Picasso érotique : Le festin nu
Le Musée des beaux-arts lève le voile sur l’érotisme de l’oeuvre du plus grand peintre du 20e siècle. Étrange et pénétrant.
Juxtaposer le nom de Picasso au mot érotique, voilà qui est accrocheur! Ainsi, mardi dernier, le tout-Montréal se pressait aux portes du Musée des beaux-arts pour le vernissage de l’exposition Picasso érotique. Même le directeur de l’institution, Guy Cogeval, semblait surpris par l’ampleur de la foule…
Pourtant, cette exposition, qui a attiré plus de 200 000 visiteurs ce printemps au Jeu de paume à Paris, risque de battre des records cet été, rue Sherbrooke Ouest, où, après Paris et avant Barcelone, l’expo effectue son seul arrêt en Amérique du Nord. Une ville réputée pour jouir des plaisirs de la vie, particulièrement en saison estivale. Une ville où le légendaire artiste andalou aurait pu rencontrer plusieurs muses…
À la lumière des 340 oeuvres présentées – dont une cinquantaine de peintures et sculptures ainsi qu’une centaine de gouaches, aquarelles et dessins – , ce Picasso érotique est surtout un Picasso obsessionnel. Hanté d’abord par ses modèles, par les femmes de sa vie (l’expo s’ouvre par les sept grands amours du peintre), mais aussi obsédé par la sexualité en général. Aux titres anodins et récurrents (Étreinte, Baiser, Couple…) sont associées des images d’une sexualité intense, débridée, dévorante, voire délirante, mais rarement tendre.
Dès sa jeunesse, le peintre s’inspire de ses visites chez les prostituées des bordels barcelonais pour exprimer ses désirs. En 1903, avec Scène érotique, une toile de sa période bleue, Picasso se représente dans une pose académique, nonchalamment abandonné à une femme qui lui pratique une fellation. C’est le début d’une longue série d’oeuvres dans lesquelles le grand homme ne cessera de représenter, avec passion, trouble et violence, des scènes intimes et sexuelles: cunnilingus, sodomie, masturbation, golden shower, coït et autres nus transgressant les interdits de son époque. Des centaines de vulves et de phallus perdus dans le chaos des désirs troubles. Le sexe comme un acte carnivore au bout duquel la "petite mort" serait le reflet d’une inaccessible fusion des êtres.
Picasso disait que l’art n’était jamais chaste. Il a aussi prouvé que l’art pouvait réinventer l’amour. L’acte poétique étant un grand acte d’amour.
Présent à Montréal, un des commissaires de l’expo, Jean-Jacques Lebel (sur la liste, on trouve aussi Guy Cogeval, Gérard Régnier, Maria Teresa Ocana, Nathalie Bondil et Dominique Dupuis-Labbé), a pourfendu le puritanisme américain, le rendant en partie responsable du voile longtemps jeté sur le corpus érotique de Picasso. (La moitié des oeuvres présentées à Montréal n’ont jamais été vues en public. Même Scène érotique, acquis par le MET en 1985, n’a jamais été exposé à New York…)
Que voulez-vous, aux États-Unis de Timothy McVeigh, Thanatos aime bien triompher d’Éros…
Jusqu’au 16 septembre
Au Musée des beaux-arts de Montréal