Saâdane Afif et Rodolphe Huguet : La face cachée de l'iceberg
Arts visuels

Saâdane Afif et Rodolphe Huguet : La face cachée de l’iceberg

SAÂDANE AFIF et RODOLPHE HUGUET occupent actuellement la galerie de l’Oil de poisson. Surchargé, l’espace offre au regard plusieurs pièces de ces deux artistes que les commodités de la saison de la France au Québec ont réunis.

Pour leur premier passage au Québec, Saâdane Afif et Rodolphe Huguet n’ont rien négligé: ils nous en mettent plein la vue. On hésite d’ailleurs entre y voir l’expression d’une grande générosité de leur part ou, plus simplement, une peur du vide. D’abord, deux grands mots taillés par Saâdane Afif font presque office de mur en séparant l’espace: un Nord et un Sud mis dos à dos, découpés dans des panneaux isolants de polystyrène rose. Une oeuvre qui vient nous rappeler (on l’avait oublié) que le bas prix des bananes cultivées par Dôle (c’est un exemple parmi tant d’autres) est proportionnel au salaire des travailleurs. Plus loin, un avion de carton déposé par terre traîne une bannière publicitaire aussi blanche que muette. Au mur, le titre d’une chanson de musique alternative: Silence Is Sexy, Isn’t It?. Puis, toujours du même artiste, deux photos de nébuleuses. Il y a un peu de tout: une petite dose de conscience sociale, un peu d’humour et de mystère.

La partie la plus surprenante de l’expo, c’est l’incursion dans le réel de Rodolphe Huguet, déguisé pour l’occasion en "agent mobilier agréable". Huguet a en effet réussi à acheter, non sans quelques embûches, un espace publicitaire dans l’édition de novembre des magazines Publi immobilier Québec et Clic immobilier. Il y met en vente des icebergs autour desquels il fait d’ailleurs quelques petites blagues. Par exemple, il en décrit un ainsi: "Bien illuminé. Bonne résistance aux navires, placement rentable", etc. Dans la galerie, on retrouvera en sus des produits dérivés de ce coup de publicité. Une fois encore, il y a de tout; comme si à partir du même thème Huguet entamait un inventaire des possibilités. Une première intervention hors galerie, la version sur affiche à apporter chez soi où on peut voir une panoplie d’icebergs commentés, ainsi qu’une variation sur le profil de l’iceberg, une mosaïque de panneaux d’aluminium, faits pour durer. Style art public.

À cela s’ajoutent d’autres pièces de Rodolphe Huguet, des hamacs et tapis, tissés lors de séjours en Inde et au Maroc. Sur l’un des hamacs, le numéro d’assistance sociale de l’artiste; sur un autre tapis, une carte du monde et les lieux où il voyage. Des énigmes qui se retournent sur elles-mêmes une fois résolues. Mais le plus intéressant, c’est sans doute le tapis de huit mètres, qui se déroule telle une bande d’asphalte noire ponctuée de lignes blanches. On est ici à mi-chemin entre l’engagement et le manque (délibéré) de conviction autant dans le propos que dans l’utilisation des matériaux. La somme des pièces se présentent en définitive comme une démonstration de différents procédés. Ne serait-ce que pour cela, il y a matière à discussion.

Jusqu’au 9 décembre
À l’Oil de poisson
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Bloc-notes
BGL – À l’abri des arbres
On ne vous décrira surtout pas l’installation qu’a réalisée BGL au Musée d’art contemporain de Montréal. Une seule chose: il faut absolument voir cette exposition. Pour la succession de surprises qui nous maintient dans un ravissement constant, pour la somme impressionnante de travail et l’intelligence du propos. Probablement une des meilleures installations que cette salle ait accueillies depuis qu’elle est consacrée à la jeune production. Voilà une oeuvre qui pourra satisfaire les amateurs d’art les plus désabusés. Jusqu’au 10 février 2002.

M. Intimité
Isabelle Laverdière expose sa production récente chez Rouje: des tissus minutieusement choisis fixés au mur, un berceau ambivalent à la fois panier d’épicerie et lit pour enfant, une cabane d’oiseau en miroir à l’intérieur finement tapissé, un ballon de soccer confectionné pour répondre aux motifs du sol et deux grands tapis aux formes humaines schématisées. Chaque pièce joue à déplacer les limites entre le connu et l’inconnu. Ici, la frontière entre le réel et la fiction se révèle absolument ténue. À voir, jusqu’au 25 novembre chez Rouje.

Défilé de camisoles de contention
Des différentes activités qu’organise Folie/culture sous le titre Le Regard de l’enfermement/L’Enfermement du regard, le défilé de camisoles de contention nous semble une des plus attendues. On y verra défiler les créations d’artistes de Chicoutimi, Montréal et Québec. Ce jeudi 15 novembre à 20h à la salle Multi de Méduse. Entrée libre. Pour les absents, notez que les camisoles seront ensuite exposées à la galerie Rouje dès le samedi 17 novembre. Vernissage à 17h.

Vidéochroniques
Antitube propose régulièrement de très intéressantes programmations en vidéo d’art. Son dernier cru est de Marseille, avec une sélection d’oeuvres qu’on annonce comme provocatrices, cyniques et ironiques; des films posant un "regard original et non parisien sur le monde". Deux programmations distinctes, les 16 et 17 novembre à 19h30, à la salle Multi de Méduse.