L’effet du logis : Résidence secondaire?
Connaissez-vous le Studio Cormier, coin Saint-Urbain et Milton? Construit dans les années 20 comme atelier et lieu de rencontres (pas seulement artistiques…) par le célèbre architecte ERNEST CORMIER – qui a bâti la Cour suprême du Canada, l’Université de Montréal ainsi qu’une partie des Nations unies à New York -, il est devenu une résidence pour des artistes français venus travailler dans notre ville.
Depuis 98, dans le cadre du programme nommé Les Inclassables, la France nous y a donc envoyé une dizaine de ses créateurs. En échange, autant d’artistes québécois ont pu profiter d’un accueil dans différentes régions outre-mer.
Cet automne, avec l’événement France au Québec (en écho au Printemps du Québec qui, en 99, en France, fut bien médiocre), l’heure est au bilan. Pour faire le point sur ce programme d’échanges, les différents organismes gouvernementaux le parrainant ont demandé à l’artiste et commissaire Emmanuel Galland de mettre sur pied une expo. Avec Geneviève Simard, à la coordination, ainsi qu’avec l’aide de Virginie Ringuet et d’Antonin Sorel, il nous propose L’Effet du logis, un panorama de la production de ses créateurs.
Nos échanges artistiques ont-ils été fructueux? Plusieurs artistes présents lors du vernissage faisaient remarquer qu’ils avaient perdu beaucoup de temps à se familiariser avec leur ville d’accueil et à s’introduire dans ce nouveau milieu de l’art. On nous permettra donc une suggestion. Une marraine ou un parrain provenant du pays-hôte serait certainement une juste amélioration à apporter à ce programme.
De plus, pour certains, tel le Québécois Pascal Grandmaison, qui a été en résidence à Marseille en 99, une telle structure "permet, au bout du compte, davantage de rencontrer des gens que de vraiment faire de l’art". Cet avis n’est cependant pas partagé par la Française Mireille Loup qui en a profité pour réaliser toute une série de photos et pour qui le Studio Cormier est "une résidence rêvée" où elle a bénéficié "d’un confort financier permettant de produire". Elle ajoute que "Montréal est un lieu exceptionnel de solidarité entre artistes".
Pour ce qui est des créations présentes dans cet événement, il faut avouer que l’ensemble est très inégal. Soulignons l’intervention de Patrick Coutu, qui a consisté à déterrer une partie du bassin extérieur. C’est certes simple, mais cela mat en évidence le fait que la restauration du Studio Cormier dans les années 80 n’a pas été – loin de là! – exemplaire. Ce lieu demande la reconstruction de son jardin ainsi qu’une reconstitution plus méticuleuse de son intérieur.
Le vidéo de Pascal Grandmaison projeté dans la verrière est, quant à lui, spectaculaire et modeste à la fois. On y voit comme un faux casting d’une publicité pour un sac de couchage (dans lequel l’artiste a d’ailleurs dormi en résidence…). Voilà un artiste qui parle du quotidien en arrivant à lui donner un niveau poétique indéniable, le banal y devient magique. Le vidéo de Patrice Duhamel est aussi à louanger pour cette raison.
Quant au vidéo Henri III de Mireille Loup, il est tout simplement formidable. L’artiste, tel un caméléon, y joue le rôle de différentes femmes qui quittent leur amant prénommé Henri. C’est drôle et intelligent. La rupture y devient comme oeuvre d’art. À voir absolument. Il faut qu’Henri I et Henri II, qui racontent le début de ces histoires, soient présentés à Montréal afin que nous puissions avoir une vision plus globale du travail de cette artiste, que nous avions déjà remarqué lors du Mois de la photo 99.
Studio Cormier
Jusqu’au 20 octobre
À l’affiche!
Cela fait maintenant 30 ans que Marc H. Choko – professeur à l’École de design de l’UQAM et directeur du Centre de design – se passionne pour les affiches québécoises. Cette forme d’art malheureusement trop éphémère, il l’a déjà mise en valeur grâce à une expo qui a eu lieu il y a déjà 15 ans. Fort de ses recherches accumulées depuis, il réitère l’expérience avec une présentation sur l’affiche contemporaine qui circulera dans diverses maisons de la culture et qui, cette fois-ci, profite de la publication d’un ouvrage exceptionnel sur toute l’histoire de l’affiche au Québec (aux Éditions de l’Homme).
Bien sûr, l’expo est une occasion de revoir des affiches majeures, celles d’Ernst Roch, Yvon Laroche, Pierre-Yves Pelletier et Guy Saint-Arnaud pour les Jeux olympiques de 76; ou celles encore de Vittorio Fiorucci et Yvan Adam – qui ne se souvient pas de l’affiche qu’il a créée en 86 avec Denis Lafaille pour Le Déclin de l’empire américain de Denys Arcand? Cependant, il faut noter que si l’aspect documentaire et historique est réussi, il l’emporte malheureusement un peu trop sur l’aspect intellectuel du projet. Il y manque une vision plus personnelle, plus théorique avec des groupements selon des thèmes ou encore selon des approches visuelles. La démonstration d’une spécificité québécoise aurait pu être aussi plus soulignée. Le texte du catalogue pointe heureusement plus dans cette direction ("L’affiche ancienne au Québec est restée très illustrative, très littérale").
C’est pourquoi on préférera l’ouvrage à l’expo. Celui-ci compte toute une série d’affiches plus anciennes – dans l’expo malheureusement juste abordées dans un vidéo – et de textes de présentation qui offrent un contexte aux images plus récentes. Le livre est également une source exceptionnelle d’information, avec des notices biographiques sur les artistes affichistes du Québec. Incontournable.
Maison de la culture Mercier
Jusqu’au 28 octobre
Maison de la culture Ahuntsic-Cartierville
du 8 décembre au 16 février
Pose artistique
Encore une expo de vidéos dans le cadre du Mois de la photo! C’est à se demander si certains artistes et commissaires d’expos n’ont pas préféré apporter à Montréal des bandes vidéo pour ne pas avoir à transporter des images plus encombrantes… Une manière de faire peu louable. Quand les attitudes deviennent formes! Dans ce cas précis, l’expo du Français Éric Madeleine, ses nombreux vidéos, placés dans des caissons de bois, sont-ils vraiment le signe d’un concept pensé et mûri par l’artiste, ou sont-ils là pour présenter quand même quelque chose? Le spectateur aura du mal à comprendre en quoi ces images sur écrans apportent quoi que ce soit de nouveau comme réflexion sur le médium photo et sur le sujet abordé par l’artiste qui tente un peu comme le Suisse Olivier Christinat – mais d’une manière bien moins forte! – de détourner des gestuelles de leur réalité quotidienne.
Maison de la culture Côte-des-Neiges
Jusqu’au 14 octobre