René Derouin : Coureur de fond
Arts visuels

René Derouin : Coureur de fond

Au delà du discours sur la migration et le territoire, où peuvent bien nous emmener les oeuvres de RENÉ DEROUIN? La réponse à la galerie Estampe Plus où il présente des grands bois gravés et un ensemble de figures de céramique. Voyageur en  tournée.

Le travail d’un artiste comme René Derouin demande d’emblée une certaine déférence. Il a derrière lui 40 années de pratique artistique couronnée en 1999 par le Prix du Québec Paul-Émile Borduas. La même année, le Musée des beaux-arts de Montréal lui consacrait une exposition rétrospective. Il y a six ans, Derouin a mis sur pied une fondation qui porte son nom ainsi qu’un symposium se déroulant sur ses terres de Val-David, dont c’était d’ailleurs, en septembre dernier, la quatrième édition. Il expose actuellement dans trois galeries: chez Estampe Plus à Québec; chez Simon Blais et chez CIRCA à Montréal. Ajoutez à cela la publication d’un bouquin intitulé Pour une culture du territoire et d’autres documentations qu’on qualifiera, sans fausse pudeur, de promotionnelles. Derouin en impose avec ses projets voulant embrasser tout le continent américain. Il a d’ailleurs innové à cet égard. À la recherche de ses origines, il est allé très tôt vers la culture mexicaine plutôt que vers celle de la France. Comme on peut le lire dans une brochure publiée cet automne: "Au Mexique, j’ai trouvé mes ancêtres, pas mes ancêtres par le sang, mais mes ancêtres culturels." Son travail envisage donc autant les territoires physiques et culturels du Grand-Nord que ceux du Mexique, en passant par le fleuve Saint-Laurent. Ce Saint-Laurent où il larguait en 1994, lors de l’événement Fleuve-Mémoires, pas moins de 19 000 petites sculptures en céramique. Cette intervention l’a fait connaître à un large public.

Si ces figurines continuent de se faire porteuse de sens au fond du fleuve, elles nous semblent survivre plus difficilement au grand air. Ce qu’on peut d’ailleurs constater en voyant l’exposition qu’il présente actuellement à la galerie Estampe Plus. Heureusement, Derouin y expose aussi de grands tableaux, dont les qualités sont indéniables, quoiqu’ils soient moins impressionnants que ses grands bois gravés des années 1980. Ce sont aussi des panneaux gravés et peints, abstraits et figurant des territoires imaginaires, réalisés avec une technique et des compositions parfaitement maîtrisées. Derouin présente également un ensemble de figurines dont l’appréciation commande une autre approche. Ces figurines, suspendues à des fils à pêche, ce sont en fait de petits poissons de céramique flanqués d’excroissances de formes humaines. On pourrait les considérer comme la descendance de celles lancées dans le fleuve en 1994. Des sortes de mutants transformés par la pollution des cours d’eau? Peut-être. À cette installation, baptisée La Ligne dormante, faisant référence à une technique de pêche, s’ajoutent d’autres tableaux, qui nous semblent un peu moins convaincants que les grands bois reliefs polychromes. On y voit, fixés sur des panneaux de bois sombres, des poissons de céramique nageant entre des noeuds devenus vagues.

D’aucuns reconnaissent dans l’oeuvre de René Derouin ce qu’on pourrait appeler une rigueur de la démarche et une continuité dans le travail, qu’on n’aurait jamais la prétention de questionner. En définitive, cette exposition – particulièrement les figurines – nous amènent à des considérations d’ordre esthétique plus générales. N’est-ce pas intéressant? Si "est beau ce qui plaît sans concept", comme le prescrivait Kant – on est quand même dans une galerie d’art et tout nous invite à apprécier les oeuvres d’une manière esthétique! -, les grands bois gravés polychromes de René Derouin tiennent absolument le coup. Par leur seule présence et nonobstant le discours sur le territoire et la migration, ces oeuvres existent d’une manière tout à fait autonome. Dans le cas des figurines, la réponse ne va pas de soi. Deus ex machina: est-ce là qu’il faudrait faire intervenir les considérations sur les origines et les ancêtres culturels dont parle tant Derouin?

Jusqu’au 15 novembre
À la galerie Estampe Plus
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