Les 10 ans de B-312 : En pièces détachées
La Galerie B-312 fête ses 10 ans avec une exposition rétrospective conçue par les fondateurs de ce lieu.
La décennie de la Galerie B-312 fut bien remplie, avec plusieurs expositions marquantes et une liste plus que respectable d’artistes jeunes et moins jeunes. Parmi eux, Carmen Ruschiensky, Jean-Pierre Gauthier, David Altmejd, Robin Deyo, Emmanuel Galland, Bertrand R. Pitt, Lynne Marsh, Claire Savoie, Kevin de Forest, François Lacasse…
Pour célébrer cet anniversaire, la Galerie a invité ses fondateurs – Michel Boulanger, Marthe Carrier, Marc Desjardins et Johanne Gagnon – à mettre sur pied une expo ayant pour thème: la rétrospective. Ces derniers ont donc invité les artistes Marie-France Brière, Karelee Fuglem, Francine Savard, Claire Savoie et Andrea Szilasi à exposer d’anciennes pièces, en se les réappropriant parfois. Une manière d’effectuer un retour réflexif sur l’esthétique récente.
Des cinq créatrices à l’affiche, deux prestations ont retenu plus particulièrement notre attention. Claire Savoie, qui a réalisé ces dernières années des oeuvres exceptionnelles interrogeant les sens – chez Articule en 98, chez Skol l’an dernier et chez Circa au printemps -, revient ici sur une installation de 91 qu’elle réinterprète en l’épurant. Ses Vases communicants sont ici débarrassés de l’ancien dispositif, qui apparaît maintenant un peu trop tarabiscoté avec son trépied de métal et une boîte de masonite sortant du mur telle une excroissance. Cette fois-ci, la pièce se cache dans le mur, seul un petit rectangle découpé dans la blancheur de la cloison et un son au départ presque inaudible servent d’indices à la présence de l’oeuvre. Devant ce nouveau montage, le spectateur effectuera le constat que l’art depuis ces 10 dernières années a délaissé les formes hybrides, les juxtapositions d’objets hétéroclites. Nous ne nous en plaindrons pas; d’autant plus que Savoie a su conserver à sa pièce sa complexité, sans tomber dans la sobriété et la discrétion très petites-bourgeoises qui reviennent en force ces temps-ci, particulièrement chez certains peintres ou photographes qui proposent des images super léchées et sans aspérités, prêtes à être accrochées dans un bel intérieur cossu.
Dans sa vidéo, Savoie montre dans un clair-obscur une main faisant craquer des allumettes, accompagnée d’une voix qui alterne les mots "toujours" et "jamais". Cela fait penser à ce jeu où l’on effeuille une marguerite. La durée d’une flamme, juste le temps de ne pas se brûler les doigts, le personnage de la vidéo semble tester ce que le destin lui réserve. Très intelligent.
Les petits collages d’Andrea Szilasi, quant à eux, démontrent comment cette importante photographe a su développer depuis longtemps des images impures, tramées, à l’aspect non fini, et totalement échevelées. Le ruban adhésif se montre, brillant de ses feux, retenant des fragments les uns sur les autres. L’image se présente en destruction plutôt qu’en unification.
Galerie B-312
Jusqu’au 3 novembre
Angela Grauerholz à Toronto
Angela Grauerholz et son mari perdaient, il y a deux ans, lors d’un incendie, la quasi-totalité de la bibliothèque qu’ils élaboraient depuis 25 ans. Face à ce désastre, comment réagir?
À la Galerie Olga Korper, à Toronto, l’artiste expose les couvertures scannées de ses livres brûlés, rangées les unes à côté des autres selon leur couleur. Le contenu n’est ici plus que formes et textures; formes et textures produites par le hasard du contact entre la flamme et le matériau du livre.
Devant ces images, le visiteur ne sera pas sans penser que la nature produit des oeuvres par elle-même. Belle tentation que d’ainsi voir la nature comme maître-d’oeuvre absolu de l’art. Ces cartons et papiers brûlés ressemblent à des plaques de marbre, à des pierres… Parfois même, les traces des flammes donnent à l’ensemble des airs de poteries qui se seraient retrouvées au feu… Le temps et le hasard semblent de grands créateurs. Mais n’est-ce pas ce que les musées et même le patrimoine nous montrent continuellement? Statues grecques et romaines patinées par les âges et lavées de leur polychromie; églises gothiques usées par la pluie et le vent; tableaux aux vernis jaunis: l’art que nous contemplons est un peu le produit du temps.
Mais il ne faudrait pas oublier le dispositif très soigné et rigoureux de présentation de Grauerholz. Le tout s’organise comme un dégradé subtil de couleurs et une remise en ordre logique du chaos, une classification – un programme classique -, une démonstration du monde.
La présentation de l’ensemble est peut-être même un peu trop propre et ordonnée avec ses cadres blancs et ses passe-partout soignés. Ces livres semblent, du coup, avoir été faits et brûlés pour entrer dans ce dispositif de conservation à tout prix… Le projet présent dans toute bibliothèque, et dans toute collection, serait son inévitable disparition et le souvenir de son existence matérielle? Inquiétant.
Galerie Olga Korper à Toronto
Jusqu’au 31 octobre
Les Ateliers s’exposent
Cette fin de semaine (le 20 et 21) et la suivante (le 27 et 28), de 13 h à 17 h, le grand public bénéficiera d’une occasion exceptionnelle: visiter les lieux de création d’une vingtaine d’artistes montréalais. Dans le cadre de la 6e édition des Ateliers s’exposent, les amateurs pourront découvrir les ateliers de Jérôme Fortin, Isabelle Hayeur, Carmen Ruschiensky, Henri Venne, Armand Vaillancourt… Une expo d’oeuvres de ces artistes à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal accompagne le tout jusqu’au 28 octobre. Pour amorcer l’événement, ce soir, à 19 h 30, s’y tiendra une table ronde avec les historiens Jean-Pierre Latour et Véronique Rodriguez, auxquels se joindront les artistes Pierre Blanchette et Andrew Forster. Ils y discuteront des conditions de production des créateurs montréalais. Au moment où des artistes se font expulser de leurs ateliers de la rue Clark, la question est d’actualité. Renseignements: 872-2266.
À signaler
Dans le cadre du Festival du nouveau cinéma et des nouveaux médias, signalons que ce soir, à partir de 22 h, au Media Lounge / SAT, aura lieu la soirée audiovisuelle Digital Visions of Natural Worlds, mettant en vedette Touch. Demain soir, au Musée d’art contemporain, se déroulera une performance intitulée Entre la science et les ordures; celle-ci mettra en dialogue le cinéaste d’animation Pierre Hébert et le musicien Bob Ostertag. Renseignements: 847-1242.