Nancy Spero : La marche des femmes
Arts visuels

Nancy Spero : La marche des femmes

À l’heure où le cliché veut que les femmes soient allées trop loin dans la révolution féministe, NANCY SPERO persiste et  signe.

Nancy Spero est une artiste américaine dont la production a été – et continue

d’être – liée à la révolution féministe. Depuis 1974, elle a même dédié son travail uniquement à la représentation des femmes. Extrémiste,Nancy Spero?

À l’heure où le cliché veut que les femmes soient allées trop loin, voilà un parti pris qui a de quoi séduire. Spero persiste et signe. Pourquoi un tel entêtement? À notre époque où il y a tout juste une poignée – six, si je ne m’abuse – de dirigeantes de pays à travers le monde et où les femmes gagnent encore des salaires bien inférieurs à ceux des hommes, a-t-on vraiment à justifier une telle attitude de contestation artistique?

Les pièces que la commissaire Louise Déry présente à la Galerie de l’UQAM donnent à voir des images qui méritent cependant des explications. Spero tente dans son oeuvre de répondre à des questions qui la hantent: Comment continuer la révolution? Quelles images donner des femmes – aux hommes et à elles-mêmes – maintenant que les grandes luttes de contestation semblent passées?

Dans sa série intitulée The First Language, Nancy Spero montre des femmes nues qui courent comme des athlètes grecs; d’autres qui, couvertes d’un maillot de bain, font du patin à roulettes à côté d’une Diane chasseresse; d’autres encore qui semblent accoucher, les jambes écartées pour donner naissance… Toutes ces femmes d’époques différentes paraissent fortes, capables de posséder le monde et de l’embrasser, l’espace d’un instant. Elles semblent voler. Elles ont l’univers à parcourir et à s’approprier. Et elles semblent

bien parties. De plus, cela est très beau visuellement.

Toujours à la Galerie de l’UQAM, l’amateur pourra scruter des créations de la sculpteure Jana Sterbak, qui vit et travaille à Montréal ainsi qu’à Barcelone. Celle-ci a réalisé plusieurs pièces qui ont marqué l’histoire de l’art canadien, certaines pour des raisons très valables, d’autres moins.

Si sa Robe de viande posait adéquatement le corps comme lieu de vanité, son Generic Man, tatoué au cou d’un code-barre, frôlait quant à lui le cliché avec complaisance.

Qu’en est-il de la Sterbak dessinatrice? La quarantaine de dessins exposés à l’UQAM méritent le détour car ils permettent de voir l’intérêt de cette artiste pour la fragilité – de la ligne dessinée – en liaison avec sa production 3D qui parle souvent de la fragilité de l’être. Même s’ils ne nous apprennent rien de très nouveau sur la genèse de son oeuvre.

Plus passionnantes sont les deux sculptures filiformes qui y sont présentées. Elles ont l’air de presque rien – l’une d’elles risque même de ne pas être perçue de tous les spectateurs tant elle est fine et se détache peu de son mur de support – mais il ne faudrait pas se tromper sur leur force formelle et symbolique. Elles détiennent quelque chose de magique presque comme un talisman. Cette Colonne vertébrale de rechange ou ces

Antennes, constituées de véritables morceaux d’antennes de homards suspendus presque miraculeusement à des fils de nylon à moitié transparents, nous disent un univers symbolique où, pour conjurer le sort ou pour sentir davantage les énergies du monde, il est possible de s’inventer des objets et gris-gris que peuvent devenir les oeuvres d’art. Très inspirant.

Jusqu’au 23 juin
Galerie de l’UQAM

Proximité amoureuse
L’exposition de Mireille Lavoie à la maison de la culture Côte-des-Neiges intrigue fortement. Au premier coup d’oeil, le spectateur croira qu’il s’agit de deux simples podiums se touchant à peine – placés là pour recevoir des acteurs? – trônant devant un panneau lui aussi de bois et montrant deux autres cercles se chevauchant légèrement tels les deux hémisphères d’une mappemonde… Deux univers s’y rencontrent? Juste à côté, une structure de petits morceaux de bois ressemble à la fois à une montagne, un igloo, un cabane d’une tribu africaine… Un symbole protecteur?

Le tout se nomme Lovey Dovey! Bien drôle de titre… Pourtant, cette expression (anglaise) qui parle de sentiments affectueux entre des individus donne tout son sens à cette installation. Ces formes qui existent dans l’espace l’une à côté de l’autre en se touchant, en s’interpénétrant mais sans s’absorber, symbolisent les relations entre les individus et même

certainement les relations de couple. La montagne – la forme visuellement la plus forte et la plus originale – devient comme un lieu de fondation de cette intimité. Mireille Lavoie a créé ici une installation qui, sans mièvrerie, parle des liens qui unissent les êtres. Peut-être cela est-il un peu froid comme dispositif, comme s’il y avait une pudeur chez l’artiste à parler de ces choses-là… Mais à travers ces structures de plaques de bois s’effectue aussi une relecture de l’art minimaliste. Lavoie élabore un langage plastique dont nous suivrons avec plaisir les développements.

Jusqu’au 25 août
À la maison de la culture Côte-des-Neiges