L’Algèbre d’Ariane : Art de terrain
Il faut à tout prix trouver le temps d’aller visiter l’exposition L’Algèbre d’Ariane. Certes, son côté expérimental et échevelé risque de vous surprendre au premier coup d’oeil. Mais justement, c’est une de ses qualités et une des bonnes raisons pour en expérimenter les diverses facettes.
Légèrement en périphérie du milieu de l’art habituel, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, cet événement est en fait le second volet (montréalais) d’une expo qui s’est tenue à Liège en Belgique, en début d’année, à l’espace Les Brasseurs, dans un ancien bâtiment industriel converti en lieu d’exposition.
Stéphane Gilot, l’initiateur du projet coordonné par Caroline Boileau avec la Galerie Dare-dare, a réuni des artistes liégeois (Mélanie Cüpper, Alain De Clerk, Emmanuel Dundic, Pierre Gérard, Christophe Gilot et Pascal Pagnani) et montréalais (Caroline Boileau, Raphaëlle de Groot, Massimo Guerrera, Yvonne Lammerich et lui-même) afin qu’ils tissent des liens entre eux et constituent un événement qui tienne presque du happening. Puisque le travail est collectif, sans véritable identification des artistes, le tout a de plus un petit côté "commune artistique" qui n’est pas déplaisant. Le résultat est une installation d’une grande densité qui demande une participation très active, physique et intellectuelle, aux visiteurs.
Bien sûr, voilà une expo très proche des interventions des Herreria à la Galerie Clark, ou de celle de Majdan à la Galerie Skol; elle est donc dans la lignée de l’esthétique relationnelle du critique français Nicolas Bourriaud. Mais il y a une différence notable. L’intervention se fait plus clairement dans le tissu social, en fait presque dans la rue. Les vitrines des commerces loués interpellent le spectateur jusqu’à jouer avec lui.
On notera avec intérêt, par exemple, la participation de Groot qui va jusqu’à se poster dans les fenêtres de ces boutiques pour entrer en contact avec les passants. On lira aussi attentivement les textes presque dadaïstes d’Emmanuel Dundic et de Christophe Gilot visibles de l’extérieur.
On retrouve l’habituel ton ludique d’une telle intervention. Stéphane Gilot a tracé des lignes sur le sol qui donne à l’ensemble l’aspect d’un terrain de basket ou d’escrime. Caroline Boileau, pour sa part, vous fera presque jouer à la poupée. Ses figurines quelque peu vaudou, que vous pourrez créer à votre image, permettent de faire une forme de "thérapie". Quant aux objets volants d’Alain de Clerk (surtout son chapeau qui nous a fait penser à Magritte), ils sont très amusants et effrayants à la fois. Nous avons été séduits.
Jusqu’au 12 novembre
Au 4573, 4375 et 4379 Sainte-Catherine Est.
Ouvert les jeudis et vendredis, de 17 h à 21 h, et les samedis et dimanches de 14 h à 18 h
Fine fleur
Le Japonais Suda Yoshihiro est un véritable magicien. Avec presque rien – mais quels petits riens! -, quelques morceaux de bois de magnolia patiemment sculptés, il recrée des fleurs ou des feuilles d’arbres qui sont tout simplement époustouflantes.
Pourtant, ses sculptures n’ont rien de spectaculaire dans leurs dimensions. Minuscules, de quelques centimètres de haut, elles suscitent une fascination qui tient du recueillement et de la méditation.
En entrant dans la Galerie René Blouin, on la croirait vide! Juste à côté de la colonne centrale, sur le sol, une petite fleur semble là par hasard. On s’approche, on se baisse pour voir, on se met à genoux, et comme des croyants éblouis devant une apparition, on est atteint par la grâce.
Cette Herbe de rosée du matin est accompagnée dans la petite salle de la Galerie par un Arbre aux feuilles luisantes, une sculpture d’un camélia qui semble flotter sur le sol comme sur une étendue d’eau. Très zen.
Nous qui nous sommes souvent plaints de l’esthétique trop épurée des expos d’art contemporain, nous avons été agréablement et totalement surpris par la richesse raffinée de cette intervention. On y retrouve l’émerveillement de l’enfance devant la nature. Mais elle est aussi une réflexion sur la patience (ne serait-ce que celle demandée pour l’exécution de chaque pièce).
Suda propose ici une installation de ses sculptures encore plus efficace et plus réussie que ce que l’on peut voir à la Biennale de Montréal ces jours-ci.
Jusqu’au 4 novembre
Galerie René Blouin
Le volet architecture de La Biennale
Dans le cadre de la Biennale de Montréal, il n’y a pas une mais bien deux expositions qui traitent d’architecture.
Georges Adamczyk, directeur de l’École d’architecture de l’Université de Montréal, présente avec Maisons-Lieux, un éventail des métamorphoses que subit actuellement la maison, genre de bâtiment redevenu un sujet de réflexion pour les architectes contemporains.
Malheureusement, malgré la richesse de la documentation, cette présentation reste souvent au niveau de l’anecdote. Nous aurions aimé que la suite de fiches identifiant les diverses créations dans le domaine depuis dix ans fût complétée (ou même chapeautée, réorganisée) par une vision plus générale de la question avec un découpage par grands thèmes…
Dans une seconde salle attenante, le visiteur a droit à une présentation bien plus passionnante. Il faut à tout prix aller voir les propositions de cinq équipes d’architectes pour le concours de la Grande Bibliothèque du Québec qui sera érigée sur les lieux du Palais du commerce (où se tient la Biennale). Les travaux débuteront en 2001 et s’achèveront à la fin de 2003.
Rappelons que le gagnant choisi par un jury de spécialistes, présidé par Phyllis Lambert, a été la firme d’architectes Patkau, avec un projet d’une grande sobriété.
Mais, même si l’on connaît les gagnants du concours depuis plusieurs semaines, c’est une occasion de voir de l’architecture de haut vol. Les différentes maquettes nous permettent de savourer les tendances actuelles. On adorera, par exemple, l’architecture très "paquebot" réalisée par l’atelier Christian de Portzamparc. On ne dira jamais assez combien de tels projets architecturaux sont essentiels pour Montréal qui souhaite avoir un statut international.
À propos du volet des arts visuels de la Biennale (dont nous vous avons déjà dit beaucoup de bien, il y a deux semaines), signalons que Massimo Guerrera sera en pleine action dans son installation conviviale intitulée Darboral le 19 octobre jusqu’à 20 h, et le 27 octobre, de 18 h à 20 h. Une occasion unique de rencontrer cet artiste qui a le vent dans les voiles.
Jusqu’au 29 octobre.
Biennale de Montréal
À signaler:
Le premier film de la fabuleuse photographe Raymonde April est présenté au Festival du nouveau cinéma et des nouveaux médias Il s’intitule Tout embrasser et se veut proche du documentaire. Une dernière projection aura lieu à Ex-Centris, samedi 21 octobre à 15 h40, à la salle Le Parallèle. À ne pas rater.