L’Origine du mimosa : Terre arable
L’espace intime de la galerie Le 36 de la rue Couillard est rempli de… presque rien. Quelques dizaines de dessins de DAVID NAYLOR réalisés avec de la boue, des ocres allant du rouge au jaune ainsi que trois panneaux recouverts de couleurs. Matière à discours.
C’est toujours agréable de faire une visite dans cette petite galerie décidément pas comme les autres. Le 36 est une galerie indépendante, c’est-à-dire ni subventionnée, ni tributaire de la vente des oeuvres. Une zone de liberté en somme, qui affiche un désintéressement certain permettant la diffusion de productions hautement réflexives. La présentation des oeuvres de David Naylor, qu’on conviendra d’appeler des "dessins", n’a rien de spectaculaire. La proposition de cet artiste reconnu pour son travail en sculpture et professeur depuis quelques décennies au Département d’arts visuels de l’Université Laval pourrait toutefois choquer, autant par l’indifférence quant à la volonté de plaire que par le minimalisme des interventions.
Dans une des pièces de la galerie, Naylor a parsemé le mur de dessins. De petites taches de terre, des ocres rouges, brunes et jaunes déposées sur des feuilles transparentes. Dans l’autre partie, trois panneaux troués d’un carré en leur centre ont été couverts des mêmes trois couleurs, comme l’aurait fait un constructeur en bâtiment. Ces dessins ont été réalisés lors d’un séjour à l’étranger. Même si à la fois le format et la matière utilisés sont tributaires des conditions qu’impose le voyage, pour Naylor cet aspect anecdotique n’a pas d’importance. On ne devrait même pas en parler. Ces dessins sont davantage, comme il le dit lui-même, "la mise à l’avant de la couleur matière". Le papier y a le statut d’objet autant que la couleur. "C’est la matière avant la signification", poursuit le sculpteur, qui cherche dans cette production bidimensionnelle comme dans son travail de sculpture à produire un effet de présence.
Cette exposition s’écarte passablement de tout ce qu’on a l’habitude de voir. Elle a aussi l’heureuse faculté – et cela, qu’on apprécie ou non le travail de Naylor – de renvoyer aux oeuvres qui lui sont contemporaines. Elle trouve un écho autant dans l’installation des trois Suédois, actuellement présentée à l’Oil de poisson, que dans les dessins de Guaitan Lacroix exposés à la galerie Estampe Plus, pour ne nommer que ceux-là. En effet, par une radicale économie de moyens – de simples taches de terre sur du papier -, elle se distingue des oeuvres actuelles où la "surenchère des signes les fait souvent s’annuler", dixit l’artiste (ou le professeur?), mais aussi de la recherche de sens, de beauté, d’harmonie, ou même – et cela arrive encore! -, du travail bien fait. Ces dessins dont la matérialité est presque provocante, proche d’une sorte de degré zéro de l’expression picturale, ont le mérite de s’interroger notamment sur le rapport entre signification et forme. Au cas où, par les temps qui courent, on serait tenté de l’oublier.
Jusqu’au 1er avril
Au 36
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Du cadavre à l’exquis
Vu poursuit son année photographique sous le thème "Le vertige de l’évidence", avec deux expositions. Dans ce qu’on appelle l’espace européen sont réunies des photographies de Branka Kopecki. Mais ce sont les photographies présentées dans la grande galerie qui retiennent davantage l’attention. André Barrette et Normand Rajotte présentent leurs clichés respectifs qu’ils ont jumelés pour l’occasion. Encore ici, rien de spectaculaire. Même si ces photos sont imprimées d’une manière un peu convenue (un carré noir sur un fond blanc), certaines d’entre elles n’en demeurent pas moins absolument saisissantes. Particulièrement celles d’André Barrette, parfois plus proches du dessin que de la photographie, que Rodrigue Bélanger de Vu qualifie de "blow up qui nous révèle des choses qu’on ne verrait même pas en les regardant." Elles agissent en effet pour ce qu’elles sont: on ne voit pas le ruisseau ou l’étang, mais l’image elle-même, indépendante et émancipée de son référent. Même si on a vu souvent des fragments de paysages ainsi abstraits de leur contexte, lorsqu’ils sont réussis, comme c’est le cas ici, on ne saurait s’en priver. Du cadavre à l’exquis. Chez Vu, jusqu’au 1er avril.
Mars de la maîtrise
Passez voir l’exposition des étudiants à la maîtrise en arts visuels de l’Université Laval. C’est toujours instructif, même s’ils sont parfois encore sous influence et que la présentation en collectif a toujours quelque chose d’ingrat. Il y a notamment un très beau tableau de Katharina Trüb, une armoire débordant d’objets ainsi qu’une bande vidéo de Giorgia Volpe qui valent le détour. Jusqu’au 25 mars prochain à la Galerie des arts visuels.
Hannah Alpha à la galerie Estampe Plus
Même si ce sont les dessins et les peintures extrêmement travaillés et séduisants de Guaitan Lacroix qui occupent l’espace principal de la galerie, il faut descendre au sous-sol pour apprécier les tableaux de Hannah Alpha, particulièrement les séries de nageurs suspendus dans les étendues de peinture bleue. Jusqu’au 8 avril 2001.