Corridart, 25 ans plus tard : Acte de mémoire
Arts visuels

Corridart, 25 ans plus tard : Acte de mémoire

La Galerie Leonard et Bina Ellen de l’Université Concordia présente Corridart, 25 ans plus tard, une expo qui nous fait revivre un moment important de notre histoire  récente.

L’événement Corridart, ça vous dit quelque chose? Bien sûr, nous avons tous plus ou moins entendu parler de cette expo qui a eu lieu à Montréal en 1976, au moment des Jeux olympiques, ainsi que du scandale de son démantèlement sauvage ordonné par le maire Jean Drapeau qui, au-delà d’un simple différend esthétique, n’avait guère apprécié de voir dans les pièces présentées un ton très critique envers son administration.

Mais qui a vraiment vu les oeuvres installées sur huit kilomètres le long de la rue Sherbrooke, d’Atwater jusqu’au Stade olympique? Qui a tout simplement pu voir ces installations urbaines qui sont restées en place uniquement quelques jours au début de juillet 1976 et qui furent dans certains cas jetées à la poubelle par les employés de la Ville?

La Galerie Leonard et Bina Ellen de l’Université Concordia présente Corridart, 25 ans plus tard, une expo qui effectue un retour sur ce moment important de notre histoire récente, en faisant le jour sur le contenu de cet événement. Car, au-delà de l’affaire judiciaire qui s’ensuivit, avec ses multiples rebondissements – un premier jugement en 1981, défavorable aux artistes, par un juge qui s’était fait critique le temps d’un procès et trouva que l’ensemble était une pollution visuelle; puis un règlement hors cour en 1988 avec l’administration Doré – que recelait donc précisément ce projet?

Pour l’anniversaire de ce rendez-vous manqué entre l’art d’ici et le monde qui avait alors les yeux tournés vers notre ville, les commissaires Sandra Paikowsky et Nancy Marrelli ont fait acte de mémoire. Elles retracent tous les détails de ce projet qui au départ, rappelons-le, avait été commandé par le Programme arts et culture des Olympiques et par le ministère des Affaires culturelles à Fernande Saint-Martin, alors directrice du Musée d’art contemporain. Celle-ci s’était alors tournée vers l’artiste Melvin Charney qui avait élaboré Corridart comme un événement d’art public accompagnant les Jeux olympiques, et une "alternative à la structure muséale".

Or, la pertinence de cette expo à la Galerie Leonard et Bina Ellen, c’est aussi et surtout de poser la question (très actuelle) de l’acuité de l’art public. Comme le laisse entendre Melvin Charney, dans une vidéo réalisée pour accompagner cette présentation, l’art public constitue toujours un risque. Et il faudrait ajouter que c’est possiblement bien ainsi. Après des siècles où l’art de la sculpture publique fut dominé par un art étatique montrant des héros et des personnages royaux, l’art public actuel est un champ d’exploration mais aussi de réflexion qui doit conserver un aspect surprenant. C’est peut-être aussi que la tradition de l’art public reste à inventer. Son histoire est très courte. Encore de nos jours, rares sont les artistes qui arrivent à ne pas faire simplement un art de musée (ou de galerie) transposé dans le tissu urbain.

C’est pourquoi il faut aller voir cette expo, pour y méditer les stratégies développées par des artistes afin de prendre possession de l’espace public.

Jusqu’au 18 août
À la Galerie Leonard et Bina Ellen de l’Université Concordia

Le défi de l’image
Je me souviens, comme beaucoup d’entre vous, des premières fois où à la télévision un animateur d’une émission a montré un condom et l’a développé. C’était au début des années sida, après 1981; les yeux grands ouverts, j’ai compris, comme bien d’autres, comment cette maladie allait changer à la fois nos rapports à la sexualité mais aussi la manière d’en parler.

Le sida, qui a officiellement 20 ans – puisque c’est en juillet 1981 que, pour la première fois, un journal parlait des symptômes d’une étrange et nouvelle maladie -, a posé d’énormes problèmes aux différents intervenants sociaux et organismes gouvernementaux qui ont tenté de conscientiser les gens à ce fléau. Comment faire pour amener les individus à prendre conscience des risques réels de cette maladie? Comment rendre banal l’usage du condom? Comment rejoindre les drogués et parler de l’usage des seringues? Une intelligente exposition à l’Écomusée du fier monde montre comment l’art du graphisme fut durant ces années mis à contribution pour lutter contre cette maladie.

À une époque où le cliché veut que les images soient très puissantes, il n’est pourtant pas si facile d’inventer des publicités pour amener les gens à changer leurs comportements sexuels et à insérer de la raison dans des ébats où justement on veut perdre pied. On y verra des images en provenance d’Australie, d’Allemagne, de Tanzanie… Dans ces affiches, on y parle parfois d’une manière crue, d’autre fois d’une façon plus subtile, mais toujours on y lit l’urgence de continuer à se protéger, de continuer à espérer, malgré les morts, que la vie l’emportera.

Jusqu’au 26 août
À l’Écomusée du fier monde