Pierre Dorion : Expression formelle
Arts visuels

Pierre Dorion : Expression formelle

Chez René Blouin, deux expos sont à voir. Celle du peintre PIERRE DORION, pour qui l’art est une recherche de textures et de formes avant d’être une représentation du monde. Et aussi celle de la peinture hybride et agréablement impure de ROBERT  BORDO.

Commençons par une confession. Le sujet nous y invite, puisque cette critique porte principalement sur la peinture de Pierre Dorion, qui nous a habitués à des atmosphères intimes, comme dans sa série d’autoportraits (que nous avons eu le plaisir de voir dans son ensemble, en 1994, grâce à la rétrospective du Centre international d’art contemporain). La peinture abstraite, depuis plusieurs années – voire plus de deux décennies -, nous semble en perte de vitesse. Comme si son effet décapant sur le regard et sur l’esprit s’était lentement amenuisé. «Un peu répétitifs», aurions-nous commenté au sujet de certains monochromes, il y a quelque temps encore…

Pourtant, plusieurs de nos plus importantes surprises ses dernières saisons sont venues d’une peinture abstraite ou frôlant l’abstraction. Comme quoi l’art contemporain est imprévisible et resurgit avec intensité souvent là où on l’attend le moins!

En 1997, par exemple, deux événements majeurs ont marqué l’histoire récente de l’abstraction au Québec: Peinture Peinture et l’exposition de Marie-Claude Bouthillier, Demande à la peinture, à la Galerie Trois Points.

D’ailleurs, l’expo de Pierre Dorion intitulée 100 Images (sans images), qui se tient ces jours-ci dans la petite salle de la Galerie René Blouin, n’est pas sans avoir quelque parenté avec l’installation picturale de Bouthillier. Dorion a savamment disposé une centaine de tableautins presque tous monochromes. Les murs sont donc couverts d’une mosaïque colorée qui forme un panorama englobant le spectateur.

Tout comme avec Bouthillier, on est loin de cette volonté de pureté (frôlant l’asepsie) qui a longtemps caractérisé l’art abstrait. Bien au contraire, ici c’est le désir d’une peinture foisonnante qui l’emporte. Il s’agit d’une superbe recherche sur les possibilités de textures (du lisse au rugueux) et de couleurs du médium pictural qui va parfois jusqu’à déborder légèrement de son cadre (à la manière de Ron Shuebrook, présenté chez Graff en février dernier). BR>
Nous devons dire comment nous apprécions de voir ainsi l’envers, les coulisses, si on peut dire, de la peinture de Dorion. Car, en effet, ces petits tableaux ont été créés tout au long des douze dernières années, en parallèle et en continuité avec les tableaux figuratifs. Parfois, on dirait même des fragments de ses tableaux plus grands. Comme si Dorion pointait le fait que son art est une recherche de textures et de formes avant que d’être une représentation du monde.

Après certains tableaux figuratifs plus sages, plus posés et que nous n’avons pas toujours autant aimés (on pense entre autres aux pièces plus religieuses présentées lors de son dernier passage chez Blouin, en 1998), on retrouve ici comme la colonne vertébrale du travail plastique de ce très important peintre québécois. C’est une expo étrangement plus risquée que sa précédente dans le même lieu. Et c’est pour le mieux. Cela recadre l’ensemble de son travail.

Dans la grande salle chez Blouin, il faut aussi aller voir les oeuvres de Robert Bordo, un artiste originaire de Montréal qui vit et travaille maintenant à New York. Cinq toiles frôlant l’abstraction y sont présentées. On y voit une série de citations de paysages (comme des images accrochées dans un atelier d’artiste) flottant sur des surfaces monochromes.
À l’instar de Jasper Johns, Bordo aime souvent représenter des images planes telles que des détails de cartes géographiques, des enveloppes ou, dans ce cas-ci, des cartes postales… Bien sûr, il y rappelle la planéité de la surface picturale, même si cela n’est pas totalement nouveau. Mais plus intéressant encore, est la manière dont se «greffent» ces images sur la toile. On dirait des excroissances. Parfois elles surgissent d’un côté, telle une plante grimpante. Comme si la peinture abstraite se trouvait envahie par du figuratif. «Peinture hybride», me direz-vous? Peinture agréablement impure.
Au fil du temps, la Galerie René Blouin, qui n’avait pas la réputation d’être très «peinture», est donc devenu un des hauts lieux d’accueil de ce médium. On s’en réjouit.

Jusqu’au 23 septembre
À la Galerie René Blouin

L’art des bâtisseurs
La figure folklorique du bûcheron québécois est-elle tout à fait morte? Se serait-elle métamorphosée, dans le milieu de l’art en tout cas, en modèle du patenteux de charpentes et autres bardeaux de bois? Le trio BGL (de Québec) s’est spécialisé avec bonheur dans ce type de travail de contremaître créateur. Ils ne sont pas les seuls.

Yves Gendreau, qui fait partie depuis dix ans du Centre d’essai en arts visuels le 3e impérial, à Granby, présente ces jours-ci sur le toit de la Maison de la culture Côte-des-Neiges, une structure de bois qui est comme un croisement entre le Monument à la IIIe international de Tatline, la Tour Eiffel, un pilonne électrique et un barrage de castor… Cela s’intitule Chantier 2000 zone d’ondes et constitue une immense construction servant, entre autres choses, d’antenne pour capter les ondes radios et vidéos qui forment sur un écran attenant une neige visuelle ainsi qu’un son rarement intelligible et plutôt cacophonique.

À l’image de BGL, Gendreau nous parle de la vie moderne et de notre ère des communications (avec sa série d’antennes paraboliques qui parsèment le paysage) avec un ton plutôt critique. Visuellement, c’est surprenant et même beau, ce faux chantier de construction avec ses morceaux de bois rayés ayant des allures d’une girafe ou d’un zèbre stylisés…

Gendreau réalisera une performance sur cette structure, le samedi 30 septembre, à 14 h 00, à l’occasion des Journées de la culture. On sera à l’écoute de son propos.

Jusqu’au 1er octobre
À la Maison de la culture Côte-des-Neiges

La Galerie Mistral ferme ses portes
C’est avec regret que nous apprenons la fermeture de la Galerie Mistral, située au 5e étage de l’édifice Belgo. Depuis trois ans, cet espace dédié uniquement à la photographie avit su nous proposer plusieurs très bonnes expositions. On se rappellera de la présentation des images de Lutz Dille, les photos documentaires de la conquête de l’espace réalisées par la NASA, et celles du monde du jazz par Guy Le Querrec.