La photographe Jocelyne Alloucherie se fait commissaire, le temps d’une expo à la galerie Vox. Elle nous invite à réfléchir – c’est le mot juste – sur la beauté dans tout son éclat. Car la photographe qu’elle nous présente, la française Valérie Belin, interroge les surfaces miroitantes dans leurs liens avec le Beau.
Sur un des murs de la galerie, rayonnent trois image de superbes miroirs. Ces glaces d’apparat, richement décorées, ne reflètent qu’une multitude d’autres miroirs tous plus beaux les uns que les autres… Étrange. La beauté y est, d’une manière inquiétante, en circuit fermé.
Photographiés dans la salle de montre du célèbre miroitier vénitien Guido Barbini (qui entre autres fabrique des pièces signées Jeff Koons), ces magnifiques cadres ne sont pas sans évoquer l’ambiance angoissante des grandioses dernières scènes de Lady from Shanghai d’Orson Welles où des miroirs volent en éclats. La brillance de leurs fragiles surfaces est d’une stupéfiante beauté, d’autant plus que ces surfaces pourraient être à tout moment pulvérisées. Serait-ce donc la fragilité qui serait belle?
Sur les deux autres murs, c’est justement de cette beauté mise en morceaux dont il est question. Six photos de voitures accidentées, à la casse mais encore rutilantes, composent l’envers des glaces vénitiennes. La beauté fracassée de ces engins n’est pas sans évoquer,
dans notre imaginaire collectif, la mort de la belle Lady Di au destin brisé dans en un accident de Mercedes. Y aurait-il des liens entre la beauté et l’horreur?
Belin expose ces temps-ci à la Biennale de Lyon une série qui complète bien sa démarche. Des bodybuilders bien carrossés, aux corps huilés et brillants comme de l’argenterie, tentent de lutter contre la gravité et le vieillissement du corps en devenant des sculptures de chair.
Chez Vox, elle nous offre une intelligente réflexion sur notre fascination collective pour la beauté. Alors que plusieurs expos à travers le monde (entre autres à Avignon cet té) se penchent sur cette notion – d’une façon plus ou moins conservatrice et rassurante -, le travail de Belin présente l’intérêt de nous montrer l’aspect catastrophique de cette notion. Brillant.
Jusqu’au 24 septembre
À la Galerie Vox
L’art est une question de goût
À l’entrée, un adorable petit ange, au sourire presque trop mignon, fait de chocolat blanc, est à dévorer du regard. Le ton de l’expo est donné. Louise Viger nous convie dans L’Ogre et le Connaisseur, au Musée d’art contemporain, à une réflexion sur l’art et le goût.
On peut d’ailleurs lire en entrant dans la salle du MAC que «le goût et le musée, en viennent à se rejoindre, en ce qu’ils partagent une fonction commune de conservation: de la vie de l’individu pour l’un, de la vie de l’oeuvre pour l’autre».
Ce qui n’est pas sans parenté avec les idées de Félix Gonzalez-Torrez. Dans l’événement Culbutes (d’ailleurs aussi au MAC), l’an dernier, on pouvait voir une de ses pyramides de bonbons dont le spectateur pouvait prendre un échantillon tout en apprenant qu’il s’agissait d’une métaphore sur le sida qui, lentement, gruge la vie de ses victimes.
Sauf qu’avec Viger, la nourriture se veut plus une façon de parler de la vie, de la victoire de la convivialité (des repas entre amis ou de l’art comme lieu d’échange) sur la mort de toute chose et de tout individu.
À l’intérieur de la salle du MAC, Viger à transformé l’espace de l’expo en une immense bouche. Y trône une imposante langue d’un rouge translucide qui n’est pas sans évoquer la texture des sucres d’orge… Allons-nous être dévorés? Elle est plutôt là prête à nous lécher de plaisir. Une série de chaises renversent aussi la situation et nous parle d’un espace de rencontre. Agréablement appétissant.
Quoiqu’on puisse trouver que l’artiste aurait pu encore plus jouer sur l’aspect gustatif de l’art avec d’autres éléments faits de matériaux mangeables, un peu comme le fait Christine Lebel et, bien sûr, Janine Anton depuis plusieurs années.
Pour le lancement du catalogue (le 4 octobre à 19 h), Louise Viger nous a promis de distribuer une série de langues en sucre d’orge… L’historien Jacques Lacoursière en profitera pour donner une conférence sur la gastronomie au Québec.
Jusqu’au 29 octobre
Au Musée d’art contemporain
L’art à risque?
Nous vous en parlions, il y a deux semaines avec grand intérêt. Plusieurs commerçants du boulevard Saint-Laurent avaient accepté de se faire momentanément galeristes et de prêter leurs vitrines à des artistes contemporains. Malheureusement, il y a eu quelques changements au programme…
Ne cherchez pas pour l’instant la sculpture de Ghenadi Gatev. Traitant d’une humanité oppressée, elle n’a pas trouvé preneur. Les images d’Éliane Excoffier devraient quant à elles se retrouver bientôt au coin de l’avenue des Pins (peut-être dans les fenêtres de la Banque Laurentienne). Pour ce qui est de la bien amusante et très belle pièce de Christine Lebel, elle a été retirée de sa vitrine tout comme celles d’Hélène M.C. Prat et de Marie Claude Pratte. Chez Gallimard, on nous a dit que le contenu légèrement érotique de la pièce de Lebel n’était pour rien dans la décision du retrait. Différentes raisons sont évoquées. La réorganisation des vitrines pour la rentrée littéraire serait une des causes… C’est bien dommage, car ce type de projet est artistiquement et économiquement rentable pour tous.
Néanmoins, ces pièces sont donc en attente d’un espace. Y a-t-il d’autres commerçants avant-gardistes qui seraient prêts à les accueillir?
Que ces quelques avatars ne nous fassent cependant pas oublier la réussite certaine des 26 autres vitrines. On espère que les organisateurs et que les commerçants reprendront (l’an prochain?) le risque d’exposer leur clientèle à l’art contemporain.