Honest Blue Eyes : Entre quatre murs
Dans Honest Blue Eyes, présentée à l’Oeil de poisson, le spectateur déambule à l’intérieur d’une mise en scène peuplée d’oeuvres décapantes de ROGER ANDERSSON, PETER GESCHWIND et JOHAN ZETTERQUIST. Une excellente façon de dérider le lieu d’exposition.
Les trois artistes suédois invités par l’Oeil de poisson ont amené dans leurs bagages ce qu’il leur fallait pour envahir l’espace de la galerie. Et l’effet de cette occupation des lieux est des plus percutants. Entre les quatre murs peints en rose s’étalent des objets: quelques plantes de plastique doublées d’étranges excroissances de résine de synthèse vernies (des formes vertes et brunes qu’on retrouve d’ailleurs un peu partout dans l’espace), deux moniteurs où on peut voir de courtes bandes vidéo, un dessin, quelques photos. Par terre gît un corps morcelé; suspendu au plafond, un inquiétant mobile de mouches noires; dans un coin, un bol de toilette dont l’intérieur est savamment dessiné de motifs bleus; tout près descend une corde de pendu tressée de papier hygiénique… Bref, divers objets qui composent un décor à mi-chemin entre l’horreur et le kitsch. Le projet de ces trois artistes, Roger Andersson, Peter Geschwind et Johan Zetterquist, dont les oeuvres ont été exposées depuis 1990 à Stockholm et à l’étranger, réfère à une série présentée à la télévision suédoise. Toutefois, nous entrons dans cet univers sans aucun problème, partageant d’emblée cette culture populaire télévisuelle.
On pourrait leur reprocher de nous servir des oeuvres déjà présentées ailleurs et amalgamées dans une nouvelle présentation, mais les trois Suédois sont sauvés par le dispositif mis en place. Le spectateur investit l’espace d’exposition tel un figurant dans une mise en scène qui demeure, il va sans dire, le lot de toutes les expositions… Mais ici, heureusement, pas de narration ni d’effets théâtraux. Ainsi, on pourrait considérer Honest Blue Eyes comme un "espace photogénique", pour reprendre une expression de Nicolas Bourriaud utilisée dans son essai Esthétique relationnelle, paru en 1998. Un espace où le spectateur déambule en effectuant des choix, des focus sur les différents objets exposés. Ainsi, le sujet véritable de cette exposition n’est peut-être pas les oeuvres elles-mêmes, mais davantage l’exposition comme action et comme lieu. Dans un esprit similaire, le cabaret Shagalaï concocté par Éric Couture et Pierre Gaulin en décembre 1999 à l’Oeil de poisson proposait diverses activités (films, conférences, soirées) dans un décor inspiré de la culture populaire des années 1957 à 1967, composé d’oeuvres d’artistes. Shagalaï envahissait l’espace de la galerie mur à mur en prédisposant à la convivialité et aux rencontres. Honest Blue Eyes s’empare aussi du lieu d’exposition dans sa totalité, mais c’est pour en faire un environnement englobant dont il est absolument impossible de nier la construction et la facticité.
Jusqu’au 1er avril
À l’Oeil de poisson
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Le statut des métiers d’art en question
L’exposition De l’usage à la contemplation regroupant des pièces de Louise Lemieux Bérubé (créatrice textile), Chantal Gilbert (joaillière et coutelière d’art) et Sylvie Bélanger (sculpteure-verrière), présentée actuellement à Matéria, soulève des questions concernant le statut de ces productions. Bien que cette exposition nous donne l’occasion d’apprécier de belles pièces, dont les couteaux de Chantal Gilbert qu’on a toutefois pu voir à quelques reprises au cours de la dernière année, ainsi que certaines oeuvres de textile, notamment les vases tissés de Louise Lemieux Bérubé, cette exposition laisse toutefois perplexe. Les objets qui revendiquent le statut d’objet-idée et qui s’écartent de l’utilitaire et du décoratif posent certains problèmes. C’est le cas de l’assemblage de verre soufflé et de néon ou de certaines pièces de textile qui se présentent comme des sculptures. Elles n’ont pas l’envergure formelle d’un travail réfléchissant les notions d’espace, par exemple. En tentant de s’écarter de leur finalité utilitaire pour susciter davantage la contemplation, elles veulent peut-être occuper la place qu’une grande partie de l’art actuel a délaissée: pour l’heure, elles semblent n’y parvenir qu’à moitié. De l’usage à la contemplation, chez Matéria, Centre de diffusion en métiers d’art de Québec, jusqu’au 29 avril 2001.
Biennale internationale de gravure d’Amadora
C’est un événement d’envergure qui est présenté à la fois à la galerie de la bibliothèque Gabrielle-Roy et chez Engramme. On peut y voir des estampes d’artistes portugais, des gravures primées lors des six dernières biennales d’Amadora ainsi que des estampes d’artistes québécois (des artistes d’Engramme et de l’Atelier Circulaire de Montréal). Même s’il y a peu de surprises dans cette exposition, on est en mesure d’en apprécier les qualités techniques et une certaine inventivité dans l’imagerie. Jusqu’au 26 mars prochain.
Erratum
La semaine dernière, nous vous parlions de l’échange entre les artistes de Québec et de Mexico organisé par le Lieu et les centres d’artistes de Québec. Nous avons malencontreusement confondu les dates: les artistes exposeront leurs oeuvres pendant un mois (et non une semaine) dans la capitale mexicaine, c’est-à-dire du 28 mars au 26 avril prochain.