Beau comme un camion : Sur la route
Gloire au peintre-carrossier virtuose, à l’ex-camionneuse poète, éloge à tous les savants artisans: l’exposition Beau comme un camion nous fait découvrir les marges du terroir.
Beau comme un camion
sera pour tout l’été à la Maison Hamel-Bruneau. On y présente une trentaine de miniatures de véhicules de toutes sortes: de la réplique exacte d’un camion-citerne de 1954 de Jean Rheault aux fantaisistes bolides d’Andy Lacroix (1931-2001), en passant par une murale de Raymond Nadeau, une déneigeuse en bouchons de bouteilles de Raymond Beaudin, un dessin de Dominique Boisvert et les fantastiques voitures métalliques de Dominique Engels. Le tout brillamment supporté par la commissaire de l’exposition, Pascale Galipeau, anthropologue et cofondatrice de la Société des arts indisciplinés (SAI). La société n’en est pas à ses premières tentatives de faire reconnaître ces artistes méconnus. On se rappelle l’intérêt qu’avait suscité l’exposition Les Lieux de l’art indiscipliné à la Maison de la culture Marie-Uguay de Montréal en 1999. Avec Beau comme un camion, Pascale Galipeau continue de "découvrir, protéger et défendre les artistes populaires". C’est à travers la fréquentation des sculptures d’Andy Lacroix que la commissaire s’est s’intéressée avec le plus grand respect à tous ces camions, mais aussi et surtout à tous ces artistes marginaux qui persistent à créer, souvent en solitaire, en tout cas assurément en marge du monde de l’art. En marge? Peut-être de moins en moins, puisque ce genre d’exposition permet de mieux apprécier les productions périphériques contemporaines, de reconnaître ces artistes souvent mal perçus par leur milieu: "Ces gens-là sont des créateurs, explique Pascale Galipeau, au même titre que les autres artistes. Ils sont encore méprisés par les fonctionnaires… Moi, ça me révolte!"
On a tous déjà vu ces maisons, souvent dérangeantes pour les voisins, entourées de centaines de cabanes d’oiseaux ou d’amoncellements d’objets hétéroclites et colorés. Qu’on pense seulement à la maison entièrement peinte d’un Arthur Villeneuve, aujourd’hui conservée à la Vieille Pulperie de Chicoutimi, ou bien aux pièces du sculpteur Florent Veilleux qui vient aussi de cet univers de création, de cette zone périphérique. Ce qui semble le plus intéressant, ce sont non seulement les objets que ces artistes fabriquent, mais également cette flamme qui les fait poursuivre leur oeuvre. Ce sont des artistes en rupture avec l’uniformité des modes de vie conventionnels; ils n’ont pas de modèle et ce sont des autodidactes très loin du milieu de l’art. Tant par leur attitude que par leurs créations, ils nous révèlent certains aspects de notre culture: une culture divisée, dont leur statut témoigne. Beau comme un camion contribue à leur reconnaissance. Pour Pascale Galipeau, "socialement, c’est comme ça qu’on a une évolution collective: c’est quand les gens prennent des chemins personnels, non fréquentés". Cette exposition aurait franchement mérité une publication, histoire de conserver des images de ces oeuvres et les textes de Pascale Galipeau. Il faut donc profiter de cette excellente occasion, tout éphémère qu’elle soit, de découvrir ce monde. Surveillez les activités parallèles, notamment la conférence de l’anthropologue Serge Bouchard, le jeudi 28 juin, et voyez aussi un documentaire sur les femmes camionneurs.
Jusqu’au 12 août
À la Maison Hamel-Bruneau
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Bloc-notes
Rouje, Jaune et Bleu
Le paysage des galeries d’art de Québec risque de changer dès août prochain. L’équipe de Rouje, arts et événements, a récemment acquis et restauré un immeuble de la rue Saint-Joseph pour le transformer en espace de diffusion de l’art. Un lieu extraordinaire. La vaste salle d’exposition au plafond élevé s’annonce comme la plus imposante du genre à Québec, doublée d’une mezzanine comme second espace d’exposition, et de la galerie-boutique Jaune. L’investissement vient du privé avec, en guise de mécène, Vincent Masson et son associé Yves Testet, de la boîte de graphisme Bleu Outremer. Ajoutez à cela un solide comité artistique formé de gens du milieu, avec les Éric Couture, Pierre Gaulin, Jacques Samson et Marie-Claude Trudelle, et vous avez tout ce qu’il faut pour que ce lieu devienne un diffuseur de l’art inédit et innovateur, comme le désire Vincent Masson: "On a une volonté de décloisonnement. Pourquoi ne pas ouvrir à tous les arts, tout en conservant une rigueur dans les choix? Et on veut aussi que ça soit festif." Yves Testet poursuit dans la même veine: "On veut intéresser les gens et pas seulement les gens du milieu." Rouje s’annonce donc comme un espace d’exposition multidisciplinaire, intéressé autant à la peinture et à la vidéo d’auteur qu’à des lancements de disques ou à des soirées corporatives. Un beau risque pour ce diffuseur privé, qui va sûrement transformer et stimuler la vie culturelle du centre-ville. Une formule inédite, il va sans dire, dont un des défis demeure aussi de stimuler le marché de l’art… On en reparle dès la rentrée.