Yan Giguère : Histoire d'eau
Arts visuels

Yan Giguère : Histoire d’eau

Avec son exposition Chavirer, le jeune photographe Yan Giguère (un de nos Nouveaux Visages 2001) touche à cet espace du médium où s’inscrivent les rêves de notre inconscient collectif. Chavirant, en effet.

La Galerie Vox recèle ces jours-ci de beaux mystères. Pourquoi certaines images de Yan Giguère offertes aux spectateurs sont-elles si touchantes, à la fois si douces et si intenses pour le regard? Pourquoi devant son Autoportrait, où il est avec sa copine, ressent-on qu’il a réussi à capter un de ces moments de vive présence, sans pour autant tomber dans la mièvrerie de la nostalgie photographique? Serait-ce le flou de certaines parties de l’image? Comme si elle avait été prise sur le vif, sans trop de calcul.

Mais il y a autre chose… D’abord, le titre de l’expo: Chavirer. S’agit-il d’un programme esthétique ou d’un mode de vie? On retrouve beaucoup d’eau dans cette expo: celle évoquée par un bateau; celle d’un bain; celle qui ressemble à des larmes dans son Portrait de la pluie; celle d’un lac; celle, finalement, de la neige…

Une eau dans laquelle on peut plonger et se rafraîchir; mais aussi, se noyer, se perdre en d’intenses pleurs. Sans tomber dans l’eau comme métaphore de la vie ou de la photographie (avec ses bains pour le développement)… À croire que ce liquide sert ici – comme la cire dans les écrits de Didi Huberman – de symbole pour décrire la capacité de l’art à être le réceptacle de nos rêves.

Car il y a des photos qui marquent une vie. Bien sûr, celles que l’on prend avec son chum ou sa blonde dans un moment de bonheur. Mais aussi celles qui, au détour d’une expo, d’un livre ou d’une revue d’art, viennent nous chercher, et nous donnent l’impression d’avoir capté un souffle de vie, en parfaite adéquation avec notre existence.

Pour ma part, je me rappelle une ou deux photos de Nan Goldin. Pour d’autres, ce sera une image de Raymonde April ou de Nicolas Baier… Ce n’est pas le propre de la photo. C’est la valeur émotionnelle investie dans ce médium par notre culture moderne. Et Yan Giguère réussit à toucher du doigt cet espace de la photo inventé dans notre culture pour accueillir nos rêves.

Jusqu’au 16 juin
Galerie Vox

La peinture libre
Il y a un an exactement, François Lacasse nous présentait à la Galerie René Blouin ses tableaux onctueux comme du lait, des acryliques et encres sur toile souvent belles comme d’anciennes laques japonaises. Malgré la beauté de ses tableaux, nous avions alors émis des réserves sur les effets parfois trop calculés des dégoulinades et de ces splashings présents dans ses oeuvres.

Sa nouvelle expo au Centre Plein Sud suscite à nouveau ce commentaire. L’aspect émotionnel de ce type de traitement pictural – qui parle pourtant d’une perte de contrôle -y semble de temps à autre évacué. La tache de peinture est ici et là trop froidement et trop joliment placée. Mais il faut dire que Lacasse travaille sur la lame du rasoir. La matière picturale dans tous ses états, dans ses usages plus "liquéfiés", fut utilisée par bien des artistes.

Voilà un terrain miné. Comment trouver et réfléchir son originalité tout en conservant une certaine spontanéité? Parfois, on a le sentiment que Lacasse cite de tels effets. Un peu dans l’esprit – mais d’une manière toute différente – de Jasper Johns qui ainsi tentait d’effectuer une réflexion critique sur l’affect présent dans la peinture des expressionnistes abstraits qui ont particulièrement marqué historiquement l’utilisation d’une telle picturalité. Johns, tout comme au Québec Charles Gagnon, a su créer dans ce registre formel des tableaux exceptionnels mais aussi des compositions assez faibles, et froides. Lorsqu’une gestuelle qui devrait dire la spontanéité est à ce point maîtrisée, la peinture frise le maniérisme.

Néanmoins, sur les neufs pièces présentées, près de la moitié sont totalement réussies, dont Dilatation, peinture qui à elle seule vaut le détour par Longueuil. C’est un tableau tout simplement merveilleux. Un de ces moments où la peinture semble être libre. Les mots me manquent.

Jusqu’au 17 juin
Au Centre Plein Sud

Tissus urbains
Le Conseil des arts du textile fête ses 20 ans! Et pour l’occasion, il a concocté un événement original. Intitulé Tissus urbains, il s’agit d’une rencontre inusitée entre les arts du textile et de la vidéo! Une dizaine d’artistes y participent, dont Ivon Bellavance, Louis Hains, Michelle Héon, Shelley Miller, Leila Sujir… C’est à voir dans quatre lieux montréalais: dans les nouveaux locaux d’Icari (55, avenue du Mont-Royal Ouest, 5e étage); au Centre des arts interculturels Mai (3680, rue Jeanne-Mance); à la Société des arts technologiques, SAT (305, rue Sainte-Catherine Ouest); ainsi que une installation extérieure, aux 3675 et 3700, Saint-Dominique.

Pour en savoir plus sur cette rencontre inédite, une table ronde aura lieu à la SAT le 13 juin à partir de 17 h. Une performance de Christiane Blanger et Carole Baillargeon complétera la soirée. Renseignements: (514) 524-6645 ou catq.qc.ca