Paradis insaisissables : Contre nature
À Ottawa, le Musée des beaux-arts du Canada veut célébrer l’excellence en art contemporain avec son nouveau Prix du millénaire. Malheureusement, le choix du thème – la nature – est beaucoup trop vaste et fourre-tout pour que le résultat mérite le déplacement.
Le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa voit grand. Cette institution lance cette année un nouveau concours qui se veut d’envergure. Intitulé simplement Prix du millénaire, il souhaite célébrer l’excellence en art contemporain. Et le Musée n’a épargné aucun effort pour lui donner du poids. Il l’a doté d’une alléchante bourse de 50 000 dollars, ce qui, selon le communiqué de presse, le situerait "au rang des grands prix internationaux, tels que le Turner Prize, attribué par la Tate Gallery de Londres, et le Hugo Boss Prize, du Salomon R. Guggenheim Museum de New York"…
De plus, pour apporter encore plus de valeur à l’événement, 10 artistes ayant déjà une certaine notoriété internationale furent choisis par Diana Nemiroff, conservatrice de l’art moderne au Musée, qui a consulté – pour être encore plus sûre de la validité de la sélection – des collègues (malheureusement non identifiés) d’ici et d’ailleurs.
Tout était donc mis en place pour que ce concours soit une réussite. Cela devait constituer une belle occasion pour le public de voir la crème de la crème des artistes exercer leur talent et leur intelligence sur un thème donné.
Malgré ces précautions et l’honorabilité du projet, et même si deux ou trois artistes tirent leur épingle du jeu, il faut toutefois constater le sentiment de banalité et de déjà-vu qui s’en dégage. Cela d’autant plus que des artistes ont décidé de remontrer des pièces déjà exhibées plus d’une fois (conme les Pleurs de Geneviève Cadieux, ou les paysages de Jeff Wall).
Un tel événement demandait plus d’originalité et de surprise. Sa faiblesse générale, au-delà de l’étrange absence de certains artistes – pourquoi, par exemple, James Turrell n’est-il pas présent? – réside principalement dans le sujet choisi pour ce concours: la nature. S’il faut bien reconnaître que la nature est un thème riche, il est aussi bien vaste et flou. Parfois, le spectateur aura du mal à voir ce qui réunit vraiment toutes ces pièces sous le titre général Paradis insaisissables.
Le propos de Liz Magor est certes intelligent. Ses sculptures de troncs d’arbres, aménagés comme pour y abriter des sans-abri, se moquent un peu de la vision moderne de la nature comme dernier vrai refuge de l’humanité. Cette critique d’une vision idyllique de la nature est cependant trop littérale, sans que toutefois l’aspect visuel offre une lecture ou un affect plus riche. La proposition de Jana Sterbak, intitulée Oasis, est une négation, un pied de nez au thème de l’expo. Une structure qui fait penser à une tente évoque une cage de Faraday qui, au lieu de protéger des ondes électromagnétiques, semble tenir à distance tout élément naturel. Pour ce qui est du vidéo de Diana Thater, montrant des photos du soleil, on a aussi du mal à comprendre sa place dans l’événement. Cela tient du planétarium plus que du musée d’art. Peut-être que le visiteur pourra s’imaginer en adorateur du soleil, capable enfin de pouvoir regarder sans contrainte l’objet de son émerveillement… Extrêmement banales sont aussi les colonnes de Valeska Soares qui portent des titres de livres où figure le mot nature. N’importe quel outil de recherche dans une bibliothèque ou sur Internet permet d’en faire autant, sinon plus… Cela manque d’intensité comme la majorité des pièces exposées. Pourtant, la nature est un sujet qui permettait plus de spectaculaire. Les papiers de soie de Shahzia Sikander évoquent peut-être des paysages occidentaux et orientaux mais dans une simple superposition où l’on ne sent guère de dialogue ou de relecture.
Néanmoins, l’amateur appréciera une nouvelle photo, La fosse inondée, de Jeff Wall, où une tombe creusée donne à voir des étoiles de mer et autres animaux ainsi que de plantes de l’océan. Tout comme est intrigant le film de Tacita Dena montrant durant une heure des vaches lors de l’éclipse solaire de 1999. Dépaysant.
Le gagnant de ce concours sera annoncé le 7 mars prochain.
Jusqu’au 13 mai
Au Musée des beaux-arts du Canada
Dire vrai
Le film documentaire est-il plus vrai, plus authentique, que le cinéma de fiction? Pas si sûr. C’est en tout cas ce que semble nous dire l’artiste Brian Virostek avec son installation cinématographique à la Galerie Vox.
Deux projecteurs diffusent sur les murs des extraits de film, montrant un reportage sur le base-ball et un autre qui semble traiter de la Crise d’Oka. Mais à y regarder de plus près, le spectateur s’aperçoit que ces deux très courts métrages sont en fait un collage très réussi de plusieurs morceaux de films différents. L’unité de l’ensemble vient plus d’une manière de filmer (par exemple, l’aspect légèrement malhabile) et de monter les images qui constitue en fait la caractéristique formelle du genre. Au-delà des valeurs d’implication sociale du documentaire, il y aurait une forme, un jeu visuel, qui donnerait corps à ce genre de récit. Réflexion judicieuse.
Jusqu’au 3 mars
À la Galerie Vox