Mathieu Beauséjour : Il était une fois la révolution
L’artiste MATHIEU BEAUSÉJOU, avec quelques complices, a monté une exposition sur la nostalgie de l’engagement politique. SHEILA SEGAL, de son côté, s’intéresse à une symbolique mettant en scène des oiseaux.
Que sont les héros politiques et révolutionnaires devenus? Seraient-ils donc tous morts? C’est l’impitoyable constat que dresse Mathieu Beauséjour dans Spare Some Social Change à la Galerie Skol.
Avec son complice Peter Dubé (et aussi des compagnons de combat dont les camarades-artistes Michel De Broin, Emmanuel Galland, Yann Giguère, Alain Paiement, Carl Trahan et plusieurs autres), Beauséjour a monté un bilan implacable – mais qui frise aussi la nostalgie – de l’engagement politique. Dans son exposition, l’acte révolutionnaire semble dépassé par la victoire du capitalisme mondial…
En entrant, sur les murs de la galerie, une série d’affiches placardées, de portraits d’hommes et de femmes d’action, donne le ton. Cela fait davantage penser à une rubrique nécrologique qu’à un panthéon de héros. Mais quelle place occupent dans notre mémoire collective les idées défendues par ces êtres contestataires, qui ont constitué l’histoire des mouvements révolutionnaires et, en particulier, du mouvement anarchiste? Qui sont ces individus? Vous tenterez (comme moi) de les identifier et serez certainement surpris de l’oubli, relatif mais malgré tout certain, dans lequel ils sont pour la plupart tombés. De plus, aucun contemporain vivant dans cette galerie…
Et puis, au milieu de la galerie, on a reconstitué une cellule révolutionnaire, un local de militants, une officine de propagande qui tient à la fois de la cuisine, du sous-sol poussiéreux et d’une imprimerie clandestine… Les lieux de rencontre et de travail des groupes politiques y sont exposés comme une pièce de musée d’art, comme une curiosité pour un musée d’ethnographie, comme un phénomène depuis longtemps disparu et ayant eu une certaine beauté et de la grandeur.
Le tout s’achève par une vitrine donnant à voir une série de billets de banque trafiqués par Mathieu Beauséjour (depuis plusieurs années), par des militants ou des artistes contemporains (parfois inventés par l’artiste?). On y voit, par exemple, un billet marqué du sceau de Solidarnosc.
La leçon de cette expo semble être la même que celle des philosophes Deleuze et Guattari (et elle était le thème d’une expo présenté au Magasin de Grenoble l’an dernier). Selon eux, il n’est plus possible d’avoir un engagement révolutionnaire collectif, mais de simples interventions micro-politiques, ponctuelles et limitées… Le travail de ce groupuscule en est un exemple probant.
À voir absolument.
Jusqu’au 10 février
À la Galerie Skol
Nouveau bestiaire?
Face à l’absence de projet collectif humain, de plus en plus d’artistes actuels s’inspirent des animaux. Il y a le lapin phallique et l’écureuil suicidé de Maurizio Cattelan; les cochons tatoués de Wim Delvoye; le chien en fleurs et le lapin d’acier inoxydable de Jeff Koons; la vache en décomposition de Damien Hirst… Tout un nouveau bestiaire, bien loin de La Fontaine! Ces créateurs ont tenté – avec plus ou moins de bonheur – de renouveler l’utilisation des animaux en art contemporain comme métaphore pour parler du monde. Les oiseaux ont aussi une place particulière dans ce corpus avec des pièces de Kiki Smith ou de Betty Goodwin…
L’artiste québécoise Sheila Segal s’intéresse à une symbolique mettant en scène des oiseaux. Mais arrive-t-elle à remodeler le genre? Au Centre des arts visuels, elle poursuit sa création où les corps des volatiles, mais aussi des plumes ou des formes d’oeufs, lui permettent – comme le dit le communiqué de presse – d’"investiguer la lutte de la liberté et la nature de la fragilité humaine".
Parfois, cela frôle la corde d’un sentimentalisme de premier degré (et qui a déjà été éprouvée en histoire de l’art avec, par exemple, Jeune fille qui pleure son oiseau mort du peintre Greuze). Qui ne serait pas touché par l’image d’un oiseau mort pris dans un piège? On est loin de l’imaginaire tordu et pervers à souhait suscité par ces animaux dans l’esprit de Hitchcock dans The Birds…
Cela pourrait être une symbolique vraiment trop simpliste si ce n’est heureusement que la création de Sheila Segal déborde souvent cet aspect des choses. Lorsque ces pièces se complexifient et frôlent l’abstraction, elles deviennent vraiment d’une grande efficacité et d’une grande force. Alors on en redemande.
Quoiqu’une ou deux des pièces présentées aient déjà été montrées l’an dernier à la Galerie Lilian Rodriguez, cette nouvelle expo est une excellente occasion de revoir une extraordinaire pièce (sans titre) laissant entrevoir une forme animale prise dans un système réticulaire complexe et pas tout à fait nommable, et d’apprécier de plus récentes créations. Voilà une artiste qui donne le plein envol à son travail lorsqu’elle évite une trop grande littéralité.
Jusqu’au 27 janvier
Au Centre des arts visuels
Conférences à signaler
L’exposition Gravures et dessins au temps de la République de Weimar vient juste de débuter au Centre d’exposition de l’Université de Montréal. Je vous en reparle la semaine prochaine, mais pour l’instant, il ne faut pas rater la conférence – intitulée Des artistes dénonciateurs. Fonction critique de l’oeuvre d’art sous la République de Weimar – que va donner l’historienne de l’art Constance Naubert-Riser. Sa présentation aura lieu au local 1120 du pavillon de la Faculté d’aménagement de l’UdeM, le dimanche 28 janvier, à 14 h. Renseignements: 343-6111 (poste 4694).
Dans le cadre de son événement Villes en mouvement, le Centre canadien d’architecture propose une série de conférences, en février et en mars, sur l’importance des transports dans la modification du visage de Montréal. Le CCA poursuit aussi (en collaboration avec la Cinémathèque québécoise) sa présentation de films ayant la ville pour sujet. Renseignements: 939-7026.
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