Les affiches chinoises : Un monde en papier
Au Centre de design de l’UQAM, une exposition dresse un panorama de près d’un siècle de l’histoire de la Chine à travers cent affiches. De son côté, la peintre Marie-Claude Pratte a fait un portrait pas très ravissant du monde de l’art contemporain.
"La bombe nucléaire américaine n’est qu’un tigre de papier." Bien étrange slogan – pied de nez à l’Occident – que celui-ci inscrit sur une affiche fabriquée en Chine en décembre 1972! Elle fait partie des 100 affiches chinoises, présentées actuellement au Centre de design de l’UQAM, qui tracent le panorama de ce genre publicitaire entre 1921 et 2001.
Voici une expo qui est une rareté. Vous y verrez bien d’autres curiosités de ce genre, dont plusieurs affiches d’avant la Révolution de 1949 et qui sont malheureusement totalement méconnues.
En première partie de la présentation, ces images du début du 20e siècle, constituent un univers très particulier avec des couleurs parfois acides, parfois très douces comme pour une aquarelle. Mais, en même temps, elles surprennent par le fait qu’elles vantent les mérites de produits très occidentaux – la mondialisation serait plus vieille que ce qu’on nous dit? – telles les piles Eveready… On y sent un profond engouement pour l’univers européen, mais aussi un travail de propagande de notre monde commercial et de ses valeurs quelque peu dérangeant. On s’attendrait à un exotisme total, à 1000 lieu de nos désirs, et on y trouve un monde en parallèle. Certes, parfois, des costumes ou des marchandises moins familiers y sont exhibés. Cela va du Remède magique contre la drogue aux Produits contre l’empoisonnement. Mais, souvent, on y sent des échos de notre propre monde. Comme en Occident à l’époque, les cigarettes sont, par exemple, très à la mode. Il y a celles de marque Rejuvenation – "Bonnes autant pour les jeunes que les personnes âgées" – ou celles portant le nom tout aussi magique de Prospérité – "Qui fume cette cigarette devient prospère"…
Dans la deuxième partie, les affiches de la Révolution – bien sûr plus connues – peuvent, maintenant que cette époque est révolue, se lire plus facilement du point de vue formel. Sur tous les visages, des sourires à pleines dents donnent un air béat aux ouvriers, aux policiers, aux soldats et aux enfants. Le visiteur sera surpris par les poses des individus. À croire qu’être communiste, c’est avant tout avoir une posture du corps digne d’un danseur de ballet, une gestuelle d’acteur propre au théâtre. Le torse bien en avant, respirant la santé, et la tête franchement relevée s’opposent pourtant ici aux poses petites-bourgeoises, élégantes mais aussi maniérées et occidentalisées de l’époque précédente. Après avoir vu les affiches de la première partie, le visiteur comprend mieux pourquoi la Révolution de Mao a voulu créer un univers esthétique opposé à l’Occident impérialiste.
La troisième partie qui tente d’esquisser le portrait de l’affiche contemporaine chinoise depuis le milieu des années 80 se révèle moins intéressante. Un peu trop Occidentale. À nouveau?
Jusqu’au 8 avril
Au Centre du design de l’UQAM
Le milieu de l’art
Le milieu de l’art, vous connaissez? Avec ses galeries commerciales ou branchées, avec ses artistes mainstream et ses créateurs underground?
La peintre Marie-Claude Pratte, à la Galerie Clark, nous invite à parcourir les méandres de cet univers afin de nous familiariser avec ses acteurs. L’air de rien, cette diablotine de l’art, avec toute une série de tableautins, nous dépeint un parcours complexe, satirique et pas toujours joyeux de l’artiste contemporain qui tente de réussir dans un milieu parfois très dur. On y voit des artistes sans le sou, en attente de subventions; des créateurs à la mode réalisant des ready-made de ready-made (belle critique du Français Bertrand Lavier!); des collectionneurs qui achètent des oeuvres pour les placer dans des coffres-forts, une revue intitulée Mort des arts… Bref, un portrait pas toujours ravissant du monde artistique. Mais qui vise juste.
Toujours chez Clark, le grand bédéiste de la scène underground Henriette Valium montre son travail visuel très politique. Sa famille Goebbels, qui mélange un portrait de ce nazi qui se suicida avec ses nombreux enfants – on a le sens de la famille ou on ne l’a pas! – avec des visages de gamins tués lors de la guerre d’Espagne, est troublante intellectuellement. Nous avons davantage apprécié visuellement sa série de Curés ou des visages de prêtres laissent voir en transparence des images pornos. Série réalisée lors des procès d’agressions sexuelles sur des mineurs à Terre-Neuve par des frères catholiques.
Jusqu’au 21 avril
Galerie Clark
Portrait de l’artiste en écorché vif
Dés l’entrée de la salle, le ton est donné. À la fois sérieux et humoristique: de l’ordre de la tragicomédie.
Un livre ouvert montre le Portrait à l’oreille coupé, de Van Gogh; lui est juxtaposé un tableau montrant un petit chat dans la même pose, la tête enveloppée d’une bande de tissu, l’oreille couverte d’un pansement de gaze. Et puis, on entre dans la petite salle de la Galerie Optica et un vidéo nous montre l’artiste Nelson Henricks en train de se recouvrir le visage de colle pour y appliquer du coton hydrophile!
Il y a dans ce dispositif comme une critique de l’image de l’artiste souffrant et romantique qui frappe juste. En même temps, se dégage de l’ensemble l’impression que l’artiste a voulu extraire de la banalisation cette douleur de l’être pour lui rendre toute sa force et son authenticité. La vidéo est à cet égard comme un coup de poing. Ce coton est étouffant. Et pas seulement pour l’artiste.
Jusqu’au 7 avril
Au Centre d’art contemporain Optica
À Signaler:
Très bonne nouvelle pour l’art public à Montréal: la Ville vient de faire l’acquisition de la pièce de Daniel Buren installée au coin de l’avenue du Parc La Fontaine et de la rue Sherbrooke.
C’est grâce à la participation de la Société Loto-Québec que cet achat a été rendu possible. Elle a donné 100 000 des 219 000 dollars que représentait l’acquisition de cette sculpture publique. Intitulée Neuf Couleurs au vent, cette oeuvre est un bon exemple du travail de l’artiste français. Elle installée en 96, lors des Cent Jours d’art contemporain.
Rappelons que Loto-Québec avait déjà participé à la restauration de deux oeuvres situées sur l’île Notre-Dame, à côté du Casino, et réalisées pour l’Expo 67; l’une d’Henri-Georges Adam (Obélisque oblique), et l’autre de Pierre Heyvaert (Acier). Souhaitons que ce type de collaboration se poursuive dans le futur. Tout le monde y gagne.