Artefact 2001 : La force de l'utopie
Arts visuels

Artefact 2001 : La force de l’utopie

Cet été aura lieu une manifestation qui risque d’être bien importante dans le domaine de la sculpture publique québécoise. Artefact 2001, qui débutera le 26 juin prochain, réunira 10 artistes le long du canal Lachine. D’ici là, la maison de la culture Marie-Uguay propose un avant-goût de cet événement.

Ce sera une occasion de voir des sculptures et des installations en dehors du circuit habituel des musées et des galeries tout en aidant à revitaliser ce lieu potentiellement très riche. L’an dernier, Roberto Pellegrinuzzi avait agréablement surpris la critique avec sa Tête de pont, qu’il avait présentée le long du canal Lachine, dans le cadre de l’événement D’un millénaire à l’autre. Il avait ainsi montré l’intérêt cet endroit. Espérons que cette année ce lieu soit aussi favorable à la création.

En attendant ce moment, à la maison de la culture Marie-Uguay, pas très loin du-dit canal, les mêmes artistes qui participeront à Artefact 2001 se sont prêtés à un exercice des plus curieux. Ils ont réalisé, sur papier, mais aussi à l’aide de maquettes et de petites sculptures, un deuxième projet pour les berges de cet espace, mais sans tenir compte des contraintes de faisabilité économiques ou écologiques… Le tout se veut comme de belles utopies – terme inventé par le philosophe Thomas More au XVIe siècle voulant à la fois dire "lieu de bonheur" et "nulle part" -, offertes à la société par des artistes épris d’idéal.

Les projets utopiques et irréalisables ont jalonné l’histoire de l’art. En architecture au XVIIIe siècle, ceux de Boullée ou de Ledoux furent des outils de réflexion pour imaginer de grands rêves comme des villes et des sociétés parfaites, ou en tout cas plus égalitaires. Quels rêves nous offrent donc les artistes d’aujourd’hui?

Parmi les propositions exposées, notons celle de Marie-Christine Landry, qui consisterait à transformer une section du plan d’eau en une immense piscine à ciel ouvert; celle aussi de Michelle Héon, qui désirerait projeter sur un bord sablonneux de la rive de ce bassin d’eau un vidéo d’une grande marée, transformant ainsi ce quasi-cloaque aquatique en une sublime mer écumeuse; ou encore celle de Pierre Bourgault: la construction d’un bateau-atelier d’artistes qui serait un lieu d’expositions itinérant qui, via le canal et le fleuve, rejoindrait plusieurs régions du Québec…

Ces propositions sont un peu comme des contes philosophiques de Voltaire ou de Swift: amusantes et étranges, mais qui laissent entrevoir tout un programme de vie et de société.

Jusqu’au 24 août
À la maison de la culture Marie-Uguay

Entre pureté et impureté
L’an dernier, je soulignais à propos de deux excellentes expos – l’une de Claire Savoie chez Skol et l’autre intitulée Spilled Edge Soft Corners à la Galerie Christiane Chassay – qui réunissaient plusieurs artistes, comment, autant sur la scène internationale que québécoise, il y avait un fort retour d’une esthétique minimaliste et post-minimalisme. La relecture de l’héritage de l’art des années 60 et 70 est un phénomène profond.

À sa manière, Stéphane La Rue (avec deux expos, l’une au Musée d’art contemporain, l’autre à la Galerie B Roger Bellemare) continue de s’inscrire, avec son style bien particulier, et sa signature formelle, dans cette lignée.

Au MAC, il poursuit son travail pictural, dont on avait pu voir une des sources lors de l’expo Les Peintures à l’été 99, et qu’il a développé pour l’expo Passé composé, présentée à la Galerie Montréal Télégraphe l’an dernier. Le spectateur appréciera certainement que ses monochromes blancs soient cette fois-ci sur une toile de lin beige, ce qui permet encore plus de jouer finement sur l’illusion des superpositions de plans qui caractérisent ses créations les plus récentes.

Ici, des rectangles blancs qui semblent parfaitement se superposer et se centrer sur des toiles elles aussi rectangulaires (horizontales et verticales) se mettent, lorsqu’on les regarde d’un peu plus près, à bouger, à se décaler, à déstabiliser l’ordre conventionnel d’une certaine abstraction géométrique.

À la Galerie B Roger Bellemare, La Rue propose des pastels à l’huile sur papier qui évoquent Joseph Albers. Mais, bien sûr, c’est du La Rue: ce qui semble être une abstraction parfaitement épurée et orthogonale se dévoile lentement comme un jeu subtil de décalages et de déséquilibres visuels raffinés.

Une réflexion formelle d’une grande sophistication mais qui ne nous ravit pas complètement. Une recherche formellement très réussie justifie-t-elle de nos jours à elle seule la pertinence d’une création artistique? La Rue nous pose cette question avec rigueur.

Jusqu’au 9 juin
Galerie B Roger Bellemare

Jusqu’au 5 août
Au Musée d’art contemporain

À signaler
La Galerie B-312 organise un encan-bénéfice qui aura lieu le samedi 12 mai à 15 h. L’amateur peut déjà aller voir les pièces qui y seront mises en vente. Il y trouvera des créations de Michel Boulanger, Joseph Branco, Kevin deForest, Marie-Suzanne Désilets, Yan Giguère, François Lacasse, Manuela Lalic… et bien d’autres.