Le Jardin des capteurs : Retour à la terre
: Avec Le Jardin des capteurs, l’artiste JEAN-PAUL GANEM a parsemé de fleurs le site d’enfouissement de l’ancienne carrière Miron pour en faire une oeuvre à ciel ouvert. Quand l’art devient un travail collectif et social.
C’est sur un vaste terrain de 2,5 hectares dans le quartier Saint-Michel que l’artiste français Jean-Paul Ganem a effectué sa plus récente intervention. Il y a parsemé différents types de fleurs – dont de simples pétunias – en une série d’immenses cercles aux couleurs chatoyantes. Un nouveau jardin à Montréal créé juste pour le plaisir des sens, pourrait-on croire! Pas vraiment.
Car Le Jardin des capteurs de Ganem est placé sur le site d’enfouissement de l’ancienne carrière Miron, où l’on a enterré a eu plus de 40 millions de tonnes de déchets enfouis durant les 30 dernières années! Dans le sous-sol de ce terrain, la décomposition de ces ordures produit un gaz (le méthane) qui est recueilli par toute une série de capteurs qui ont donné le nom à l’oeuvre. Intervenir en ce lieu demande une certaine habilité. Il faut à la fois permettre à la terre de se régénérer et de laisser pousser des plantes sans pour autant interférer avec le processus de collecte des gaz de décomposition et toute une série de consignes de sécurité. Beau casse-tête.
Réhabiliter un tel lieu est en effet un défi car il s’agit d’un travail exploratoire. Dans l’histoire de l’Occident postindustriel, on en est encore aux balbutiements quant à la revitalisation de ce genre de sites. Ganem a mis au service de ce projet son expertise en milieu rural où il a tenté à plusieurs reprises de conscientiser les producteurs relativement aux questions de pollution agricole.
L’art devient ici un travail collectif qui demande la concertation d’individus provenant de différents domaines d’expertise. Le Jardin des capteurs a donc été élaboré avec, entre autres, le Service des travaux publics, le Service de la culture de la Ville, les responsables de l’ancienne carrière… mais aussi avec des horticulteurs (comme Patrick Parizeault, Jasmin Leduc), une architecte paysagiste (Isabelle Bourassa) et de jeunes bénévoles provenant de coopératives du secteur Saint-Michel. Le tout prend alors le visage d’une action cmmunautaire revitalisant un quartier balafré par une grosse cicatrice. C’est donc un art social qu’accomplie Ganem, chef d’orchestre d’une grande équipe.
Le tout a été réalisé avec le soutien du Cirque du Soleil (qui a pignon sur rue juste à côté de ce Jardin) et de la Corporation Saint-Laurent, qui souhaite sensibiliser la population aux questions écologiques. D’ailleurs, ce projet fut annoncé par son directeur Pierre Lussier, le 22 avril dernier, lors de la Journée de la Terre.
Cette intervention s’inscrit donc à la suite des grandes utopies du land art produites depuis la fin des années 60. Sauf qu’ici on est loin des projets plutôt inaccessibles contre l’art des musées réalisés en plein désert mohave (comme Double Negative de Michael Heizer) ou dans celui du Nouveau-Mexique (comme Lightning Field de Walter de Maria). Cela se veut même différent des interventions plutôt esthétisantes de Christo. La portée de la création de ce jardin est plus concrètement politique. L’art y trouve une fonction plus clairement utilitaire. Ne serait-ce que celle d’amener les citoyens à aller voir le lieu où aboutissent leurs déchets.
Comme quoi l’art du jardin n’est vraiment plus ce qu’il était. Et c’est tant mieux puisqu’il fut pendant longtemps le symbole du pouvoir de la classe dominante. Des parterres de Versailles par Le Nôtre aux étendues de gazon agrémentées de vues pittoresques des demeures des riches propriétaires anglais, la nature a servi de décor aux gens bien nantis. Avec Ganem, l’art de la terre retrouve une fonction plus démocratique.
Pour plus de renseignements, on peut visiter le site: www.jourdelaterre.org/jardinscapteurs où l’on trouvera une promenade virtuelle et une webcam en direct.
Jusqu’en octobre
Au 8400, 2e Avenue
La peinture au scalpel
Le peintre Alex Colville fêtera, le 24 août, son 80e anniversaire. Et cet été, le Musée des beaux-arts à ttawa permet à l’amateur d’avoir une vision d’ensemble de sa production grâce à une importante rétrospective de son oeuvre.
Cette expo est certes bien moins impressionnante que celle qui avait eu lieu au Musée des beaux-arts à Montréal, en 1994. Entre autres à cause de la petite quantité de dessins. Or, Colville est aussi un grand dessinateur. Dans ses dessins, il y a une intensité du geste et une inventivité qui ont tendance à moins transparaître dans certains de ses tableaux parfois un peu froids techniquement et d’une précision souvent obsessive. Comme si l’artiste tenait à disséquer la réalité avec son pinceau.
Néanmoins, cet événement à Ottawa est une occasion de voir et de revoir quelques pièces majeures de ce maître. Avec celles-ci, comme l’a fait remarquer justement Pierre Théberge, directeur du Musée des beaux-arts du Canada, Colville «est passé maître dans l’art de créer une atmosphère d’inquiétante étrangeté». Citons les extraordinaires Cheval et Train (1954), Couple sur la plage (1957) ou encore L’Autobus de Berlin (1978). Signalons, finalement, que cette expo permet de voir quelques rares tableaux de la production récente de ce grand peintre.
Jusqu’au 17 septembre
Au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa