Iké Udé : La vie d'artiste
Arts visuels

Iké Udé : La vie d’artiste

Nouveau dandy du milieu de l’art actuel, IKÉ UDÉ n’en est pas à quelques contradictions près… À la fois critique de l’imaginaire blanc à la mode et symbole de l’artiste hip et branché! Son travail ne manque pas  d’intérêt.

"Hitler est toujours vivant. L’esthétique nazie de l’innocence blonde est partout présente, dans les défilés de mode, dans les publicités…"

Iké Udé, artiste d’origine nigérienne, qui est installé à New York dans les années 80 frappe fort sur la société blanche occidentale. Dans la foulée, et avec la même conviction, Foboil poursuit: "Être noir, ce n’est pas avoir une certaine pigmentation de peau, mais être pauvre et ne pas avoir le pouvoir. Si vous avez un billet de première classe dans un avion, vous êtes blanc; mais si vous avez un billet en classe économique, vous ressentez ce que c’est que d’être noir."

Udé ne fait pas toujours dans le détail, et n’en est pas à quelques contradictions près… À la fois critique de l’imaginaire blanc à la mode et symbole de l’artiste hip, looké et branché! Son travail ne manque pourtant pas d’intérêt. Rencontré à la Galerie Oboro, où il expose ces jours-ci, il est vêtu élégamment d’une veste très cintrée, presque comme un corset, avec une fleur à la boutonnière. Il fait partie de ce nouveau dandysme du milieu de l’art actuel qui veut que l’artiste soit une personnalité avant même de posséder une oeuvre. Il me présente ses réalisations, dont sa série de fausses couvertures de revues de mode et de fausses affiches de films. Il y critique, avec un certain humour (parfois jaune), le monde occidental.

L’une de ses affiches se moque de l’image de Marilyn Monroe et de la place des blondes dans notre imaginaire. Elle annonce un film sur Norma Jean, produit par Rudolf Hess, avec une musique du Third Reich Philharmonic, sous la direction photo de Leni Riefenstahl! On croit rêver… Sur une fausse couverture de Harper’s Bazaar se lit l’annonce d’un texte sur le désavantage du bonheur avec le témoignage d’un enfant (que l’on soupçonne riche)! Une autre, parodiant le magazine Traveler, parle d’un voyage sublime à l’île de Gorée – qui fut un des principaux centres de la traite des esclaves! Presque toutes ces couvertures donnent à voir Udé lui-même posant comme un supermodèle…

Son travail s’inscrit dans cette attitude très postmoderne qui ne consiste pas à s’opposer au pouvoir mais à le pervertir de l’intérieur avec ses propres armes; dans ce cas-ci en mimant les codes de la société riche des Blancs.

Mais, à jouer le jeu de la classe dominante – même en ironisant -, n’y a-t-il pas un danger de récupération, ou du moins un risque de perdre sa propre identité en mimant celle que l’on critique? "La ligne de démarcation est parfois faible… mais c’est un beau défi", répond-il. Ne risquez-vous pas de renier votre identité noire, comme on l’a reproché à Michael Jackson? "Les Blancs se font bronzer, se font mettre du collagène pour avoir des lèvres pulpeuses, pourquoi un Noir ne pourrait-il pas s’approprier les codes des Blancs…"

Jusqu’au 25 mars
Galerie Oboro

La célébrité selon Stéphane Gilot
Une structure de bois, d’un rouge éclatant comme un feu de circulation ou un panneau d’arrêt. Elle fait penser à un pont de Venise, et aussi – avec son espace de repos – au Pont Neuf à Paris: la nouvelle installation in situ de Stéphane Gilot, au Musée d’art contemporain, est plutôt déconcertante. À quoi sert donc ce dispositif un peu théâtral?

Une pièce in situ sert, bien sûr, à faire réfléchir sur les conditions d’exposition d’une oeuvre et sur le lieu où elle se trouve. Gilot, avec son Libre Arbitre (comme avec la majorité de ses réalisations ces dernières années), réfléchit sur l’espace d’exposition; dans ce cas-ci le musée et le milieu de l’art.

Avec ce passage surélevé, menant avec élégance de la porte d’entrée à la sortie, ne serait-il pas en train de faire un commentaire sur son propre passage au MAC? S’agirait-il d’un simple moment de gloire, un rite de passage certes heureux, mais qui renvoie l’artiste à un avenir, malgré tout, encore incertain dans le marché de l’art? Le Musée comme consécration ou comme court moment de célébrité? Dans un alcôve juste en retrait, des écrans vidéo – l’artiste se sentirait-il sous surveillance? – montrent ce même espace envahit par des jeunes gens qui s’amusent à un jeu de drapeau pas très évident mais qui comme une fête semble célébrer le moment présent. Mais dans la salle, le party est fini…

Certes, cette pièce n’est pas l’installation la plus réussie de Stéphane Gilot. Son intervention chez Lilian Rodriguez, en 1999, qui parlait de la galerie comme matériau, mais aussi de la notion d’enfermement, était plus dérangeante. Néanmoins, voici une oeuvre donnant à voir le musée d’une manière qui prête à réfléchir.

Jusqu’au 15 avril
Au Musée d’art contemporain