Massimo Guerrera : Ouvre de résistance
L’artiste MASSIMO GUERRERA, dans sa nouvelle exposition à la Galerie Skol, s’intéresse à la fine limite entre l’intime et le public, surtout quand cet espace est violé par les systèmes corporatifs. Il offre donc des installations et des performances qui défient les habitudes de vie prédéterminées.
De l’intime au public, il n’y aurait qu’un pas, une fine limite psychologique. Et elle serait souvent franchie par l’invasion des systèmes corporatifs qui nous diraient quoi porter, quoi manger, quoi faire et même quoi penser! Voilà le triste constat que Massimo Guerrera dresse dans ses installations et ses performances. Tableau plutôt noir pour une époque pas si grise, tout de même…
Mais, heureusement, le travail de Guerrera se veut souvent opaque et résistant à de telles façons d’être. Il produit des espaces et des interstices sociaux qui défient les habitudes de vie, qui seraient ainsi prédéterminées. Au-delà de l’aliénation, il y aurait l’art?
Chez Skol, il nous offre encore un de ses espaces hybrides, qui tient à la fois d’un salon, d’un laboratoire, d’une garderie, d’une salle à manger, d’un salon de thé, plutôt postmoderne… Le tout baignant dans une esthétique années 70 et très actuelle à la fois. Du coup, le spectateur ne sait plus comment s’y comporter. Qu’y faire?
D’autant plus que, sur les murs, des photos nous montrent l’artiste en train d’exécuter des performances, mais ailleurs, chez des amis lors de repas ou de discussions… L’amateur d’art qui court les événements les plus actuels se sent comme mis à l’écart, renvoyé à lui-même et à se regarder bouger seul dans cet espace abandonné. Il arrive trop tard. L’action semble déplacée, dans un autre temps, en un autre lieu.
Il faut dire que l’art actuel – et la condition postmoderne – nous a souvent appris que nous arrivions trop tard, après les grands débats politiques du 20e siècle; mais aussi après les grandes querelles sur l’art, comme celle de l’abstraction et de la figuration. Les galeries vides d’Yves Klein parlent de ce repli apparent de l’art… Pour certains artistes, il ne resterait plus qu’à être dans l’ironie, à se moquer de tout et à faire carrière. Ce n’est pas l’attitude de Guerrera qui, à l’aide de références philosophiques (on sent que Deleuze et Guattari ne sont pas loin) nous parle d’une prise de position mais dans le domaine du privé, du micro-politique dans nos rapports au monde.
Ses installations deviennent comme un moment de vérité, une micro-rupture dans l’espace – et le temps – très réglementé de la société.
Chez Guerrera se pose profondément la question de savoir comment nos êtres peuvent conserver une distance – critique – par rapport au monde sans pour autant se fermer totalement.
Faut-il devenir comme un filtre? C’est ce que semblent dire ses dessins montrant des corps souvent comme des passoires, métaphore qui semble hanter sa production. La feuille de papier qui leur sert de support, elle-même trouée, ou un peu transparente comme un calque, se propose telle une paroi protectrice.
Bien sûr, on pourra reprocher au propos de Guerrera le fait qu’il n’y eut guère d’époques sans aliénation des citoyens. Mais cela ne nie pas pour autant le devoir de l’art de questionner les comportements sociaux.
Pour ceux qui ne sont pas encore trop familiers avec la pratique de l’artiste, cette expo sera particulièrement informative. Pour les habitués, elle ne recèlera cependant pas vraiment de surprises bien qu’elle soit très réussie.
Heureusement, lors de sa performance, le 10 mai, dans le cadre du Festival FA3, Guerrera a donné une prestation plus percutante. Le corps s’y prêtait à des usages surprenants. L’artiste utilisait de simples sacs de plastique servant pour des commissions de tous le jours, qui devenaient cagoule pour se suicider, chapeau de technicien de laboratoire. Quant aux épis de maïs… L’un d’entre eux servit à l’artiste dans l’un de ses orifices intimes! Cela n’était pas sans rappeler une performance de Matthew Barney, artiste américain, qui lui aussi critique les usages normatifs du corps dans la société occidentale.
Jusqu’au 2 juin
Galerie Skol
La planète en voie de disparition
Notre planète serait-elle devenue un énorme musée? Où l’homme tenterait de conserver des espèces (animales et végétales) qui se volatilisent, des cultures entières – pensons aux Amérindiens – qui s’y évanouissent avec le monde moderne?
L’artiste thaïlandais Sutee Kunavichayanont est placé dans sa propre culture face à de tels phénomènes de disparition et de tentative de conservation. Mais que faire?
Cela commence peut-être avec les éléphants. Traditionnellement, emblèmes de la chance, leur extinction n’augure rien de bien…
Kunavichayanont nous oblige à ressentir, à l’aide d’un éléphant de tissu (moulé sur une bête morte) dégonflé et gisant sur le sol, ce phénomène de perte. Le spectateur est convié à souffler dans cette baudruche et a redonner vie à cet animal. Un peu littéral, mais visuellement, c’est prenant; d’autant plus que les murs, comme des tableaux noirs d’école effacés, nous parlent d’une culture qui s’éclipse lentement. Voilà qui se conclut par un constat sur les cultures minoritaires de la planète qui n’est guère joyeux.
Jusqu’au 26 mai
Galerie Optica