sortir de cet espace? Et avant tout, comment en comprendre la mécanique, la subtile logique (qui semble aussi traiter du sens de la vie)? À côté, le problème de raisonnement posé par le Sphinx à Odipe semble une charade pour enfants. La solution de cette prison dédaléenne? Élémentaire mon cher Watson! Elle réside plus dans une écoute réflexive que dans une action précipitée.

Savoie a élaboré, quant à elle, un cube énigmatique au beau milieu de la Galerie Skol. Lorsqu’on entre dans la salle, il nous domine dans la pénombre. Structure apparemment close, hermétique, elle semble résister à toute pénétration par notre regard et notre intelligence. On pense alors au travail de Tony Smith (quoique sa taille – si importante pour l’artiste américain – ne corresponde pas). C’est trop monumental pour être du Smith. Et puis, on se rend compte qu’une des arêtes de ce parallélépipède rectangle n’est pas tout à fait égale aux autres, qu’elle donne place à une ouverture pour laisser passer juste une personne. Enfin, on va comprendre quel mystère se cache dans cette installation…

Pour autant, le coeur de cette énigme n’est pas totalement accessible puisque tout un réseau de fils de plastique, comme des rayons lasers (Mission Impossible n’est pas loin), en occupe l’intérieur selon une grille très rigoureuse. De Smith, on passe alors à Sol LeWitt. Une lumière venant d’un puits central (et faisant penser à des installations de James Turell) baigne l’intérieur et éblouiet comme une révélation religieuse. Jamais énigme ne fut paradoxalement aussi claire. Et puis surtout, cet espace immaculé est empli d’une voix qui épelle rapidement un texte étrange. On a bien du mal à en comprendre le sens. L’épellation qui permet d’habitude de clarifier un mot mal entendu se retourne ici contre elle-même et opacifie la signification de cette parole. Parfois, on arrive à recomposer une expression. «Musique des particules» avons-nous cru entendre à un moment. Mais ne serait-ce pas se tromper que de tenter de courir après ces lettres, de les noter frénétiquement et d’ainsi rebâtir un texte cohérent?

Savoie nous invite, en fait, à une expérience intelligente des sens. La lumière, les textures jouent un grand rôle. On doit savourer aussi une musique, non pas celle des Sphères (comme celle de Keith Jarret), ni celle des voyelles (comme celle de Rimbaud), mais une musique de la parole, qui égrène des petits riens, des lettres.

Avec cette installation et la précédente dans laquelle flottaient des bulles de savon (présentée à Articule au début de 1998), Savoie se positionne comme une des artistes majeures de la scène québécoise. Elle s’inscrit avec brio dans une tendance post-minimaliste où nous pourrions inclure Rachel Whiteread, Mona Hatoum (sur la scène internationale) ainsi que Stéphane Gilot, Stéphane La Rue et Michel de Broin (pour le milieu de l’art au Québec)… Nous adorons. Absolument.

On profitera de cette visite chez Skol pour expérimenter le dispositif de l’installation vidéo interactive proposée par Jean Dubois. Cela s’intitule Tact. Un écran tactile nous permet de plaquer, pour un moment, l’image d’un visage sur une paroi de verre. La violence au bout du doigt, quoi! Encore un message sur notre société moderne des communications où les vrais échanges ont laissé place à une violence sourde? Visuellement, c’est fort.

Jusqu’au 3 juin
À la Galerie Skol

À signaler
Pascal Grandmaison, dans le cadre de son exposition qui a lieu jusqu’au 23 juin (on vous en parle bientôt), nous invite à l’Espace vidéographe, le jeudi 25 mai à 19 h 30. Il nous propose une projection d’un long métrage et une dégustation de bonbons. Il remet ça le 1er juin avec la présentation de 27 courts métrages (dont un tout nouveau). Renseignements: 866-4727.
Le Musée de Québec vient enfin d’inaugurer une salle qui sera en permanence entièrement dédiée à l’artiste Jean-Paul Riopelle. C’est une première au Canada! La monumentale fresque (de 40 mètres de long) Hommage à Rosa Luxembourg y trouvera un lieu d’exposition plus intéressant que le Casino de Hull. Cette salle ne se veut pas comme un mausolée mais bien comme un espace vivant, reflétant la fabuleuse richesse de la production de Riopelle. Le musée y changera donc l’accrochage régulièrement.