Clara Gutsche : Le couvent dans les voiles
Arts visuels

Clara Gutsche : Le couvent dans les voiles

L’exposition La Série des couvents de CLARA GUTSCHE, présentée en 1998 au Musée de Joliette, a entamé depuis une tournée d’Halifax à Toronto en passant par New York, et se rendra bientôt en Europe. Son escale à la Maison Hamel-Bruneau réunit une quarantaine de ces magnifiques photographies. Scènes de la vie contemplative.

De 1990 à 1998, Clara Gutsche s’est immiscée dans plusieurs communautés religieuses, notamment les monastères des soeurs Carmélites de Trois-Rivières, des Adoratrices du Précieux-Sang de Nicolet et des soeurs de la Visitation de Lévis: autant de lieux dont la photographe nous ouvre les portes. Clara Gutsche traque depuis plus de 20 ans des mondes en voie de disparition. De 1970 à 1973, elle réalisait une importante série de portraits des habitants de Milton Park, un quartier montréalais que des promoteurs, en complicité avec la Ville, s’apprêtaient à démolir. La Destruction de Milton Park était plus qu’une série de portraits de locataires résistant à l’expropriation, c’était, à l’instar de sa série de photographies d’espaces industriels abandonnés situés près du canal Lachine, une façon de conserver des traces de lieux dont la disparition était imminente ou témoignant d’un passé révolu. C’est ce dont il s’agit dans La Série des couvents, regroupant des portraits et des scènes d’intérieurs où vivent des groupes de femmes en communauté contemplative; cet "univers féminin fait de silence et de méditation", comme le rappelle le communiqué de presse.

Pour la directrice du Musée de Joliette, France Gascon, "le temps qui s’inscrit [dans le travail photographique de Clara Gutsche] a un caractère irréversible". On le pressent, le XXIe siècle verra probablement la disparition de ce mode de vie cloîtré; enfin, tel qu’on le connaît aujourd’hui. C’est pour cela que cette série de photographies est si fascinante, mais aussi et surtout à cause de la qualité exceptionnelle de ces images. Leur forme tout à fait conventionnelle sert fort bien le propos. Les multiples détails, mais aussi les compositions impeccables et évocatrices confèrent à ces photographies plus qu’une dimension documentaire. "Dans son rapport au sujet, écrit France Gascon, Clara Gutsche réussit à maintenir, et de manière remarquable […], un équilibre assez unique, qui lui est personnel et qui est fait de distanciation et d’appropriation, et où le respect pour le sujet se combine à une approche qui laisse libre cours à la subjectivité."

Sur les 90 photographies que comptait l’exposition initiale, la Maison Hamel-Bruneau en a sélectionné une quarantaine. Une sélection judicieuse que les espaces d’exposition du cottage du XIXe siècle mettent parfaitement en valeur. Cette série a été pour Clara Gutsche – née au Missouri – une révélation de la culture d’accueil. Pour elle, cela fait partie d’une quête d’identité. Mais encore, la photographe montréalaise a été en mesure de constater le rejet radical de notre passé religieux. Dans le catalogue du Musée de Joliette, publié conjointement avec le Musée de la civilisation, l’artiste cite un passage de la romancière Margaret Atwood: "Dans Alias Grace, un personnage […] faisait cette observation: "Nous sommes ce que nous retenons du passé." Un autre répliquait: "Peut-être sommes-nous, aussi, et avant tout, ce que nous oublions"." Si notre passé religieux occupe probablement toujours un espace certain dans notre inconscient collectif, les photographies de Clara Gutsche en font émerger des aspects absolument nobles et respectables, sans jamais pour autant nous en donner la moindre… nostalgie. Ne serait-ce que parce que les mises en scène montrent aussi toute la rigidité, l’ordre et les conventions propres à ce mode de vie en retrait du monde.

Jusqu’au 27 mai
À la Maison Hamel-Bruneau
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Utopiste debout

Si vous faisiez partie de ces milliers de manifestants qui appuyaient les actions visant à franchir le périmètre de sécurité pendant le Sommet des Amériques, vous avez probablement vu beaucoup de foulards jaune ou rouge, des affiches, des autocollants où on pouvait lire: "Existence résistance", "Ma ville est un monde", "Utopiste debout" et "Money World". Ce matériel graphique, distribué gratuitement, provient de l’association française Ne pas plier, arrivée à Québec depuis jeudi dernier, au Lieu. "Ce que j’espère, dit Nathalie Perreault du Lieu, c’est que ça crée une culture d’autogestion des signes, que ça encourage le monde à trouver des images pour afficher des opinions […]. Il y a une soif de trouver des façons de dire." Cet art est une forme d’engagement qui participe à contrer les discours officiels et aliénants. C’est par centaines que les gens sont passés dans la rue du Pont pour prendre des autocollants. Comme les luttes contre le libre-échange et le discours sur la "nouvelle" démocratie (sic) basée sur l’économie ne s’arrêtent pas avec la fin du Sommet, l’Épicerie d’art frais du Lieu continuera à stimuler les imaginaires. Au Lieu, jusqu’au 6 mai.

Les Terres cuites précolombiennes
Les quelque 26 pièces de poterie précolombiennes présentées actuellement à la bibliothèque Gabrielle-Roy valent le détour. D’abord parce que ce sont de précieuses figures anthropomorphiques des cultures aborigènes de Colombie – des pièces de terre cuite qui servaient autrefois comme objets de rituel ou à des usages domestiques, mais aussi parce que l’organisation de l’espace est tout à fait réussie. C’est un lieu très convivial: plusieurs beaux livres de référence et un ordinateur sont mis à notre disposition pour nous permettre d’en apprendre davantage sur l’art précolombien. On peut y flâner longuement. Même si l’exposition est organisée par les très officiels Bureau du Sommet des Amériques, Commerce international du Canada, ambassades et compagnie, on aurait tort de s’en priver. Jusqu’au 29 avril, à la bibliothèque Gabrielle-Roy.