Année photographique à Québec : Échange de couples
La deuxième édition de l’Année photographique, organisée par Vu, nous propose un parcours dans la ville et en galerie; des installations in situ et des expositions. À quatre mains.
On ne compte plus les projets d’intervention dans le milieu urbain. À la différence des oeuvres d’intégration à l’architecture, les interventions éphémères des artistes s’infiltrent dans la ville révélant parfois, à l’oeil attentif, un écart dans l’habituel; ici, une interrogation, là, les qualités d’un lieu. De la rue du Trésor jusqu’en Basse-Ville, le parcours culmine avec une exposition incontournable à la galerie de l’Oil de poisson avec le duo de Nicolas Baier et Michel St-Martin. Tout en haut, sur la rue du Trésor, Michel Bélanger et Carl Bouchard se confondent avec les autres artistes qui vendent leurs gravures et leurs tableaux aux touristes flânant dans une des rues les plus achalandées de Québec. Ce qu’ils offrent, c’est une petite photographie de la rue du Trésor où on voit les deux artistes en train de choisir eux aussi une gravure ou un petit tableau. Le tout vient avec une lunette qui permet de voir l’image en trois dimensions. Mise en abîme de la vente d’oeuvres d’art et clin d’oeil à leurs pairs de la rue du Trésor, le projet des deux comparses va jusqu’au bout de l’idée puisque ces derniers seront régulièrement sur place dans le but de vendre leurs petites scènes aux passants.
Sur la côte du Palais, Karole Biron et Barbara Claus ont placardé les ouvertures de deux bâtiments abandonnés. Leurs photographies habitent et habillent ces maisons ancestrales qu’on ne voyait plus. Au parc de l’Amérique française, le Belge Sébastien Reuzé a remplacé les drapeaux de nations pour mettre les siens, des photographies de mouettes qui invitent à la contemplation, laissant au gré du vent une image poétique donnant un répit aux symboles nationaux. Au marché du Vieux-Port, où il est difficile de rivaliser avec l’abondance de coloris des récoltes, Joanne Tremblay parvient à trôner avec sa photographie décomposée dans l’espace montrant une bouche avide de croquer quelque légume. Quant à Françoise Dugré, son petit moniteur vidéo encastré dans une table passe presque inaperçu. Inégales, donc, ces interventions qui ne réinventent point la formule, quoique certaines, comme celles de Carl Bouchard et Michel Bélanger, se démarquent par un travail critique sur le support et sur l’image. En Basse-Ville, c’est dans un terrain vague où on a récemment démoli un bâtiment (coin Sainte-Hélène et Dorchester) que Giorgia Volpe et Thiago Szmecsanyi ont installé de petites boîtes où on découvre, tels des voyeurs, des objets, des photographies et, le plus souvent, un reflet de soi-même. Dans la galerie, ils ont construit une grande structure cubique tapissée d’un imprimé. Sur la côte d’Abraham, on peut voir suspendues à la falaise et sur les bâtiments des photographies d’enfants réalisées par Ève Cadieux, Rosaura Guzman Clunes, Danielle Hébert, Branka Kopecki, Renée Méthot et Louise Néron. Chez Vu, il faut voir les photographies de Maitetxu Etcheverria jouant sur la dimension fictive du médium où se montrent et se cachent les décors. Son comparse Jean-Christophe Garcia présente de grandes photographies en noir et blanc, cernant des pans de nature.
Arrêt sur images
Enfin, on y arrive! Le clou de la tournée: l’exposition des oeuvres de Nicolas Baier et de Michel St-Martin à l’Oil de poisson. Après des oeuvres éparses, se mêlant discrètement à la topographie de la ville, ici, c’est l’abondance. Tout pour contrer l’ennui. La quantité des oeuvres présentées témoigne d’ailleurs d’une générosité qui permet d’apprécier ce travail photographique contre la photographie. Nicolas Baier est d’abord peintre et avoue d’ailleurs ne pas trop aimer la photographie… Et, c’est tant mieux pour nous. Ces grandes photographies, qu’il retravaille par ordinateur, produisent un effet surtout pictural. Ce qu’il photographie et reconstruit le plus souvent sous une forme de grille ou de mosaïque, ce sont des intérieurs: une cuisine, une bibliothèque, une chambre, un pan de mur, faisant parfois disparaître des sections de l’image. Cela, sans toutefois faire l’éloge du banal et du quotidien, comme le souligne fort à propos Emmanuel Galland (De la peinture par téléphone, 2000). Ces fragments sont réaménagés avec une attention aux détails et aux couleurs qui donnent toutes leurs qualités plastiques à ces grandes photographies. Bref, il ne nous prive de rien: plaisir, séduction et émotions esthétiques. Les trois photographies couleur de Michel St-Martin ne passent pas inaperçues non plus. Elles montrent un couple ensemble et seul à la fois. Un couple à l’image de ce Vertige de l’évidence où les résultats des travaux, produits la plupart du temps en duo, embrassent autant de façons d’être à deux: de la symbiose à la séparation en passant par l’affirmation de soi.
Jusqu’au 30 septembre
En différents lieux
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