Les Fermières obsédées : De fille en aiguille
La performance jouit d’un regain d’intérêt chez les jeunes artistes. La preuve: Les Fermières obsédées, avec leurs drôles de cercles de couture, assument leur féminité dans la pratique de l’art action. Corps social et détournement.
Les Fermières obsédées,
c’est un collectif de quatre filles créé il y a tout juste deux mois. Catherine Plaisance, Mélissa Charest, Annie Baillargeon et Eugénie Cliche, encore étudiantes au premier cycle en arts visuels à l’Université Laval, organisent des séances de broderie et se donnent… du fil à coudre. Déguisées, perruques et robes à l’appui, elles s’approprient, avec un respect étonnant, la tradition culturelle du Cercle des Fermières. Et à quatre, les idées pullulent: "On est comme un groupe de musique, affirment-elles, on veut devenir des vedettes!" Un rapport au show-business rare chez les artistes en arts visuels, qu’Andy Warhol a été un des premiers à transgresser, mais aussi proche de l’esprit du travail de Pipilotti Rist. Si la performance est une pratique de l’art du non-objet, la fabrication n’est pas exclue de leur jeune pratique: sans pudeur aucune, elles ont mis "sur le marché" des photos d’elles-mêmes, elles brodent des t-shirts à leur propre effigie. Et tout cela semble leur venir presque… naturellement. Elles ont déjà à leur actif quelques performances. À l’occasion de La Vitrine étudiante en mars dernier à l’Université Laval, elles ont décousu leurs robes pour ensuite les recoudre en échangeant chaque partie; lors d’une autre performance, elles ont assemblé leurs vêtements, devenant temporairement des soeurs siamoises: "On avait le goût de travailler en groupe, précise Annie Baillargeon, pour perdre notre personnalité […] On se met en état d’obsession." L’obsession, c’est certes la répétition du geste ou la collection, mais c’est aussi, comme certaines femmes savent le faire, s’acharner sur la position précise d’un napperon sur une table, sur "la pâte à dents qui fit avec le verre", comme le précise Eugénie Cliche, une Fermière qui s’assume… totalement.
Imaginons: dans les années 1970, les étudiants jetaient les métiers à tisser hors de l’Université Laval. Signe des temps – et de ce qui pourrait s’appeler un nouveau règne féminin! -, il y a quelques années, la même institution faisait l’achat de machines à coudre… Cela n’est pas étranger au travail d’artistes comme celui des soeurs Couture qui bricolent des installations comme on fabrique une courtepointe. Une façon de travailler qui n’est pas sans lien avec l’oeuvre de Claudie Gagnon et ses tableaux vivants extravagants, aux décors et aux costumes composés des objets les plus bigarrés, ou bien avec l’oeuvre de Laura Vickerson et ses immenses surfaces de pétales de roses épinglés un à un. Les Fermières obsédées s’approprient et détournent elles aussi des procédés traditionnellement féminins pour en faire des performances qui s’inspirent des activités des Fermières: couture et broderie bien sûr, mais aussi confection de biscuits, service à thé, etc. Elles squattent pour un soir le local du Lieu, qui les a insérées à la dernière minute dans sa programmation. Elles y présenteront une performance pendant laquelle elles transformeront un grand cylindre de papier. Il ne faut pas s’y méprendre, Les Fermières obsédées s’amusent le plus sérieusement du monde.
Le 11 mai
Au Lieu
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Bloc-notes
Louis-Pierre Bougie et compagnie
Gravure du sculpteur Jean-Pierre Morin, qui en est à ses premières armes en ce domaine.
Louis-Pierre Bougie, le fondateur de l’Atelier Circulaire de Montréal, est un des graveurs les plus réputés du Québec. À titre de commissaire pour cette exposition à la Galerie Madeleine-Lacerte, il s’est entouré de 10 artistes. Ses gravures se retrouvent en excellente compagnie et nous aussi. Les estampes regroupées ici sont toutes des gravures sur cuivre, inédites, et chaque artiste en présente trois. On retrouve avec joie celles de Francine Simonin et d’Elmyna Bouchard, comme on découvre les premières explorations du sculpteur Jean-Pierre Morin, les dessins fascinants de Denis St-Pierre et les compositions audacieuses et poétiques de Charlotte Fauteux. Sans compter les gravures de Marc-Antoine Nadeau, celles de Lucie Jolicoeur-Côté, de Jean-Pierre Sauvé, de François-Xavier Marange et de François Vincent. À voir jusqu’au 15 mai à la Galerie Madeleine-Lacerte.
Un nouveau Riopelle au Musée du Québec
Le Musée du Québec est tout fier de présenter sa nouvelle acquisition: Espagne (1951) de Jean-Paul Riopelle, qui trône à l’entrée de la salle consacrée à l’artiste. Un grand tableau qui nous fait imaginer les empilements de tubes à l’huile qu’a dû nécessiter sa réalisation. C’est une oeuvre de la période la plus importante de Riopelle, où il a réalisé ces oeuvres qui ont fait de lui une figure internationale. Le tableau de 1951 vient joindre les rangs des 259 oeuvres de Riopelle que possède le musée: peintures, estampes, dessins, sculptures et livres albums.