Sylvie Laliberté : Entre deux chaises
Arts visuels

Sylvie Laliberté : Entre deux chaises

Présente dans le milieu de l’art contemporain depuis plus de 15 ans, avec une oeuvre multiforme faisant appel aux performances, vidéos, photographies et dessins, SYLVIE LALIBERTÉ fait enfin l’objet d’une exposition solo au MAC. Pour le plaisir.

Bien qu’elle ait participé à plusieurs expos au Musée d’art contemporain depuis 1988 (Les Temps chauds, Culbutes, Artcité), Sylvie Laliberté n’avait jamais eu de solo dans cette institution. C’est maintenant chose faite avec une expo intitulée Oeuvre de politesse à l’affiche du MAC depuis la semaine dernière. Voilà donc une belle occasion pour cette artiste de nous montrer comment, grâce à un ton humoristique et faussement innocent, il est possible de porter un regard critique sur le monde. Malheureusement, la subversion n’est pas vraiment ici au rendez-vous. Cette présentation constitue certes une belle idée de départ, mais elle s’avère peu aboutie et simplement amusante.

Bien sûr, l’ironie, la parodie, la dérision sont très à la mode en art contemporain. Ces figures langagières peuvent constituer un instrument critique d’une grande intensité si elles sont porteuses de remises en question, comme chez Barbara Kruger avec son "I Shop Therefore I Am". Mais elles peuvent être aussi emblématiques d’une attitude post-dandy, d’un maniérisme masquant une absence de propositions vraiment nouvelles, d’un refus à vraiment prendre position sur des questions sociales ou intellectuelles d’une façon plus précise que par la blague et la pirouette du "bon mot". Pensons aux tableaux souvent grotesques de Lisa Yuskavage… Et il suffit d’avoir vu le film Ridicule pour savoir comment l’obsession de la belle phrase amusante peut prendre le dessus sur toute forme de discours véritablement profond, même si elle en a toutes les apparences.

Hélas, je suis loin d’être sûr que cette expo de Sylvie Laliberté au MAC se classe dans la première catégorie d’ironie critique, et non dans la deuxième qui ne menace que peu les valeurs reçues. Jugez vous-même.

Laliberté a aménagé une salle du Musée avec une série de chaises (qui font tant défaut dans ces espaces pourtant dédiés aux visiteurs) et de tables qui rendent l’ensemble convivial. Le commissaire Gilles Godmer dit dans le texte de présentation qu’ainsi elle crée un espace de rencontre, "un lieu où s’arrêter, s’attarder, flâner et surtout s’asseoir". Cette oeuvre serait un "exercice critique par rapport au musée", signifiant qu’il "n’est pas qu’un lieu de contemplation mais aussi un espace où interfère l’autrui"… Même si le propos n’est pas faux, n’est-il pas mince? Et guère nouveau. Ne serait-ce pas de toute manière le contenu de toute installation, depuis plusieurs décennies?

Visuellement, le dispositif est efficace. Ces chaises et tables, placées dans une salle peinte pour l’occasion avec des couleurs qui semblent directement tirées d’une revue de mode, constituent un ensemble décoratif branché qui peut être perçu comme un commentaire critique vis-à-vis des musées parfois connectés sur ce qui est in. Des phrases, ici et là, sur les murs et le mobilier se moquent d’ailleurs de notre rapport à la beauté ou de la place qu’occupent les institutions muséales dans nos sociétés. On peut y lire des commentaires tels que: "Pour avoir une bonne réputation dans la vie vous pouvez asseoir votre réputation ici". Ou encore: "On m’a expliqué ce qui est beau, cela m’a fait du bien, je ne l’aurais jamais deviné toute seule"…

Sylvie Laliberté critique aussi le climat sérieux propre aux musées, allant jusqu’à permettre le rire aux spectateurs en indiquant "On peut pouffer ici"… Tout cela fait souvent sourire. Quoique certaines phrases tombent parfois à plat ("Petite table à café où prendre le thé") ou ratissent trop large, tapant à la fois sur les uns et les autres. Une assertion comme "Ici on peut penser ou ne pas penser du tout. Les deux ont un chic fou" frôle même un certain anti-intellectualisme. Il est aussi présent dans le vidéo qui accompagne le tout. On y apprend de la bouche de l’artiste qu’elle aurait pu nous faire un commentaire sur un livre traitant de l’art comme service, mais qu’elle ne l’a pas lu… Un bon concept d’expo mais vraiment pas assez développé.

Jusqu’au 21 octobre
Au Musée d’art contemporain

Aluminium et design
L’aluminium est un matériau noble! Voilà qui pourrait sembler une drôle d’affirmation. Car ce métal, même de nos jours, ne fait pas rêver comme l’or, l’ébène ou l’acajou… Pourtant, c’est bel et bien le propos qui sous-tend l’exposition Aluminium et design à l’affiche au Musée des beaux-arts de Montréal, en provenance du Carnegie Museum of Art de Pittsburgh.

Depuis qu’en 1854 le Français Henri Sainte-Claire Deville a mis au point un procédé chimique permettant de produire ce métal en grande quantité, l’aluminium a eu une histoire bien remplie. Pour devenir avec le plastique l’un des emblèmes de la modernité. Et comme le plastique, l’aluminium a eu du mal à imposer ses qualités. Pour se créer une mythologie qui lui donne un supplément d’âme, une valeur supérieure.

Avec son expo, le MBAM nous convie à admirer les usages de ce matériau qui, au cours de son siècle et demi d’existence, a parfois réussi à remplacer le marbre ou le bronze. Plus de 180 objets sont ainsi exposés. Cela va de la chaise longue MN-01 LC1 de Marc Newson, célèbre de par le monde car elle a été montrée dans le vidéoclip Rain de Madonna, à une robe de Paco Rabane, en passant par la façade de l’Agence Die Zeit d’Otto Wagner.

Une multitude de curiosités à découvrir, mais une expo qui rappelle une autre époque où l’on pouvait encore s’émerveiller devant les prouesses des technologies. J’ose croire que le spectateur actuel est plus méfiant que dans les expositions universelles du XIXe siècle ou d’une partie du XXe siècle. Il manque aussi dans cette expo une lecture plus soulignée de la force symbolique de ce matériau. Roland Barthes a signé, il y a quelques décennies déjà, un court texte sur le plastique où il rendait à ce matériau sa magie. On ne sent pas toujours ici la spécificité de cette matière maintenant pourtant indispensable.

Jusqu’au 4 novembre
Au Musée des beaux-arts de Montréal