Le Meuble canadien : Bois d’oeuvres
La présentation de la production contemporaine en ébénisterie d’art est apparemment exceptionnelle. Voilà une bonne raison pour voir l’exposition Le Meuble canadien présentée à Matéria. Pour apprécier le travail des artisans et pour les questions qu’il pose.
L’exposition itinérante présentée par la Art Gallery of Southwestern Manitoba fait escale à Québec depuis Vancouver avant de reprendre la route vers Saint John. La sélection des oeuvres a été confiée à une historienne de l’art et à quatre ébénistes reconnus, dont le Québécois Richard Audet, heureux de voir enfin une telle exposition se réaliser. Les 19 pièces, tables, chaises, armoires et bureaux, trônent dans la galerie de l’École des métiers d’art. Cet univers où se mêlent le savoir-faire de l’artisan et la liberté de créer des formes se démarquant de la production industrielle est à découvrir. Il faut voir les étudiants et autres curieux apprentis s’étonner devant le détail d’une armoire, apprécier l’emploi inusité de tel essence de bois: autant de clins d’oeil de l’artisan qui s’adressent avant tout aux regards exercés. Un "mobiliste" comme Richard Audet, qui a inventé ce néologisme pour définir sa profession, perçoit d’un seul coup d’oeil la finesse d’une surface minutieusement poncée. Entre tous ces meubles, allant de variations à partir de formes organiques à des propositions parfois presque pompeuses, on peut apprécier plusieurs pièces davantage sobres, comme l’armoire de l’Ontarien Adrian Ferrazzutti ou la table du Vancouverois Tod Stockner.
Une fois passée l’admiration du travail de l’ébéniste qui s’est donné pour un temps le champ libre en réalisant un meuble éminemment personnel, viennent les critiques. Et c’est probablement une des plus grandes qualités de cette exposition: le catalogue l’accompagnant comprend un texte controversé, signé Virginia Wright, conservatrice des arts décoratifs canadiens et du design du XXe siècle au Musée royal de l’Ontario. Un texte polémique qui pourrait servir de modèle à d’autres institutions, tant il s’écarte de l’habituel discours promotionnel qu’on retrouve dans la plupart des publications sur l’art. Comme le souligne Richard Audet, ce texte – surtout parce qu’il est controversé – aura sûrement le mérite de faire "avancer" l’art de l’ébénisterie. Paradoxalement, les commentaires sur la plupart des pièces – ici un "manque de cohésion visuelle", là, des lacunes quant à leur utilisation possible – ne nous les font qu’apprécier davantage. En outre, Virginia Wright fait des constats plus généraux et sans pardon, écrivant par exemple que "l’approche quelque peu désinvolte au rendement fonctionnel et au cadre esthétique est une faiblesse collective des oeuvres de l’exposition et de l’ébénisterie d’art en général en Amérique du Nord". Conséquence, lit-on, de la trop brève formation en ébénisterie… Mais encore, Wright nous apprend aussi que les productions sélectionnées s’intéressent peu aux problématiques actuelles en matière de design, au travail sur la lumière et sur l’espace, mais aussi sur "la légèreté (tant physique que visuelle), la durabilité, la mobilité et la polyvalence", sans parler de leurs rapports avec l’industrie. Qui aime bien châtie bien, dit le proverbe. Rien de mieux pour nous sensibiliser aux enjeux auxquels font face les ébénistes.
Du 20 septembre au 14 octobre
Chez Matéria
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Bloc-notes
À la Caserne Dalhousie
Dans la foulée des activités artistiques de la saison de la France au Québec, un duo d’artistes français, Madeleine Chiche et Bernard Misrachi, et son équipe se sont installés dans l’espace des productions Ex Machina. Leur matériel enfin arrivé en Amérique, les deux scénographes et ex-danseurs ont tout fait pour mettre en oeuvre leur installation. Le passionné duo propose une Balade inusitée au pays de la fontaine s’inspirant de la théorie du chaos. Entourés de projections vidéo, de plans d’herbes et de briques, nous sommes invités à nous déplacer dans une mise en scène où l’énergie d’une roue, alimentée par un jet d’eau, modifie la composition de mots aux syllabes perchées sur des tiges de métal. Cette installation a les qualités et les défauts des environnements technologiques qu’on a l’habitude de voir. Elle est percutante et pourtant, on ne saurait dire si le dispositif technologique, presque laborieux, alimente vraiment le propos. Faut voir. Jusqu’au 29 septembre.
Prélude à l’envol de Kéo et Débâcle
L’exposition consacrée au "satellite ailé", cet "oiseau archéologique du futur", qui sera au Musée de la civilisation jusqu’au 7 avril 2002, nous introduit fort bien au projet conçu par l’artiste multi-technologique français Jean-Marc Philippe. Éloge du progrès et de la science ou vision apocalyptique du futur (serons-nous encore là?), quoi qu’il en soit, le satellite s’envolera dans l’espace en 2003 avec une foule d’infos: gouttes de sang et d’eau, disques gravés de diverses connaissances et messages personnels non censurés (du genre: Aimez-vous les uns les autres). Dans quelque 50 000 ans, les terriens du futur pourront récupérer le tout avec, en sus, les manuels d’instructions. Fascinant.
À une autre échelle temporelle et spatiale a lieu, dans l’entrée du même musée, la restauration de Débâcle, l’oeuvre d’intégration à l’architecture réalisée en 1989 par l’artiste Astri Reusch. Aidée du sculpteur Michel St-Onge, Reusch restaure les quelque 220 tonnes de béton blanc. Débâcle n’aura désormais plus tout à fait la même allure. L’eau, dont l’action s’est avérée dévastatrice au fil des ans, sera probablement remplacée par un fond de bassin… plus stable.