Mies Van de Rohe : Le pouvoir de la ligne droite
Deux maîtres à penser, deux visions très différentes et presque opposées de l’architecture, sont à l’honneur cet été à New York avec trois expositions sur le travail de Mies van de Rohe et de Frank Gehry.
Les musées d’art new-yorkais vivent un boum architectural. Le Musée d’art moderne (MOMA) est en reconstruction – selon la vision de l’architecte Yoshio Taniguchi qui sera concrétisée pour la fin de 2004 -, et l’élaboration des plans du nouveau et gigantesque Guggenheim dans le Lower East Side, pour lequel la ville de New York a promis un montant de 67,8 millions de dollars américains, va bon train pour qu’il soit réalisé d’ici trois ou quatre ans. Mais les musées, dans la Grosse Pomme, vivent aussi un important moment de réflexion sur l’architecture.
Deux maîtres à penser, deux visions très différentes et presque opposées de l’architecture, sont à l’honneur ces temps-ci: d’une part la pureté moderniste de Mies van de Rohe avec deux expos, l’une au MOMA, l’autre au Whitney; puis, au Guggenheim, la folie des formes en circonvolutions de Frank Gehry, qui est d’ailleurs le maître d’ouvre du nouveau super-extra-mirifique Guggenheim.
Disons tout de suite que pour les visiteurs québécois qui se rendront à New York, l’expo sur Ludwig Mies van der Rohe à la Whitney, montée par le Centre canadien d’architecture de Montréal, sera un peu décevante. À peine y est-il fait mention du Wesmount Square de 67, grâce à un pauvre et minuscule plan… Certes, ce complexe fut achevé tout juste deux ans avant la mort de l’architecte et il semblerait que son implication dans le projet fut moindre. Mais aller jusqu’à passer sous silence cette réalisation… Étrange. En quoi ne respecte-t-elle pas les idées du maître? Le CCA promet, pour la présentation à Montréal cet automne, au moins deux photos de ce bâtiment ainsi qu’un texte de présentation…
Sinon, bien sûr, il s’agit d’une expo bien montée, avec grande rigueur, comme d’habitude par le CCA, et où le visiteur en apprendra beaucoup sur les moments forts de la carrière de Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969), à partir de son immigration aux États-Unis en 1938 lorsqu’il a fui les nazis.
L’amateur a droit à une grande quantité d’informations sur le fabuleux Seagram Building élaboré par Mies grâce à l’intervention de Phyllis Lambert, fille de Samuel Bronfman, président de Seagram à l’époque, et qui a eu aussi la grande intelligence de mettre sur pied le CCA… Tout comme est particulièrement bien documentée l’expo au MOMA sur la carrière allemande de celui qui fut aussi le dernier directeur du Bauhaus. Mais comme bien souvent dans les expositions qui portent sur l’architecture, l’ensemble manque de mordant. Un point de vue, ou un débat, plus explicitement énoncé fait défaut. Il est sous-jacent, mais il semble subsumé dans une documentation pointilleuse, qui laisse de côté la démonstration d’une vision plus personnelle de l’idéologie présente dans cette architecture.
Heureusement, au détour de la présentation d’un plan, d’une photo d’un bâtiment ou d’une des nombreuses maquettes qui veulent rendre le parcours plus distrayant, s’énonce un propos plus clairement politique. Par exemple, au MOMA, dans un documentaire qui trace rapidement les hauts moments du travail de l’artiste, on traite du célébrissime Pavillon allemand à Barcelone, bâti pour l’Exposition universelle de 1929, et si important pour toute l’architecture moderne et américaine en particulier. Le public y apprendra comment, pour Mies la simplicité d’un bâtiment aux structures visibles se voulait comme un reflet des valeurs de la République (de Weimar), un signe de clarté, de simplicité et d’honnêteté.
C’est pourquoi, du coup, le travail de Frank Gehry, celui qui a été qualifié tout à la fois d’iconoclaste, d’anticonformiste, d’antimoderne même, semble un peu dérangeant. Cela est très séduisant. En particulier au musée de Bilbao. L’austérité moderne s’y trouve remplacée par l’arabesque postmoderne. Au moment où le Guggenheim ouvre toute une série de musées à travers le monde entier, devrait-on avoir peur qu’il s’agisse d’une nouvelle architecture impérialiste ou, au contraire, d’un pied de nez à un style international qui s’est embourgeoisé et institutionnalisé?
Mies in Berlin. Jusqu’au 11 septembre. Au MOMAMies in America. Jusqu’au 23 septembre. Au Musée Whitney Museum Frank Gehry Architect. Jusqu’au 26 août. Au Musée Guggenheim Museum
L’art à l’attaque
Annie Roy et Pierre Allard persistent et signent. Avec l’ATSA, l’Action terrotiste socialement acceptable, ces militants artistiques tentent depuis quelques années de conscientiser la population à des questions sociales d’importance pour dénoncer l’inaction de nos gouvernements. On se rappellera leur Banque à bas installée durant l’hiver 97-98, pour venir en aide aux itinérants en leur procurant des vêtements chauds; ou encore de leur camp de réfugiés installé devant le Musée d’art contemporain à la fin 98 pour nourrir les plus miséreux.
Leur plus récente intervention, Parc industriel, est localisée sur un terrain de la rue Sherboorke, au coin de Clark. De quoi s’agit-il? D’un lieu qui ressemble à un site archéologique un peu bric-à-brac aménagé avec différents objets, déchets de notre société de consommation. Il s’agit d’y opérer une réflexion sur la "surconsommation et l’hyper productivité qui Rien de très nouveau, bien sûr, lmais e propos mérite d’être répété…
Pourtant, à voir ces tonnes de ballots de métal, de papier et de canettes compressés et dressés sur l’importante rue Sherbrooke, on ressent avec force la pertinence du propos. Roy et Allard font la seule forme d’art réaliste possible, celui qui consiste à montrer d’une manière non symbolique et brute notre monde. En espérant que le militantisme soit efficace, ne serait-ce qu’un peu…
Une série d’événements viendra animer le lieu, dont, le 1er septembre, une intervention de Green Peace sur les OGM (à 13 h) et la présentation du film de Karl Parent et Louise Vandelac: Mains basses sur les gènes (à 20 h 30). Renseignements: www.cam.org/~atsa/
Jusqu’au 4 septembre.
Coin Sherbrooke et ClarkÀ signalerL’exposition Picasso érotique au Musée des beaux-arts vient de passer la barre des 110 000 visiteurs! Cet événement a même eu droit à la visite d’une des descendantes du maître puisque Diana Widmaïer Picasso, petite-fille de Marie-Thérèse Walter, qui a hérité de son grand-père un regard d’une intense beauté, était de passage la semaine dernière au MBAM.
Rappelons qu’à Paris, cette expo a accueilli près de 180 000 personnes… Arriverons-nous à battre la Cité lumière? Ce qui est sûr, c’est que Picasso continue d’attirer les foules. En 1985, l’expo Picasso au MBAM avait déjà établi un record avec 517 000 visiteurs. Vous avez jusqu’au 16 septembre pour aller examiner Picasso sous toutes ses coutures.