Nestor Kruger : La galerie en perspective
Des curieux trompe-l’oeil de Nestor Kruger aux photographies floues d’Élène Tremblay, notre critique nous propose cette semaine une tournée de quatre galeries.
L’oeuvre d’un artiste a-t-elle plus de chance d’être reconnue si elle est exposée dans les endroits appropriés, c’est-à-dire dans un réseau judicieux de galeries d’art et de centres d’art contemporain? Serait-ce alors le lieu qui fait – symboliquement – l’oeuvre? C’est à ce type de réflexion que nous convie Nestor Kruger.
Bien sûr, les raisons qui font qu’une création devient importante sont bien plus complexes. Néanmoins, en peignant en trompe-l’oeil une murale représentant un espace hybride ressemblant à la fois aux locaux de la Galerie Optica, qui l’accueille ces jours-ci, et à ceux de la Galerie Eye Level d’Halifax, qui lui ouvrira ses portes en 2001, Kruger oblige le spectateur à regarder avec attention les espaces d’exposition de l’art contemporain. L’esthétique post-industrielle branchée s’y trouve fortement dévoilée.
Même si le point de vue n’est guère nouveau, le résultat est visuellement très intrigant. Car cet exercice de style devient intéressant de par les pièges visuels produits par les trompes-l’oeil de la perspective qui s’y déploient avec brio. Certaines zones de ces murales sont hypnotisantes. Parfois, en se déplaçant devant les murs, le spectateur a le sentiment que l’espace représenté bouge lui aussi.
Voici un retour très déstabilisant de la technique de la perspective. Pourtant, cette manière de peindre depuis la Renaissance italienne semblait avoir été totalement épuisée. Alain Paiement, il y a quelques années, s’était audacieusement et intelligemment intéressé à des constructions spatiales qui avaient renouvelé le genre. Les espaces de Kruger possèdent une certaine parenté avec les recherches de Paiement. Même si le propos n’est pas si bouleversant, on suivra de près les développements plastiques de ce jeune artiste né à Montréal, en 1965, et vivant maintenant à Toronto.
Jusqu’au 9 décembre
Au Centre d’art contemporain Optica
Des jeunes filles comme il faut
The Ladies’ Afternoon Art Society est un collectif d’artistes de Vancouver formé de très respectables jeunes filles. C’est ce que le communiqué de presse de la Galerie Skol laisse entendre puisque "rien ne satisfait plus Susanne, Sueann et Susan qu’une pièce propre et bien décorée, l’éclat de la porcelaine bien récurée, le scintillement de l’argenterie bien astiquée". En tout cas, ces femmes ne manquent pas d’humour (mordant).
La Galerie Skol est remplie d’une série de décorations (d’où le titre de l’expo, Lovely Ornements) suspendues au plafond et ressemblant à des boules de Noël ou bien à des sachets parfumés et autres pots-pourris rose nanane.
Certes, voilà un propos qui n’a rien de totalement révolutionnaire. Cela d’autant plus que l’ironie a depuis trop longtemps occupé le devant de la scène de l’art contemporain. Néanmoins, c’est amusant.
Début novembre, lors de leur passage à Montréal, ces Ladies en ont profité pour décorer le Complexe Desjardins et l’avenue McGill College, coin Sainte-Catherine, de leur présence et de leurs décorations toutes féminines. Une série de photos prises à ce moment-là parent avec grâce les murs de la Galerie.
Jusqu’au 16 décembre
Au Centre d’artistes autogéré Skol
Avec le temps
Au 19e siècle, plusieurs photographes crurent pouvoir capter sur pellicule l’image fantomatique des morts. C’est dire le pouvoir magique qui était prêté à cette invention. L’artiste Élène Tremblay – qui, en parallèle à sa démarche créatrice, oeuvre aussi au sein de la galerie Vox – propose à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal, une réflexion sur la photo comme mémoire du passé.
Étrangement, c’est plutôt l’échec de la photo comme document que Tremblay nous invite à contempler. Malgré les promesses de ce médium, qui devait conserver la mémoire du monde, la photo, comme la peinture ou tout autre médium, nous confronte toujours à des images prisonnières de leur époque. Les images floues et à l’aspect ancien de Tremblay, ne laissant voir que des zones très blanches émergeant de fonds sombres, nous montrent des personnages non reconnaissables. L’incapacité de la photo à vraiment capter et à conserver la réalité d’un monde ou d’une époque y est implacablement exposée. Triste constat. Tout meurt, même les souvenirs…
Jusqu’au 10 décembre
À la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal
Ouvres récentes de Pierre Blanchette
Yeux examinés à la loupe ou bien planètes scrutées à la lunette? Les oeuvres récentes de Pierre Blanchette se veulent un voyage dans un imaginaire et des métamorphoses spatiales qui, au premier coup d’oeil, semblent un peu simples. Ce peintre nous convie néanmoins à une efficace expérience visuelle qui oscille entre le microcosme et le macrocosme en s’inspirant du romantisme (et, d’une certaine manière, du symbolisme). Dans leurs déchirements entre l’immense et le minuscule, ces tableaux donnent aux spectateurs la sensation d’être soit des titans soit des nains. Les couleurs vives, parfois incandescentes, accentuent les effets déstabilisants de ces peintures presque abstraites.
Jusqu’au 9 décembre
À la Galerie Simon Blais
le Mois de la performance
La 4e édition du Mois de la performance bat son plein à La Centrale, et ce, jusqu’au 14 décembre. Ce soir, le 30 novembre, à 19 h 30, les spectateurs pourront voir les interventions de Victoria Stanton, Suzanne de Lotbinière-Harwood, Nao Bustamante (artiste de San Francisco, pionnière de la performance) et Louise Dubreuil. Se succéderont, tout au long du mois de décembre, à la Galerie et dans divers lieux, les présentations de Germain Koh, Diane Borsato, Joelle Ciona, Vida Simon. Le 14 décembre, à 18 h, une soirée de discussions et d’échanges entre le public et les artistes clora l’événement. Information: 990-2563.