Jean-Pierre Gauthier : Rythme du monde
Dans ses installations sonores, l’artiste JEAN-PIERRE GAUTHIER nous fait ressentir le rythme de notre quotidien, et la saveur du temps qui passe.
Qu’on se le tienne pour dit, Jean-Pierre Gauthier n’est pas uniquement un artiste original et important. Il est aussi un musicien. Et si les critiques d’art ou le public oubliaient, à voir ses créations, que ce sont aussi d’étranges machines productrices de sonorités, il a trouvé avec son expo chez Dare-dare le moyen de nous le rappeler en nous demandant d’être momentanément aveugles à l’aspect visuel de sa production.
Au début, le spectateur sera surpris de voir la galerie si peu meublée. Car Gauthier nous a habitués à des dispositifs très complexes où des réseaux de fils et de cordages emplissent l’espace. Ici, juste deux lecteurs de disques compacts et des écouteurs. Au début, cela est peu invitant et même rébarbatif. Et puis la magie se produit. On ferme les yeux et on laisse ses oreilles et son esprit être séduits.
Gauthier, qui a collaboré en 98 au groupe de musique actuelle L’Oreille à Vincent (composé de Michel F. Côté, Diane Labrosse, Martin Tétreault et Christof Migone), nous propose ici d’une part ses plus récentes créations audio (regroupées sous un disque intitulé Machines consentantes , Hachures) et, d’autre part, des enregistrements de sons produits par ses machines lors de diverses expositions depuis 97.
Ces "musiques" constituent des oeuvres à part entière. L’auditeur pourra entendre les sonorités élaborées dans La Salle d’eau présentée lors de Fougue et de Passion au Musée d’art contemporain; son intervention féerique à l’Ancien moulin de la rivière Trois-Saumons à Saint-Jean-Port-Joli; l’Improvisto élaborée avec Mirko Sabatini pour l’expo Culbutes au MAC; ses Résonances intermittentes installées à Montréal Télégraphe; mais aussi son Grand Ménage pour la Biennale de Montréal…
Le tout nous fait vivre un phénomène de métamorphose. Ses tuyaux de plastique, plaques de métal, outils souvent industriels se transforment pour donner des sons parfois étonnants, ou, au contraire, très familiers; cela va de chants d’oiseaux aux sirènes de poids lourds et de paquebots…
Un scientifique européen rapportait un jour cette idée fabuleuse et saugrenue qu’il avait eue devant un vase grec. Et si l’artisan avait gravé à la surface de ses poteries, en tournant ses pièces à l’aide d’un stylet, comme une aiguille sur les anciens cylindres de cire d’Edison, les bruits ambiants de la vie antique? Drôle d’idée en effet! Mais qui nous fait prendre conscience que la saveur d’une époque réside bien plus dans ce quotidien-là que dans les artefacts présentés dans les musées.
Le travail de l’artiste Jean-Pierre Gauthier tient un peu de cette idée-là. Dans ses installations sonores faites parfois à l’aide de seaux de métal, de scies, et autres objets hétéroclites, il nous fait ressentir le rythme de notre quotidien, la saveur du temps qui passe. Baudelaire n’est pas loin.
Jusqu’au 24 février
Galerie Dare-dare
L’art de l’ébénisterie
Chêne, merisier, acajou, érable, teck, ébène… L’ébéniste François Massé travaille tous les bois avec finesse. Et pour sa première collection de meubles, présentée à la Galerie Simon Blais, il a juxtaposé ces essences, parfois rares – et traitées avec attention pour en rendre toutes les textures – avec d’anciens panneaux (volets, linteaux), de somptueux et anciens fragments décoratifs venant du Rajasthan, du Madhya Pradesh et d’autres régions de l’Inde.
Certains pourront critiquer cette réutilisation de pièces d’une autre époque et conçues dans un autre contexte. Mais c’est une pratique qui a été assez courante dans l’art du mobilier. Au 18e siècle, les laques japonaises importées en Europe étaient souvent soigneusement découpées de leur support (boîtes ou panneaux décoratifs) pour être "replaquées" sur des meubles d’apparat. L’art fait flèche de tout bois…
Les meubles les plus réussis de Massé sont les plus simples, comme cette commode-chiffonnier avec ses multiples tiroirs, mais aux lignes sobres et géométriques. Moins judicieuses sont ses réalisations où l’esthétique japonisante se mélange à l’art indien. L’éclectisme et le collage y sont un peu trop excessifs et pas nécessairement justifiés par les formes des artefacts anciens. D’autant plus que les mélanges de couleurs des bois utilisés garantissaient déjà toute la richesse visuelle de ces créations.
Jusqu’au 3 mars
Galerie Simon Blais
Acrobatie picturale
Sur les cinq tableaux formant la plus récente expo de Louise Robert, à la Galerie Christiane Chassay, trois retiennent particulièrement le regard. Un grand format où se lit le mot Vertige, est d’une remarquable maîtrise malgré l’apparent chaos. Pas facile de réussir un tableau sans l’aide d’une forme claire venant ordonner l’ensemble. C’est le défi que rencontre souvent un certain abstrait non géométrique (ou tout au moins un art plus tachiste) qui, malgré ce que pense le public, est bien plus difficile que l’art figuratif aux belles lignes contour.
Pourtant, Louise Robert réussit dans cette peinture une acrobatie de taches et de couleurs digne d’une équilibriste. Certes Twombly n’est pas loin, mais elle le cite librement tel un hommage. Deux autres tableaux, dans le même style très gestuel, sont aussi des exemples d’une maîtrise certaine de l’art pictural. Cependant, les deux autres où sont écrits des mots au pochoir nous semblent représenter une manière de faire un peu trop vue et vraiment trop répétitive. Jusqu’au 3 mars. Galerie Christiane Chassay
À signaler
Vous connaissez Les Impatients? C’est le nom du Centre d’expression et d’interprétation de l’art thérapeutique et de l’art brut, fondé en 1992. Leur but est plus que noble. Il s’agit de "rompre l’isolement dont souffrent les personnes atteintes de troubles psychiatriques et à les valoriser par la pratique de l’art". Et cette méthode a fait ses preuves.
Les Impatients ont cependant besoin de votre soutien. Ils ont organisé, sur le thème de l’amour, une expo-bénéfice qui tient de la vente aux enchères. Plusieurs artistes renommés, d’autres en voie de reconnaissance, ainsi que des participants aux ateliers présentent leurs créations qui n’attendent que vous. Les visiteurs peuvent inscrire leur offre sur un bordereau à côté de l’oeuvre qu’ils désirent acquérir. Les mises commencent à 50 $. C’est une aubaine. On y remarquera les pièces de Gabor Szilasi, Madeleine Arbour, Peter Krausz, Thierry Aubert, Linda Ross; mais aussi des anonymes talentueux comme Robert C. ou Marilou, et plein d’autres encore… Jusqu’au 7 mars. Les Impatients, 100, rue Sherbrooke Est , bureau 4000