Musée du Québec : Un plaisir manifeste
Arts visuels

Musée du Québec : Un plaisir manifeste

Le Musée du Québec inaugure ces jours-ci deux expositions sur l’art moderne et actuel, ainsi qu’une salle permanente dédiée au peintre JEAN PAUL LEMIEUX. Retour sur ceux et celles qui font l’histoire.

Après L’Art d’une capitale coloniale et Tradition et Modernité au Québec, le Musée poursuit la démonstration des grands courants de l’art au Québec, qu’il articule en mettant en valeur sa propre collection d’oeuvres d’art. Le titre le dit bien: Figuration et Abstraction au Québec, 1940-1960 regroupe des oeuvres d’artistes phares de cette période, un moment historique d’une extraordinaire ébullition, on le sait. C’est le temps des manifestes avec Refus global, publié en 1948, mais aussi avec Prisme d’yeux, paru aussi en 1948 et signé par 15 artistes, dont Alfred Pellan. Un manifeste qui n’excluait pas la figuration de l’expression picturale et dont une part de la production artistique de l’époque témoigne. En 1955, Rodolphe de Repentigny (Jauran) rédige le Manifeste des plasticiens, qui défendra une peinture plus autoréférentielle (ton, texture, forme, ligne) dont la peinture de Fernand Leduc constitue un bel exemple. Impossible de nommer tout le monde. Ils sont trop nombreux. Voilà donc une exposition extrêmement dense, sans être toutefois trop chargée, cela grâce au travail des designers multipliant les ruses d’aménagement de l’espace.

Si on y retrouve beaucoup de tableaux qu’on a déjà vus à plusieurs reprises, il est possible d’y faire quelques belles découvertes, notamment le superbe tableau L’Intrusion (1956) de Claude Tousignant, un vibrant carré rouge sur un fond blanc, et une sculpture qu’on n’avait jamais vue d’Armand Vaillancourt. Sans compter Mère et Enfant (1953) de Robert Roussil, que le Musée ressort ici avec pertinence. Nouveauté dans la présentation: la conservatrice de l’art moderne, Michèle Grandbois, a choisi de donner la parole aux artistes. On retrouve donc maintes citations des créateurs sur leur travail et sur l’art. Une approche que pourraient critiquer certains historiens de l’art, mais qui s’avère ici tout à fait à propos. Ne serait-ce que parce que cela permet de renouveler le discours sur ces oeuvres, si souvent commentées.

La suite? C’est l’exposition L’Abstraction: une manière de voir. Ici, le conservateur de l’art contemporain, Michel Martin, est allé puiser dans la collection permanente et dans celle de Prêts d’oeuvres d’art. Il a réuni des oeuvres produites au cours des 40 dernières années. On y trouve autant des oeuvres d’artistes aguerris et reconnus, comme Jacques Hurtubise, le duo Cozic, Claude Tousignant et son psychédélique Accélérateur chromatiques 96 – encore lui! Décidément, Tousignant est un grand peintre; en tout cas, un de nos préférés -, Serge Lemoyne et son Atelier rouge (1996-1997) ainsi que des pièces de jeunes artistes comme Marie-Claude Bouthillier et Martin Bourdeau. On leur donne encore la parole. Mais il y a ici une autre nouveauté notable: on présente, au même titre que les tableaux et la sculpture, des oeuvres vidéo abstraites créées dans les années 1970, et d’autres plus récentes.

Les titres des deux expositions pourraient laisser croire qu’entre la figuration et l’abstraction, c’est cette dernière qui a gagné le combat (difficile de ne pas ramener encore la dualité!), mais on doit se raviser. L’inauguration d’une salle permanente dédiée à Jean Paul Lemieux arrive à point nommé et montre que la peinture figurative, malgré ses difficultés, a connu une certaine fortune. Les oeuvres de la collection du Musée permettent de voir comment Jean Paul Lemieux est devenu le "Lemieux" que l’on connaît, tel que le rappelle fort à propos le commissaire, Pierre L’Allier. Les tableaux précédant Les Ursulines (1956) – où Lemieux commence à schématiser les formes – demeurent fascinants, qu’on pense au Paysage des Cantons de l’Est (1936), par exemple. Il est intéressant aussi de constater que le Musée du Québec a acquis des oeuvres de Jean Paul Lemieux dès le début de la carrière du peintre, preuve que l’institution encourageait déjà certains jeunes artistes. Quoique ce soit un hommage mérité au peintre, on a toutefois la vague impression que les meilleurs tableaux de Lemieux se retrouvent dans les collections privées…

Au Musée du Québec
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Bloc-notes
Les Amériques du sud au nord
Quelques mots sur l’exposition concoctée par la commissaire Lisanne Nadeau, en cours actuellement au Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul. Dernier événement auquel aura pris part la directrice du centre, madame Françoise Labbé, dont la disparition en a surpris plus d’un, l’exposition regroupe des artistes de Cuba au Canada, en passant par l’Argentine, dont les oeuvres ont été sélectionnées dans la collection permanente du centre. En plus de cet ensemble de peintures, Lisanne Nadeau a réuni aussi sous le thème des Amériques (il faut lire le texte de la publication) les installations de la jeune Mexicaine Tania de la Cruz (en résidence à la Chambre blanche à l’automne 2000) et de la Québécoise Louise Viger. À voir, jusqu’au 10 juin prochain.