Guy Turcot : L'histoire oubliée
Arts visuels

Guy Turcot : L’histoire oubliée

Depuis plus de trente ans, le photographe GUY TURCOT documente visuellement les luttes ouvrières et les petites révoltes québécoises en marge de l’Histoire avec un grand H. Le Musée du fier monde met son travail en perspective avec L’Histoire des luttes populaires.

Vous avez certainement déjà entendu parler de la grève de l’amiante à Asbestos en 1949. Mais vous souvenez-vous de la grève à la compagnie Uniroyal en 1977; du conflit de la Commonwealth Plywood à Sainte-Thérèse; ou encore de la campagne de boycottage menée par les employés de la Cadbury contre le déménagement de leur usine en Ontario?

Ce n’est peut-être pas un hasard si de tels événements ont été jetés aux oubliettes. L’Histoire donne rarement une place significative aux luttes populaires. Pourtant les révoltes des petits contre les grands – qui ressemblent souvent à la bataille de David contre Goliath – ont été d’une grande importance dans le monde moderne capitaliste et industrialisé.

L’exposition de photos de Guy Turcot, qui se tient ces jours-ci au Musée du fier monde, redonne à ces événements une importance presque héroïque. Depuis plus de trente ans, Turcot documente visuellement ces luttes qui ont marqué l’histoire du Québec: luttes ouvrières, luttes pour les droits des femmes (par exemple, à l’avortement libre et gratuit) ou même luttes des francophones tentant d’obtenir plus de droits (comme celui de simplement pouvoir occuper des emplois longtemps réservés aux anglophones).

Voilà une exposition d’une belle richesse historique et qui nous montre une photographie documentaire d’une grande qualité. Elle a de plus le mérite de nous présenter toute une série de photos plus anciennes sur le sujet et, elles aussi, d’une forte intensité. L’image d’un ouvrier amputé des doigts, prise par Jacques Grenier lors de la grève à la Dominion Ayers, est saisissante.

On appréciera aussi beaucoup les textes en vignette qui accompagnent chacune des photos. Notons ce propos d’un ouvrier, rapporté par Michel Chartrand: "On n’a pas honte d’être des assistés sociaux. Il y a des compagnies qui reçoivent ça par centaines de millions. General Motors, deux millions qu’ils ont eus pour leur shop de peinture à Rosemère. IBM, une des plus grosses compagnies du monde, six millions. Ils n’ont jamais vu ça nulle part ailleurs."
C’est à voir absolument pour ne pas oublier le passé et pour réfléchir sur le présent.

Jusqu’au 7 janvier 2001
À l’Écomusée du fier monde

Espaces de survie
Si vous avez vu le film Sue, perdue dans Manhattan, vous ne regardez certainement plus de la même manière les sans-abri et autres itinérants qui peuplent les rues de nos villes. L’histoire de cette femme qui devient incapable de faire confiance à ses amis ou à ses amants parce qu’elle a été plus souvent qu’autrement trahie, qui perd emploi, logement, santé et qui, finalement, meurt sur un banc dans un parc illustre que personne n’est à l’abri de l’itinérance.

Le sujet des sans-logis – sur lequel on préférerait souvent fermer les yeux – est abordé avec justesse dans une très touchante expo de la photographe française Jacqueline Salmon. Celle-ci a capté sur pellicule les lieux que l’on met en France à la disposition de ces individus sans domicile fixe.

Pièces vides, seulement meublées par des lits bien pauvrement couverts de draps blancs: les images qu’elle nous donne à voir sont étrangement très belles, d’une grâce presque religieuse. Parfois, on a le sentiment de retrouver l’atmosphère de certains tableaux de Pierre Dorion.

Salmon montre la précarité de ces lieux aménagés rapidement, ici et là, parfois même dans des wagons de chemin de fer ou, étrangement, dans des locaux désaffectés du ministère des Finances…

Selon l’artiste, "les autorités n’envisagent pas le problème sérieusement et parent seulement au plus pressé avec des solutions parfois très temporaires. Nos sociétés n’imaginent pas comment créer de vraies structures d’accueil et des places vraiment spécifiques pour les sans-logis."
Son expo devient du coup un outil de réflexion.

jusqu’au 19 novembre
Au Centre de diffusion de la photographie Vox

À signaler
Même si elle vient de s’achever, nous tenions à souligner la plus récente expo (qui n’est restée malheureusement à l’affiche que 10 jours) des peintures de Peter Krausz à la Galerie de Bellefeuille à Westmount. Son travail conserve toujours son pouvoir critique, et ce, malgré un texte de présentation qui tisse des liens avec un retour au Paradis qui aurait pu en édulcorer la force. Ce serait se tromper que de vouloir voir dans les toiles de Krausz un simple travail sur la beauté. Bien au contraire, il y a dans ses paysages vides de tout humain et aux couleurs presque acides, l’expression d’une douleur existentielle bien loin de la simple contemplation esthétique.

C’est le 12e encan-bénéfice de la Galerie Clark. Les oeuvres seront exposées à partir du 2 novembre pour être mises en vente le samedi 11, à 13 h. On pourra se procurer (entre autres) des pièces de Raymonde April, Anne Ashton, Nicolas Baier, Mathieu Beauséjour, Marie-Claude Bouthillier, Emmanuel Galland, Yan Giguère, Cynthia Girard, Massimo Guerrera, Caroline Hayeur… Au 1591, rue Clark, 2e étage.
Information: (514) 288-4972.