Marcel Jean : De la couleur au ventre
Encore de la peinture? Un autre plaidoyer pour la couleur? Presque intemporels, assurément en marge des modes, les tableaux de MARCEL JEAN font et refont notre éducation esthétique.
Dans une maison de la rue Couillard, les expositions se déroulent au gré des dispositions de Marcel Jean. Dans une des pièces de la maison du professeur en arts visuels, les oeuvres sont présentées dans une intimité qui invite à ralentir pour bien les apprécier. Certes, on pourrait dire que Marcel Jean s’expose. Rien de plus vrai. Mais il faut concéder que cela demeure original de présenter des oeuvres dans un lieu où l’on frappe avant d’entrer. Pour l’artiste, cela ne fait pas de doute: il se situe dans une certaine marge du monde de l’art. Pour nous, sa marginalité s’exprime peut-être davantage dans la pratique artistique qu’il poursuit. Il expose rarement, quoique cet automne, il a fait partie du convoi collectif d’artistes de Québec exposant à Albany à l’occasion de la saison du Québec à New York. Il vient également de terminer une oeuvre d’intégration à l’architecture à l’église Saint-Jean-Baptiste récemment restaurée. Une oeuvre dont il est assez fier d’ailleurs. Le Silence et la Mer est faite de bandes d’aluminium brossé, où les frontières entre l’horizon et les vagues se distinguent par les zones peintes. Une murale sobre qui s’intègre délicatement au lieu.
On peut donc voir six tableaux, des toiles proches de ce que l’on connaît de cet artiste, produits comme toujours d’une réflexion et d’un travail intenses. Elles nous invitent en quelque sorte à une expérience initiatique de la peinture. Comme le suggère le titre, elles réfèrent à l’oeuvre de Vélasquez, mais cela d’une manière bien lointaine. Pour Marcel Jean, Les Menines sont surtout des "portraits de femmes". Ce sont de grandes toiles verticales composées de pans de couleurs aux contours volontairement incertains. Des tableaux résultant du travail d’un peintre exercé dans l’exploration d’un art défiant les évidences. D’abord interdit, on passe rapidement à l’appréciation des turquoises, des violets, des bleus outremer. Même si Marcel Jean tente de défier la forme et la ligne, il les retrouve bien malgré lui, au détour d’une rencontre entre le rouge et le noir. Ainsi, les dualités entre la couleur et le dessin ne sont pas seulement historiques, mais perdurent encore comme moteur de la création chez certains artistes.
"Tous les gestes sont donnés pour ce qu’ils sont", dira Marcel Jean. Dès lors, on peut presque recréer l’oeuvre, imaginer les chemins qu’a pris le peintre pour faire le tableau, refaire le parcours du pinceau, en suivre la trace. La couleur est bel et bien la matière première dont il revendique encore et toujours l’importance: "Pendant les 10 dernières années, il n’y avait pas de regard pour la couleur, mais plus un intérêt pour les images. […] La peinture s’est aussi trop intéressée à la gestuelle et on a négligé la couleur." La couleur, encore la couleur. On n’en sort pas. Oui, c’est surtout de cela qu’il est question dans les tableaux de Marcel Jean. Et ces toiles nous rappellent que l’absence d’un pan de vert peut compromettre l’efficacité d’une composition, que la présence du bleu et du rouge risque de tout changer. Mais surtout, que la peinture peut produire un effet viscéral.
Jusqu’au 25 novembre
Au 36 de la rue Couillard
Bloc-notes
Foglie d’inverno
C’est avec un regard contemplatif qu’on doit aborder le travail d’Angiola Gatti, une artiste italienne qui présente de grandes toiles à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval. Certaines surfaces sont remplies de stylos bille où chaque trait participe à la composition abstraite. Deux grandes surfaces peintes à l’huile sont également le résultat de la répétition du geste doublée de la rencontre saisissante des couleurs. À voir, jusqu’au 25 novembre 2001.
L’enfermement du regard
À la suite du défilé de camisoles de contention de Folie/Culture, dont on retiendra plusieurs bons moments, notamment les performances de Mariette Bouillet et Henri-Louis Chalem, de Carl Bouchard et Martin Dufrasne et celle de Nathalie Derôme, une exposition donne une seconde vie aux réalisations des artistes. Cela vaut le détour, ne serait-ce que pour voir la bande vidéo de Christine Saint-Maur, qui fait le marché avec son énorme déguisement. Mais entendons-nous: pour la plupart, ce sont vraiment les "traces" des performances. On peut voir la robe des Fermières obsédées, celle de la designer Myco Anna, celles de Julie Bacon et de Robert Girard, de Giorgia Volpe et de Pierre Beaudoin, ainsi que le dispositif de Denis Simard, aussi commissaire de l’événement. On peut aussi visionner la vidéo du défilé. Sur le détournement médiatique effectué par un groupe d’artistes, voir le site Web: www.folieculture.org. Chez Rouje, jusqu’au 30 novembre.