Marc Fournel : Puits de lumière
Arts visuels

Marc Fournel : Puits de lumière

Le Puits de MARC FOURNEL est un des bons moments de la deuxième édition du Mois Multi. Rarement l’art technologique et l’installation multidisciplinaire parviennent à atteindre un tel dépouillement et une telle richesse de sens.

Lors de son dernier passage à Québec en 1998, Marc Fournel présentait l’installation L’Acquis et sa meurtrière. Alors en résidence à la Bande Vidéo, il s’affairait déjà à l’élaboration de l’installation Le Puits, qu’Antitube a eu la bonne idée de proposer à l’occasion du Mois Multi. Cette installation a été présentée à la Cour des Arts d’Ottawa, ainsi qu’à la triennale montréalaise L’art qui fait boum l’été dernier, où elle remportait d’ailleurs le prix Collection Loto-Québec. Le Studio In Vitro situé au Complexe Méduse s’avère tout à fait approprié pour cette sculpture d’acier trônant au centre de la grande pièce circulaire. Bien qu’en sourdine s’affairent ordinateurs et cie, le dispositif apparent demeure assez simple: un projecteur suspendu au-dessus d’une structure d’acier projette une bande vidéo que des plaques de verre interceptent. Au creux du puits, un miroir reflète les mêmes images. Autour du puits, des détecteurs de mouvements déclenchent des sons qui envahissent l’espace.

Puits sans fond, mais aussi puits dans le puits, puisque l’espace sombre et circulaire dans lequel le spectateur se trouve n’est pas sans évoquer celui érigé au centre de la pièce. Dans la bande vidéo projetée s’additionnent plusieurs couches d’informations électroniques: des images provenant des Grottes de Boischatel ainsi que des pages d’une encyclopédie, ouvrage par excellence regroupant tous les savoirs. Si le traitement de ces images s’apparente aux images manipulées qu’on a désormais l’habitude de voir, l’installation de Marc Fournel a le mérite de les mettre particulièrement en valeur. Le Puits, sculpture à échelle humaine de laquelle on s’approche avec fascination et crainte, constitue une porte d’entrée ingénieuse pour apprécier les subtilités de l’image vidéo.

Cette installation apparaît comme une oeuvre polysémique, sans être trop ambiguë: "J’essaie de proposer ma vision, précise Marc Fournel, mais ce n’est pas A + A = B. Le Puits, c’est le puits de la connaissance. Mais ça reste ouvert…" Pour cet artiste, Le Puits, c’est aussi l’image confrontée à elle-même; un questionnement sur l’approche de l’oeuvre d’art, une installation favorisant un retour sur soi. À la source de cette pièce, il y a la légende grecque de la Méduse sur laquelle Marc Fournel s’est penché pendant son séjour à Québec en 1998. Un sujet transhistorique et réflexif qui a déjà donné lieu à de multiples représentations, qu’on pense à La Tête de Méduse du Caravage (1571-1610). Sujet fascinant s’il en est, la Méduse à la chevelure de serpents pétrifiait ceux qui la regardaient. Persée réussit à la combattre muni d’un bouclier poli lui renvoyant son propre regard. Avec un fond de puits-miroir en guise de bouclier, Marc Fournel renvoie l’image vidéo à elle-même. Ainsi, cette installation stimule les réflexions sur le regard et sur l’image. Elle demeure cependant tout à fait autonome, dans la mesure où elle parvient d’abord par sa seule et unique présence à susciter des émotions.

Jusqu’au 4 mars
Au Studio In Vitro
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Terres austères de Richard Baillargeon
Le travail photographique de Richard Baillargeon (un des fondateurs du centre photographique Vu) en est un de longue haleine; il s’étend souvent sur des années. C’est le cas de la production qu’il présente actuellement sur le boulevard Charest. Des séquences, surtout des diptyques, mettent en lien des photographies provenant de trois sources distinctes: des chambres d’hôtel anonymes, les paysages semi-désertiques de l’Alberta (où il a séjourné, comme directeur du programme de photographie du Banff Center for the Arts), ainsi que des fragments de dioramas d’un musée de paléontologie d’Alberta où ont été découverts des fossiles préhistoriques. Ces associations d’images donnent lieu à des rapports de formes et de textures, brouillent les frontières entre le réel et la mise en scène, entre le vrai et le faux. Un travail photographique remarquable qui tire pleinement profit des possibilités du médium. À voir, jusqu’au 4 mars à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval.

La traversée du siècle au Domaine Cataraqui
Si vous n’avez pas vu l’exposition de la Collection Desjardins (une sélection d’une centaine d’oeuvres sur une collection en comptant 700) présentée cet automne à la galerie Louise-Carrier de Lévis, à Montréal et Jonquière, on peut la voir jusqu’au 3 juin dans les magnifiques salles du Domaine Cataraqui. Même s’il y a plusieurs oeuvres d’artistes dont on apprécie toujours autant le travail, allant des tableaux de Suzor-Côté aux sculptures d’Armand Vaillancourt ou de Jordi Bonet, c’est la salle consacrée à l’art inuit, une belle collection de sculptures et de gravures datant des années 1960, qui fascine le plus. À voir, jusqu’au 3 juin 2001.