La Cathédrale engloutie : Paysage dans le brouillard
Arts visuels

La Cathédrale engloutie : Paysage dans le brouillard

L’exposition La Cathédrale engloutie réunit trois galeries autour d’un concept d’une grande intelligence. Regroupant moult artistes importants, elle donne à voir des oeuvres proches de l’abstraction qui tentent de cerner la part d’indicible que recèle la vie, sans nécessairement sacrificer la simplicité. Petit bonheur estival.

Depuis deux ans, René Blouin a su insuffler une bouffée d’air frais à nos étés culturels grâce à des expos innovatrices. Et nous avions bien besoin d’une telle initiative à Montréal. La saison, généralement prise d’assaut par les blockbusters (rarement vraiment innovateurs), était pauvre en événements de qualité en dehors des institutions muséales. Avec La Cathédrale engloutie, René Blouin, en collaboration avec Lilian Rodriguez et Roger Bellemare (qui pour l’occasion rouvre sa Galerie B), fait encore une fois notre bonheur estival.

Certes, cette fois-ci, c’est moins spectaculaire que le déploiement parfois monumental de Peinture Peinture en 98 qui, rappelons-le, occupait les quatrième et cinquième étages de l’édifice Belgo. Il faut dire que l’événement, réalisé avec l’Association des galeries d’art contemporain, avait permis de montrer un panorama plus qu’impressionnant de peintures abstraites (on se souviendra, par exemple, de l’immense système installatif de Stéphane Gilot). Difficile de faire beaucoup mieux. Cette année, même s’il a moins à voir que la myriade de surprenants petits formats lors de l’expo Les Peintures, de l’an dernier, et même si toutes les pièces sont loin d’être de force égale, le spectateur aura tout de même droit à une présentation de qualité sur un concept d’une grande intelligence.

Mais justement, de quoi parle cette expo? Le titre de cet événement provient d’un prélude de Debussy qui fait «allusion à la légendaire cité d’Ys submergée par les flots au IVe ou Ve siècle et dont on peut entrevoir les flèches de la cathédrale pendant certains jours de brouillard». Mais quel lien peut-on y établir avec l’art contemporain? Les organisateurs de La Cathédrale engloutie nous permettent de scruter ces oeuvres d’art où l’image semble en dissolution, on pourrait presque dire en liquéfaction. Beaucoup d’artistes tentent en effet de rendre compte, par des représentations frisant l’abstraction, de sentiments ou d’événements de la vie qui frôlent l’innommable, l’indicible, l’irreprésentable, et qui parlent de douleur, de bonheur, de colère, d’amour, de mort, de naissance… Cela donne des représentations où flottent encore ici et là, à la surface de l’image, des indices d’un sens caché, parfois refoulé.

Hermétique comme expo? Pas nécessairement. Les pièces présentées travaillent sur le dépouillement, sur la simplicité, allant souvent jusqu’à créer une beauté certaine. En tout cas, à une époque où l’on entend tout le temps qu’il y a une surabondance d’images, voilà un propos qui a fière allure.

Vous pourrez y contempler des pièces de Betty Goodwin, Mona Hatoum, Geneviève Cadieux, Pierre Dorion, Leslie Reid, Claude Tousignant, Fernand Leduc, Françoise Sullivan, Stéphane La Rue, Martin Bourdeau… Une pléiade d’artistes majeurs. Nous y avons particulièrement apprécié les oeuvres de Sheila Segal, dont une pièce qui est comme un piège pour des oiseaux. D’Andrea Szilasi, on remarque les très forts photogrammes (en continuité avec les solarisations de Man Ray), qui oscillent entre la radiographie et des photos de l’aura d’individus…

Un propos à méditer.

Jusqu’au 15 août
à la Galerie B, à la Galerie Lilian Rodriguez et à la Galerie René Blouin

à signaler
Son travail est composé de presque rien, de petits fragments du quotidien: bouts de ficelle, fils pour appareils électroniques, bouchons de liège, capsules de bouteilles, cartons d’allumettes, clés… Mais avec ces bagatelles, Jérôme Fortin sait créer, comme par magie, de minuscules merveilles qui ressemblent à des bijoux, des amulettes et des gris-gris d’une tribu d’Afrique ou d’Amérique du Sud. L’an dernier, dans la petite salle de la Galerie Skol, nous avions été très séduits par sa vitrine remplie de ces petits riens. Cela constituait comme une archéologie de notre monde quotidien, une anthropologie de l’Occident.

À la Maison Beaudry (à Pointe-aux-Trembles), nous avons l’occasion de revoir ces fantastiques métamorphoses plastiques dans une expo pas nécessairement gigantesque sur le plan des proportions. Mais la valeur de ces créations est ici inversement proportionnelle à leur taille. Cela s’intitule, à juste titre, Récupérations insolites. Vous pourrez aussi y découvrir les sculptures de Céline Boucher qui portent sur la perte d’identité à l’ère de la technologie.

Jusqu’au 3 septembre
à la Maison Beaudry (14678, rue Notre-Dame Est)

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