Louis-Philippe Hébert, 1850-1917. Sculpteur national : Sculpture, famille, patrie
Arts visuels

Louis-Philippe Hébert, 1850-1917. Sculpteur national : Sculpture, famille, patrie

On peut penser que la sculpture du XIXe siècle est ennuyante et académique; du bronze, du bronze et encore du bronze. Nuance: les oeuvres de Louis-Philippe Hébert nous transportent dans un univers désormais révolu, soit, mais toujours  fascinant.

La coïncidence disons… rhétorique ne manque pas de faire sourire: après tous les discours autour de la "nation" qu’on nous sert jusqu’à plus soif, après "la capitale nationale", "l’économie nationale" et que sais-je encore, voici maintenant notre sculpteur national: Louis-Philippe Hébert. Hasard heureux pour nos compatriotes au pouvoir, parce que "sculpteur national", c’est ainsi que l’appelaient ses contemporains. Le titre peut aussi s’expliquer autrement puisque l’exposition est sponsorisée par la Commission de la capitale nationale. Elle a aussi comme partenaires le Musée des beaux-arts de Montréal et l’Assemblée nationale, puisque cette dernière a bien voulu se départir de quelques sculptures le temps de l’exposition. Malgré la connotation un brin patriotique que suggère le titre, il ne faudrait pas perdre de vue notre sujet principal: l’art de Louis-Philippe Hébert, le plus grand sculpteur de son époque, autant par la qualité de son oeuvre que par sa carrière exceptionnelle, les diverses décorations et les nombreux prix qu’il a reçus. Le conservateur Yves Lacasse travaille depuis plusieurs années sur cette exposition et il est parvenu, en réunissant quelque 120 pièces du sculpteur, à transmettre l’envergure de son oeuvre.

Louis-Philippe Hébert, le père d’Henri Hébert, à qui le Musée consacrait une exposition l’automne dernier, est un des premiers sculpteurs québécois dont l’art a franchi les frontières. Il a été un précurseur à plusieurs égards: en plus d’être le premier artiste reconnu en dehors du Canada, il est aussi le premier à représenter des nus dans la sculpture québécoise, le premier sculpteur à s’intéresser aux Amérindiens (dont on peut voir quelques beaux exemples dans l’exposition), le premier à intégrer des oeuvres d’art dans les cimetières; il a été le premier artiste d’ici à travailler le bronze, celui qui réalisa les 10 premiers bronzes de la façade de l’hôtel du Parlement de Québec. Mais encore, Hébert a contribué à modifier le statut de l’artiste en travaillant son image, donnant une certaine noblesse au métier.

On connaît Louis-Philippe Hébert et on ne le connaît pas", souligne avec son esprit habituel le directeur du Musée du Québec, John R. Porter. C’est vrai que ses statues et ses monuments de bronze, on les côtoit sans plus les voir. Ne serait-ce que Le Pêcheur à la nigogue (1889) ornant une fontaine du parlement, cet imposant Abénaquis harponnant un gros saumon, des saumons comme il y en a de moins en moins. Au Musée, on peut apprécier de près la monumentalité de l’oeuvre. Si l’art est une des plus agréables portes d’entrée pour la connaissance de l’histoire, l’oeuvre de Louis-Philippe Hébert l’est tout particulièrement. La sculpture d’Hébert est d’un réalisme empreint de mystères, idéalisé; elle est d’un classicisme grandiose et noble. C’est une sculpture historique aussi, en témoignent plusieurs bustes de personnalités politiques, dont on peut voir une galerie dans une des trois salles occupées par ses oeuvres. Cette intéressante exposition nous fait découvrir le parcours exceptionnel de cet homme né dans une modeste famille d’agriculteurs des Bois-Francs et qui terminera ses jours, comme on le lit dans la documentation du Musée, "dans une résidence cossue de Westmount, riche et auréolé de gloire".

Jusqu’au 3 septembre
Au Musée du Québec
Voir calendrier Arts visuels

Bloc-notes
Trois peintres
Commençons par le plus ténébreux des trois, Yves Poulin, qui expose ses tableaux en ce moment à la galerie Linda Verge. C’est l’occasion de faire un saut sur l’avenue des Érables. La palette sombre et les sujets tourmentés d’Yves Poulin n’ont rien pour séduire. On constate plutôt que le peintre refuse la séduction de la couleur. Ses portraits disparaissent dans des acryliques gris et noir. Si sur les 24 tableaux présentés, les plus récents intègrent davantage la couleur, c’est toujours avec une certaine pudeur. Une peinture assurément intègre et cohérente. Ouvres récentes d’Yves Poulin à la Galerie Linda Verge, prolongée jusqu’au 1er juillet.

Les tableaux de Horacio Sapere, dans l’annexe de la galerie Madeleine Lacerte, en sont presque l’antithèse. Chez Sapere, il y a beaucoup de couleur et une volonté de plaire assumée, sinon affirmée. Des rouges, des verts, des bleus et une qualité de matière, des compositions où se marient des motifs végétaux et des collages de photographies d’intérieurs. Toujours chez Madeleine Lacerte, on peut voir aussi les pastels et quelques huiles de François Vincent. Même si l’exposition est terminée, les tableaux resteront encore quelques semaines et il faut en profiter pour les voir. On retrouve dans le travail de Vincent presque une synthèse (ou une résolution) des deux attitudes envers la couleur soulevées plus haut. Certains tableaux sont vraiment très réussis: on pense à cette femme au bord de la piscine, avec des pans de bleus et de jaunes. Une peinture intérieure et paisible. Jusqu’au 27 juin prochain.